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Les communistes, meilleurs opposants au PS ?

Les sénateurs PCF ont infligé un double camouflet au gouvernement, provoquant le rejet des textes sur la tarification progressive de l'énergie et sur la programmation des finances. 

Article rédigé par Fabien Magnenou
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 4 min
Les sénateurs communistes du groupe CRC ont fait capoter deux textes importants du gouvernement socialiste. (ERIC FEFERBERG / AFP)

POLITIQUE – "Je t'aime moi non plus." Les communistes ont d'abord fait capoter le texte PS sur la tarification progressive de l'énergie, dans la nuit du 30 au 31 octobre. C'est la première mesure soutenue par le gouvernement à être retoquée par une chambre du Parlement depuis l'arrivée de la gauche au pouvoir. Quelques heures plus tard, c'est au tour de la loi de programmation des finances publiques 2012-2017 d'être rejetée au Sénat, après une motion déposée par le groupe Communiste républicain et citoyen (CRC). 

Le chef de file des députés PS, Bruno Le Roux, a annoncé mercredi une "concertation permanente" avec tous les groupes de gauche à l'Assemblée pour éviter notamment qu'"une partie de la gauche ne s'installe durablement dans l'opposition", faisant ainsi allusion au Front de gauche. Les communistes sont-ils entrés dans l'opposition ? Eléments de réponse.

Pourquoi le PCF a-t-il voté contre des textes du PS ?

La tarification progressive de l'énergie. Coup de théâtre dans la nuit du 30 au 31 octobre. Le Sénat rejette le "bonus-malus" énergétique, qui récompense les consommateurs les plus respectueux de l'environnement. Selon les élus communistes, cette loi aurait pénalisé les foyers les plus modestes, contraints de payer davantage ou d'investir pour renouveler leurs équipements et l'isolation de leur domicile. Ils proposent en retour une tarification sociale, plus juste selon eux. "Quand une loi ne nous convient pas, on ne va pas se faire hara-kiri !", résume Marie-France Beaufils, sénatrice du groupe CRC à francetv info.

La loi sur le financement du budget. Rebelote quelques heures plus tard. La commission des finances du Sénat rejette la loi de programmation budgétaire pour les cinq prochaines années. La motion d'irrecevabilité présentée par les sénateurs du groupe CRC est en effet adoptée à 187 voix (156 contre), grâce aux voix des sénateurs UMP. Les communistes reprochent au texte de s'inspirer trop largement du pacte de stabilité européen, qui impose l'équilibre budgétaire le plus tôt possible. Ils ont beau préciser que "ce n'est pas le projet de budget mais [juste] une loi de programmation", le mal est fait pour la majorité socialiste.

 Comment réagit le PS ?

Une pointe de fatalisme. Contacté par francetvinfo au sujet du vote sur les tarifs de l'énergie, le rapporteur socialiste Daniel Raoul semble à peine étonné de ce faux-bond. "On se doutait de ce rejet. C'est un positionnement politique du Front de gauche qui est handicapant. On pourrait assister au même scénario pour le budget de la sécurité sociale. On dit que le Sénat est à gauche. Moi, je me pose la question. C'est quelque chose qui nous dépasse, nous sénateurs."

La contre-attaque. "Ce ne sont pas des comportements politiques normaux", s'est exclamé mardi soir Jean-Michel Baylet, président du Parti radical de gauche (PRG), sur le plateau de Public Sénat. Le lendemain, face à l'Assemblée, la ministre de l'Ecologie, Delphine Batho, regrette "que les élus du groupe communiste aient pu être instrumentalisés par la droite". La sénatrice communiste Marie-France Beaufils accuse la ministre d'avoir pêché par orgueil. "Ce n’est quand même pas au moment du vote qu’il faut se rendre compte qu’il y a un groupe parlementaire qui n’a pas les mêmes orientations politiques !"
Quels sont les reproches du PC ?

Des désaccords de fond. Au congrès PS de Toulouse, les communistes ont lancé un avertissement le 26 octobre, sous la plume de leur secrétaire national, Pierre Laurent. Les élus communistes se disent "pour le moment inquiets du cours pris par la politique gouvernementale". La liste des reproches est longue. Y figurent notamment la ratification du traité européen "sans véritable concertation", l'austérité budgétaire "programmée", "le manque de combativité" face aux licenciements, le renoncement au droit de vote des étrangers... 

Le sentiment de s'être fait berner. Contactée par francetv info, Marie-France Beaufils, sénatrice du groupe CRC, résume le sentiment qui règne dans les rangs du Front de gauche. "Nous rappelons au gouvernement que les électeurs qui ont voté pour François Hollande ne sont pas forcément du Parti socialiste, mais que c'est grâce aussi aux voix que nous avons mobilisées au premier tour de la présidentielle. Son électorat n'est pas monocolore politiquement." André Chassaigne, chef de file des élus du Front de gauche à l'Assemblée, a lui demandé au gouvernement qu'il "tienne compte de [leurs] propositions, qu'il y ait une forme d'écoute, une forme de respect".

Le bras de fer va-t-il durer ?

Le PS fait son mea culpa et tend la main. Avec ce double coup de semonce, le gouvernement est en alerte. "Ce n'est pas un événement anodin, effectivement, et nous ne le vivons pas comme ça", a déclaré le ministre des Relations avec le Parlement, Alain Vidalies, au micro d'iTélé. Philippe Martin, premier vice-président du groupe PS à l'Assemblée, a donc été spécialement chargé de renforcer les échanges, il y a une dizaine de jours. Sa mission ? "Maintenir un dialogue avec les groupes de la majorité et de la gauche." Un rendez-vous devrait avoir lieu dans les prochains jours entre les élus communistes et le Premier ministre, selon la sénatrice communiste Mireille Schurch, interrogée sur le site du JDD.

Le Front de gauche se fait désirer. Marie-France Beaufils tient à garder ses distances avec la majorité. "Nous ne sommes pas partenaires du gouvernement. Si nous ne sommes pas dans le gouvernement, c'est que nous n'avons pas la même orientation politique." Tout en se défendant d'être un parti d'opposition, elle maintient donc la pression sur le gouvernement, qui a tout à redouter d'un nouvel échec. "La prochaine échéance ? Le débat sur le projet de loi sur le financement de la sécurité sociale. Et pour le moment, il existe des désaccords." A bon entendeur. 

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