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Le rapporteur de la mission d'information parlementaire sur Karachi demande l'accès au document luxembourgeois

"Tous ceux qui souhaitent la vérité doivent se mobiliser, à commencer par les parlementaires qui ont un pouvoir de contrôle" déclare Bernard Cazeneuve jeudi, au Parisien.Son argument : "Le gouvernement français, qui dit souhaiter la transparence (...) doit (...) obtenir les documents (...) et les transmettre à la justice". Imparable.
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L'attentat de Karachi (Pakistan) en 2002 (France 2)

"Tous ceux qui souhaitent la vérité doivent se mobiliser, à commencer par les parlementaires qui ont un pouvoir de contrôle" déclare Bernard Cazeneuve jeudi, au Parisien.

Son argument : "Le gouvernement français, qui dit souhaiter la transparence (...) doit (...) obtenir les documents (...) et les transmettre à la justice". Imparable.

Mercredi, le site Mediapart.fr a révélé l'existence d'un rapport de la police du grand-duché qui mettrait directement en cause Nicolas Sarkozy. Selon ce document, le chef de l'Etat aurait supervisé la création d'une société luxembourgeoise par laquelle auraient transité les commissions et rétrocommisions dans le cadre du contrat de vente de sous-marins au Pakistan.

Le député socialiste Bernard Cazeneuve, rapporteur de la mission parlementaire française, n'a pas exclu mercredi de demander la création d'une commission d'enquête parlementaire après la publication du document. "Il semblerait que la police française n'ait pas utilisé la totalité des éléments qui pouvaient lui être communiqués et qui étaient de nature à permettre à l'enquête française d'avancer", a-t-il dit dans les couloirs de l'Assemblée nationale.

"Nous sommes en face d'une véritable entreprise d'obstruction et d'entrave au travail du Parlement et au travail de la justice", a-t-il ajouté.

Le député PS de l'Essonne Manuel Valls est sur la même ligne. "Il faut que la justice Française demande à la justice luxembourgeoise de fournir l'ensemble des documents. Il faut qu'il y ait de la transparence, qu'on déclassifie un certain nombre de documents", a déclaré jeudi M. Valls sur RTL.

L'Elysée et l'UMP réfutent
"C'est totalement ubuesque ! C'est sans fondement " a réagi mercredi l'Elysée.

"J'en ai assez de toutes ces allégations sur ce dossier. C'est pas les allégations répétées qui font une vérité", a déclaré le secrétaire général de l'UMP Xavier Bertrand lors de l'émission Questions d'info sur LCP et France Info.

Quant au député UMP Axel Poniatowski, il s'est demandé mercredi si on n'allait "pas assister à un Clearstream 2 avec l'affaire de Karachi", en se disant "absolument scandalisé par ces amalgames mis bout à bout pour salir le président de la République" Nicolas Sarkozy. "Qui est derrière tout ça et qui veut salir le président de la République?" a-t-il insisté.

Le rapport
Des sources proches du dossier, interrogées par l'AFP, ont confirmé la teneur du rapport et les indices relatifs aux rétrocommissions. Mais les mêmes sources s'interrogent sur les éléments ayant conduit les enquêteurs luxembourgeois à conclure à un financement politique.

Le rapport, daté du 19 janvier 2010 et révélé mercredi par le site Médiapart, a été réalisé à la demande des juges financiers parisiens, Françoise Desset et Jean-Christophe Hullin. Ceux-ci enquêtent sur un espionnage informatique présumé à la direction des Constructions navales (DCN). Laquelle DCN a construit les sous-marins vendus au Pakistan.

Dans le cadre de cette enquête, les deux magistrats se sont penchés sur une société off-shore luxembourgeoise baptisée Heine. Cette société avait été créée en 1994 avec l'aval de Nicolas Sarkozy, alors ministre du Budget dans le gouvernement d'Edouard Balladur. C'est par elle que transitaient une partie des commissions, légales jusqu'en 2000, sur les contrats d'armements, dont la vente de sous-marins Agosta, susceptible d'avoir servi de mobile à l'attentat de Karachi (Pakistan).

L'attaque avait fait 14 morts, dont 11 ingénieurs et techniciens français de la DCN, en 2002. Jacques Chirac ayant ordonné l'arrêt du paiement des commissions après son élection en 1995, la justice française soupçonne que l'attentat soit une opération de représailles commanditée par des militaires pakistanais.

Pas de "preuve de corruption"
Dans leur rapport, les policiers luxembourgeois estiment qu'il est possible que cet argent ait servi ensuite à financer la campagne présidentielle d'Edouard Balladur, candidat que soutenait Nicolas Sarkozy face à Jacques Chirac en 1995.

A cette époque, "des références font croire à une forme de rétrocomissions pour payer des campagnes politiques en France. Nous soulignons qu'Edouard Balladur était candidat à l'élection présidentielle en 1995 face à Jacques Chirac et était soutenu par une partie du RPR dont Nicolas Sarkozy et Charles Pasqua", écrivent les policiers luxembourgeois. Ils ajoutent cependant : "Il n'existe aucune preuve concrète de corruption". "Les documents sont tous entièrement vides de noms et les descriptifs des services ou prestations sont vagues", affirment-ils.

Le nom de Heine était déjà apparu dans une enquête préliminaire antérieure à l'information judiciaire visant la DCN: la police française y avait trouvé une note mentionnant l'aval pour la création de cette société du directeur de cabinet d'Edouard Balladur à Matignon, Nicolas Bazire, et celui de Nicolas Sarkozy, alors ministre du Budget et porte-parole de la campagne du premier ministre. Elle laissait "supposer des relations ambiguës avec les autorités politiques en faisant référence au financement de la campagne électorale de M. Balladur pour l'élection présidentielle de 1995", rapportaient, dès 2007, les policiers français.

Le parquet de Paris n'avait pas donné suite.

En juin 2009, le chef de l'Etat avait qualifié de "fable" la thèse d'un financement occulte. Edouard Balladur a lui aussi fermement démenti tout financement illégal de sa campagne en 1995.

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