Le rapport sur l'intégration commandé par Matignon fait polémique
Pour l'UMP, ce texte préconise "d'ériger le communautarisme en nouveau modèle pour la France". Eclaircissements.
La question de l'intégration va-t-elle être une bombe pour la majorité ? Possible. Un rapport, remis il y a un mois au Premier ministre et mis en ligne sur le site de Matignon vendredi 13 décembre, propose de refonder la politique d'intégration à la française en l'axant sur la lutte contre les discriminations, et notamment en autorisant le port du voile à l'école.
Les propositions ont suscité des réserves à gauche et une levée de boucliers à droite. Face aux critiques, Jean-Marc Ayrault a assuré en début d'après-midi que le gouvernement ne veut "évidemment pas" réintroduire les signes religieux à l'école. Et il a tenu à préciser que "ce n'est pas parce que je reçois des rapports que c'est forcément la position du gouvernement". A sa descente d'avion à Cayenne, en Guyane, vendredi soir, François Hollande l'a confirmé : "Ce n'est pas du tout la position du gouvernement". Francetv info revient sur cette polémique.
Que contient ce rapport ?
Le texte comprend cinq contributions rédigées par des représentants d'associations, de fonctionnaires, de syndicalistes et de chercheurs. Voici ses principales propositions.
Supprimer la loi sur le voile. Les auteurs veulent "en finir avec les discriminations légales". Ils préconisent la "suppression des dispositions légales et réglementaires scolaires discriminatoires concernant notamment le 'voile'". La circulaire de mars 2012, qui empêche les mères voilées d'accompagner les élèves lors des sorties scolaires, est aussi visée.
Donner des noms issus de l'immigration aux rues. Ce rapport insiste sur la nécessité de "reconnaître toutes les migrations comme constitutives de la nation". Parmi les propositions, une journée de commémoration sur les apports de ces migrations, un "Musée des colonisations" et de nouveaux noms de "rues et places".
Enseigner l'histoire de l'immigration. Un travail "de (re)mise à plat de l'histoire de la France est nécessaire", estiment aussi les auteurs. Il s'agit d'inscrire dans les programmes scolaires "l'histoire des mouvements de populations", c'est-à-dire l'esclavage et la traite négrière, les colonisations et décolonisations, les immigrations, les réfugiés, les migrations liées aux "printemps arabes" et celles des Roms.
Etudier l'arabe et les langues africaines. De nouvelles langues parlées en France pourraient aussi être davantage enseignées à l'école. "Il faudrait valoriser l'enseignement de l'arabe (...) au même titre que les autres langues en l'introduisant dans les meilleurs écoles et lycées", est-il suggéré. Les auteurs proposent aussi de donner la possibilité "d'un enseignement dès le collège d'une langue africaine".
Sur le plan social, "il est nécessaire de reconnaître le caractère discriminant de certaines prestations", comme l'Allocation de solidarité aux personnes âgées (ASPA) ou le RSA qui "ne sont servis aux assurés ressortissants étrangers que s'ils justifient d'un séjour régulier de 5 ans au moins".
Créer un délit de "harcèlement racial". Les auteurs souhaitent la mise en place de recommandations en direction des médias pour "ne mentionner la nationalité, l'origine, l'appartenance ethnique, la couleur de peau, la religion ou la culture que si cette information est pertinente".
Pour empêcher les désignations jugées stigmatisantes par les auteurs du rapport, il est aussi suggéré de créer un délit de "harcèlement racial" et d'"étudier le recours à la sanction".
Les auteurs proposent la création d'un Conseil pour la cohésion sociale, "lieu de réflexion et d'analyse" des difficultés et des avancées des propositions.
Que craint l'opposition ?
Le président de l'UMP, Jean-François Copé, s'insurge et demande au Premier ministre de se prononcer sur chaque point du rapport. Il estime que "notre République serait en danger", si le gouvernement mettait en œuvre, "ne serait-ce qu'à minima" ce rapport. Un document "dont l'intention est de déconstruire (...) cette République", selon lui.
La présidente du FN, Marine Le Pen, dénonce une "très grave provocation". Pour la dirigeante d'extrême droite , la mise en œuvre de ces propositions "signifierait l'abandon définitif du modèle républicain, la mise en place d'une société ultra-communautarisée et divisée". Pis, "elle constituerait une véritable déclaration de guerre aux Français qui, eux, réclament l'arrêt de la politique d'immigration massive et la réaffirmation de nos lois républicaines et de nos valeurs".
Quant au souverainiste, Nicolas Dupont-Aignan, il voit dans ce rapport "un danger public" qui "va casser la République définitivement". Le président de Debout la République souhaite donc "un référendum".
Ce rapport va-t-il être appliqué ?
Vu le caractère sulfureux des préconisations, la majorité s'est montrée très prudente au sujet de ce rapport. Thierry Mandon, le porte-parole du groupe socialiste à l'Assemblée nationale, a ainsi estimé qu'il faudrait "faire le tri entre une démarche salutaire et des propositions parfois jusqu'au-boutistes". Il n'est pas "envisageable que l'on revienne sur la loi sur le port du voile à l'école", a-t-il ainsi dit sur RTL.
Le chef du gouvernement a, lui, contre-attaqué. "M. Copé est un irresponsable et un menteur parce que faire le procès au gouvernement de la République, que je dirige, que nous voudrions abandonner le modèle républicain d'intégration, celui des droits et des devoirs, celui de la République démocratique laïque et sociale, c'est une injure", a lancé Jean-Marc Ayrault devant la presse, à Matignon.
Que restera-t-il de ce rapport ? Réponse en 2014. Le Premier ministre doit rassembler, début janvier, une partie de son gouvernement pour bâtir la future feuille de route de l'exécutif en matière d'intégration des immigrés.
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