Le procureur général Jean-Louis Nadal recommande la désignation d'un juge d'instruction dans l'enquête sur Woerth
Le haut magistrat "demande que les nombreuses investigations qui restent à effectuer soient accomplies pour lui permettre utilement de décider de la saisine de la Cour de Justice de la République", a expliqué lundi son cabinet.
La CJR est seule habilitée à juger un ministre ayant commis un crime ou un délit dans l'exercice de ses fonctions.
Cette décision signifie que le procureur général près la Cour de Cassassation, Jean-Louis Nadal, estime ne pas disposer de suffisamment d'éléments pour déterminer si Eric Woerth s'est ou non rendu coupable de faits délictuels lors de son passage au ministère du Budget (2007-2010).
Le premier procureur de France considère que les différentes parties mises en cause devraient bénéficier des droits procurés par une instruction : une information judiciaire contradictoire menée par un juge indépendant.
La décision entre les mains du juge Courroye
L'ouverture éventuelle d'une information judiciaire reviendra au final au procureur de Nanterre, Philippe Courroye, et le choix du juge d'instruction au président du tribunal.
Critiqué pour sa mainmise sur les enquêtes, M. Courroye a jusqu'à ce jour écarté l'option de saisir un juge d'instruction, malgré les demandes répétées de syndicats de magistrats et du PS.
Que concernerait une information judiciaire ?
Une éventuelle information judiciaire viserait les faits présumés de trafic d'influence voire de blanchiment de fraude fiscale, même si un rapport de l'Inspection générale des Finances a écarté toute intervention de l'ancien ministre du Budget Eric Woerth dans le dossier fiscal de la milliardaire.
Le conflit d'intérêts est susceptible de concerner les conditions d'embauche en novembre 2007 de la femme d'Eric Woerth par le gestionnaire de fortune de Mme Bettencourt, Patrice de Maistre.
Il comprend également la remise de la Légion d'honneur à M. de Maistre par le ministre. Alors qu'il était simple trésorier de l'UMP, Eric Woerth, qui s'était défendu d'être intervenu, avait proposé dans un courrier à Nicolas Sarkozy que M. de Maistre soit décoré.
Réactions
Réagissant à la recommandation de saisine d'un juge d'instruction, le ministre du Travail Eric Woerth a affirmé lundi que c'est "à la justice de s'organiser comme elle le souhaite".
L'Eurodéputée Eva Joly s'est félicitée lundi de cette décision "qui sauve l'honneur de la justice de notre pays". Et l'ex-juge d'instruction, qui s'exprimait après une conférence de presse sur les mesures budgétaires et fiscales d'Europe Ecologie à l'Assemblée nationale d'ajouter : "Saisir la CJR pour un trafic d'influence pour une Légion d'honneur, ce n'est pas le problème. Jean-Louis Nadal a compris que le vrai problème, en arrière-plan, c'est le financement illicite de la campagne présidentielle de 2007", selon Mme Joly .
"Ce n'est pas la première fois que Jean-Louis Nadal prend des positions un peu à contre-pied: il avait notamment pris position contre la suppression du juge d'instruction", a-t-elle estimé.
Nadal sur l'affaire de la parcelle de forêt de Compiègne
Par ailleurs, concernant la cession d'une parcelle de la forêt domaniale de Compiègne, dans des conditions qui ont suscité une polémique sur le rôle d'Eric Woerth, alors ministre du Budget, le premier procureur de France, Jean-Louis Nadal, a demandé au procureur général près la cour d'appel de Paris de lui adresser tous les éléments utiles lui permettant d'apprécier les faits.
Toute personne qui se prétend lésée par un crime ou un délit commis par un membre du Gouvernement dans l'exercice de ses fonctions peut porter plainte auprès d'une commission des requêtes composée de magistrats.
Cette commission ordonne soit le classement de la procédure, soit sa transmission au procureur général près la Cour de cassation aux fins de saisine de la Cour de justice de la République.
Le procureur général près la Cour de cassation peut aussi saisir d'office la Cour de justice de la République sur avis conforme de la commission des requêtes.
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