Le gouvernement français va entreprendre une réforme de la garde à vue, a confirmé vendredi la garde des Sceaux
La ministre de la Justice a annoncé vendredi que "les droits de la défense seront mieux garantis" dans le cadre de la réforme de la procédure pénale.
La cour d'appel de Nancy avait refusé mardi de prendre en compte -sans les annuler- des procès-verbaux de garde à vue, les suspects n'ayant pu rencontrer leur avocat avant la 72e heure.
Vendredi le parquet de Nancy a décidé de se pourvoir en Cassation. Jeudi, le-vice bâtonnier de Paris, Jean-Yves Le Borgne, avait estimé que la plus haute instance judiciaire serait "certainement amenée à trancher" entre les différentes interprétations de la récente jurisprudence de la Cour européenne des droits de l'Homme (CEDH).
En rendant leur arrêt mardi, les magistrats de la cour d'appel de Nancy s'étaient notamment fondés sur trois arrêts récents de la CEDH - du 27 novembre 2008 et du 13 octobre 2009 contre la Turquie et du 24 septembre 2009 contre la Russie - qui posent, "en règle générale", le = principe de "l'accès à un avocat (...) consenti dès le premier interrogatoire".
"Deux lectures concurrentes de la jurisprudence européenne"
L'arrêt de mardi semble contradictoire, estime le parquet, puisqu'il n'annule pas les auditions, mais que pour autant le fait de les écarter "revient à considérer comme nuls les actes accomplis durant la garde à vue et à retirer toute pertinence à cette mesure, pourtant essentielle dans les enquêtes".
Pour le vice bâtonnier de Paris, par ailleurs chargé de suivre le débat sur la réforme de la garde à vue au sein du plus grand barreau de France, "il y a actuellement deux lectures concurrentes de la jurisprudence européenne: celle de la Chancellerie, restrictive, qui dit que la procédure pénale française remplit les règles de présence de l'avocat et une lecture plus exigeante selon laquelle les arrêts européens posent l'obligation d'une défense effective de l'avocat durs par certains magistrats - pour obtenir davantage de droits pour la défense en garde à vue.
Plusieurs juridictions de première instance, notamment à Bobigny (Seine-Saint-Denis), ont récemment annulé des gardes à vue dans lesquelles le mis en cause n'avait pu avoir accès à un avocat dès le début de la mesure de privation de liberté.
La décision des magistrats de Nancy constitue par ailleurs une première en France, au niveau des cours d'appel.
Alliot-Marie confirme la réforme de la garde à vue
Vendredi, Devant la conférence des Bâtonniers, la garde des Sceaux a notamment déclaré que les avocats pourront assister aux auditions des suspects lors des renouvellements de garde à vue, et que "l'aveu en garde à vue sera insuffisant pour justifier à lui seul une condamnation".
La possibilité d'avoir accès à un avocat dès la première heure de la garde à vue sera "pérennisée", a-t-elle déclaré.
L'avocat pourra par ailleurs consulter tous les procès-verbaux d'interrogatoire du gardé à vue. A partir du deuxième jour, il pourra assister aux auditions.
L'offensive juridique des avocats
Les organisations d'avocats ont engagé fin 2009 une offensive juridique, demandant systématiquement en France l'annulation des procès-verbaux de garde à vue et des procédures, en s'appuyant sur plusieurs arrêts de la Cour européenne des droits de l'homme.
"Combien de temps encore la patrie des droits de l'Homme demeurera-t-elle en retrait de ses voisines ?", a demandé Alain Pouchelon, président de la Conférence des bâtonniers.
En France, la police peut retenir une personne pour interrogatoire durant 48 heures maximum dans les affaires de droit commun. L'accès à un avocat est alors possible pendant 30 minutes au début de la garde à vue.
La garde à vue peut durer quatre jours dans des affaires de terrorisme, de drogue ou de grande criminalité. L'accès à un avocat est dans ces cas repoussé à la 72e heure.
Quelques 577.816 gardes à vue ont été recensées en 2008 en
France par l'Observatoire national de la délinquance, soit une
augmentation de 35% par rapport à 2003.
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