Le gouvernement français se démarque de Claude Goasguen, qui suggère de limiter les cas de double nationalité
Le député UMP préconisait, selon le quotidien Libération, d'exiger des personnes nées en France de parents étrangers de renoncer, si elles souhaitaient devenir françaises, à leur nationalité étrangère.
« Le gouvernement est évidemment défavorable à cette proposition et je crois que M.Goasguen lui-même est en recul aujourd'hui par rapport à cette contribution », a déclaré François Baroin à l'issue du conseil des ministres.
Recul de Claude Goasguen
Et en effet Claude Goasguen rebrousse en partie chemin. Le parlementaire a assuré ne plus préconiser certaines des propositions choc contenues dans le rapport. Il a affirmé ce mercredi qu'il ne s'agissait que d'un « document de travail » qui n'avait pas encore reçu l'aval du groupe UMP auquel il appartient.
Parmi les propositions retoquées ne figure plus celle subordonnant l'acquisition de la nationalité française par mariage ou naturalisation à « la renonciation expresse du déclarant » à sa nationalité étrangère. M. Goasguen avait fait pourtant parvenir le document à l'AFP, présenté comme son rapport de mission.
Au cours d'une réunion, mardi soir, Christian Jacob, le patron des députés UMP, le président de la commission des Lois et les membres UMP de la mission parlementaire ont jugé négativement la « faisabilité » des propositions du document. Les membres socialistes de la mission doivent tenir une conférence de presse dans l'après-midi.
Les propositions du rapport
Tout Français devrait manifester sa volonté d'appartenir à la nation, estime le rapport du député UMP Claude Goasguen. En cas de double nationalité, il s'agirait d'« exiger » des personnes concernées « qu'elles choisissent entre la nationalité française sollicitée et leurs(s) nationalité(s) étrangère(s) », précise par ailleurs le document.
Celui-ci entend « subordonner l'acquisition de la nationalité française par déclaration - à raison du mariage - ou par décision de l'autorité publique - dans le cadre de la procédure de naturalisation - à la renonciation expresse du déclarant ou du candidat à sa ou ses nationalité(s) étrangère(s) ».
Dans ses recommandations, le député de Paris veut « privilégier l'obtention de la carte de résident permanent sur la naturalisation ». Il veut aussi rendre ce titre de séjour « plus attractif » en l'assortissant de l'octroi du droit de vote et d'éligibilité aux élections municipales. Il souhaite par ailleurs « instituer un examen de naturalisation en renforçant les exigences de maîtrise de la langue française ».
Dans une récente interview au Figaro Magazine, Claude Goasguen estime qu'« à l'heure actuelle, trop de naturalisations sont purement administratives. 130.000 naturalisations par an, c'est trop ». La « nationalité n'est pas seulement cette carte plastifiée que l'on obtient après des démarches administratives », explique-t-il. « Elle doit être une adhésion à une nation et à ses valeurs. Ce qui implique de les respecter et de les connaître », ajoute-t-il.
Les idées de la Droite populaire
Avec ce rapport, publié après plusieurs mois de travaux de la mission d'information parlementaire sur le droit de la nationalité, Claude Goasguen entend « renouer avec un roman national à bout de souffle ». A ses yeux, la « nationalité française est vidée de sa substance dans un contexte mondialisé ».
Le parlementaire suit en cela le voeu exprimé par ses collègues de la Droite populaire (frange droite de l'UMP) lors de l'examen, à l'automne dernier, du projet de loi sur l'immigration. Ceux-ci s'étaient alors prononcés contre l'automaticité de l'acquisition de la nationalité pour les jeunes nés en France de parents étrangers.
Début juin, la présidente du FN, Marine Le Pen, estime urgent d'interdire la double nationalité. Selon elle, il s'agit d'« un sujet de premier importance pour l'avenir de notre nation ».
Le refus des socialistes
La commission était présidée par le député-maire PS d'Evry, Manuel Valls, qui entendait « faire oeuvre utile sur des sujets qui peuvent et doivent être traités sereinement ». Il a d'ores et déjà réagi contre les conclusions de Claude Goasguen qui mettent « en cause des principes fondamentaux de la nationalité ».
« Il n'y a pas eu de travail commun. C'est l'oeuvre de Claude Goasguen et de lui seul », affirme Manuel Valls, cité par Libération.
Le discours de Grenoble
La création de la commission avait été décidée après le discours du chef de l'Etat à Grenoble le 30 juillet 2010. Celui-ci avait émis le souhait que « toute personne d'origine étrangère qui aurait volontairement porté atteinte à la vie d'un fonctionnaire de police ou d'un militaire de la gendarmerie ou de toute autre personne dépositaire de l'autorité publique » puisse perdre la nationalité française.
Dans le même temps, il avait souhaité que « l'acquisition de la nationalité française par un mineur délinquant au moment de sa majorité ne soit plus automatique ».
Réactions
L'ex-premier ministre Dominique de Villepin: « Quand on voit l'extraordinaire ridicule, et je pèse mon mot, de ce débat sur la binationalité, qui est un reniement de la tradition française (...), on se rend compte d'abord qu'il y a un certain nombre de responsables politiques qui se foutent du monde, qui se foutent des Français, qui jouent sur les peurs et les divisions ».
Pour Michel Sapin, député PS proche de François Hollande, il s'agit d'« aller prendre les thèmes de Marine Le Pen pour essayer de les faire soi-même », a-t-il dit sur Radio Classique et I-Télé. C'est, selon lui, un « débat juridiquement, politiquement, totalement idiot ». « Par contre, c'est un débat démagogique et ils vont faire assaut de démagogie en se trompant totalement de stratégie car c'est ainsi qu'ils font monter le score » de Marine Le Pen, présidente du Front national.
Eva Joly, candidate à la primaire présidentielle d'EELV et elle-même binationale, a jugé la proposition, sur France 2, « scandaleuse, populiste » et « faite pour emboîter le pas de Marine Le Pen ». « Comment peut-on dire cela dans un pays où il y a tant de binationaux et où l'exemple vient d'en haut: la femme du président de la République est une binationale (...) comme des millions de Français ». Pour elle, « il faut arrêter ce jeu là: nous sommes Français » et « il n'y a pas plusieurs catégories de Français, on ne va pas distinguer selon la couleur de peau, l'accent ou l'origine ».
François Bayrou, président du Modem, a pour sa part jugé sur RMC/BFM TV que cette proposition montre qu'« une partie de l'UMP pense que la question sur laquelle il faut exciter les Français, c'est la question de l'immigration, de l'étranger ». Pour lui au contraire, la binationalité est « quelque chose de naturel » car quand « une jeune femme ou un jeune homme français a un enfant à l'étranger (...) il est normal que (l'enfant) conserve le lien avec la France ». « Si nous voulons que nos enfants puissent avoir un lien conservé avec la France même s'ils se marient ou ont enfants à l'étranger, il est normal que nous considérions que ça peut jouer dans l'autre sens », a-t-il ajouté.
Pour le PCF, "la droite ne sait plus quoi inventer dans la course qu'elle dispute avec le Front national pour lui voler son fond de commerce : sa haine de l'étranger. Au concours du plus c'est gros, plus ça passe, c'est au tour de Claude Goasguen, le député du 16e arrondissement de Paris, de tenter d'exister en tête de gondole UMP du supermarché FN".
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