Le gouvernement a renoncé à lâcher un ours dans les Pyrénées malgré ses engagements antérieurs
Il a tranché en faveur des opposants à sa réintroduction contre ses défenseurs, pour lesquels cette décision signe l'arrêt de mort de l'animal dans l'ouest du massif.
Ce sont les organisations favorables à la réintroduction de l'ours, sur le qui-vive depuis des semaines, qui ont divulgué les premières la nouvelle : après de longs et apparemment délicats arbitrages auxquels Nicolas Sarkozy lui-même a présidé selon elles, la ministre Nathalie Kosciusko-Morizet a décidé de ne pas autoriser le lâcher annoncé en 2010 pour ce printemps par sa devancière à l'Ecologie, Chantal Jouanno.
Il ne s'agissait que de remplacer l'ourse Franska, tuée dans un accident de la route en 2007, par une autre femelle qui aurait été introduite dans le Béarn (Pyrénées-Atlantiques), et en aucun cas de renforcer les effectifs de l'ours (d'une vingtaine actuellement), une perspective insupportable pour les adversaires du plantigrade.
"Ne pas accabler les éleveurs touchés par la sécheresse"
Mais, a expliqué le ministère, Mme Kosciusko-Morizet a préféré ne pas accabler encore les éleveurs déjà touchés par la sécheresse. Il a assuré qu'il ne s'agissait pas d'un renoncement total, que la France était tenue par des engagements internationaux sur la biodiversité et que la restauration d'une population viable d'ours dans les Pyrénées restait un "objectif à atteindre".
Ces assurances n'ont pas apaisé le sentiment de trahison des pro-ours, qui attendaient le gouvernement au tournant et pour lesquels il a fait passer ses intérêts électoraux en 2012 avant ses engagements envers la nature.
Quinze ans après la première réintroduction d'ours dans un massif qu'ils écumaient autrefois en grand nombre, "c'est une rupture avec la politique de l'Etat depuis plus de 15 ans dans les Pyrénées, c'est un reniement de l'engagement pris par l'Etat il y a moins d'un an, c'est l'arrêt de mort de l'ours sur ce territoire (du Béarn) où il est présent depuis des millénaires", s'est ému Alain Reynes, de l'association Pays de l'ours-Adet, l'une des plus actives pour la défense de l'animal.
Il ne subsiste plus que deux ou trois mâles sur le versant occidental des Pyrénées
Il ne subsiste plus que deux ou trois mâles sur le versant occidental des Pyrénées. Ne pas y lâcher une femelle au plus vite, c'est condamner ce noyau, disent les pro-ours. En l'état actuel, la population de l'ours sur l'ensemble des Pyrénées n'est même pas viable, disent-ils.
Pour les anti-ours en revanche, un seul ours de plus, c'est encore un de trop. Pour eux, la présence de l'animal, un carnassier toujours susceptible de s'attaquer aux troupeaux, est incompatible avec le pastoralisme; elle l'est plus globalement avec le développement de l'économie locale.
Ils menaçaient de reprendre la lutte, ravivant le spectre des troubles qui les voyaient maculer de sang animal le fronton des édifices publics.C'est en leur faveur que le gouvernement s'est prononcé, prêtant immédiatement le flanc à toutes les analyses sur ses motivations.
Christine Sourd, directrice adjointe des programmes français de WWF, a eu tôt fait de relever qu'il y a moins de 15 jours, Mme Kosciusko-Morizet présentait sa stratégie nationale pour la biodiversité. "Quand il faut passer dans le concret, il n'y a plus personne. Ce sont les agendas politiques, les lobbies, les enjeux électoralistes qui priment", a dit Mme Sourd.
Pour le chef de file des anti-ours, la proximité de la présidentielle a indéniablement pesé dans la balance. Mais cela reste "une grande satisfaction" pour Philippe Lacube, président de l'Association pour le développement durable de l'identité pyrénéenne (Addip).
"Il y a cinq ans, on avait fait baisser le nombre de lâchers. En 2010, on avait obtenu l'abandon d'un plan de réintroduction de l'ours. Tous les arguments que nous avons avancés ont été entendus", a-t-il dit à l'AFP.
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