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La Rochelle en quatre épisodes clés

Elles n'ont pas toutes marqué l'histoire socialiste, mais quelques-unes des universités d'été de La Rochelle ont été un tournant pour le PS. Récit de ces rendez-vous détonnants.

Article rédigé par Salomé Legrand
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 8min
Le Premier ministre Lionel Jospin et le premier secrétaire du PS, François Hollande à La Rochelle, le 29 août 1999.  (DERRICK CEYRAC / AFP)

POLITIQUE - C’est le rituel socialiste de la rentrée. L'édition 2012 de l'université d’été du parti, systématiquement organisée à La Rochelle (Charente-Maritime) depuis 1993, s’ouvre vendredi 24 août. Toutes n’ont pas été mémorables, mais quelques-unes ont marqué une étape dans l’histoire du PS. FTVi rembobine !

1999 : Jospin et les classes moyennes

Deux ans que le PS a remporté les législatives. Lionel Jospin est à Matignon, la croissance reprend, Jacques Chirac est affaibli, les socialistes versent dans l’autosatisfaction. Mais "Lionel Jospin doit désormais gérer la durée", analyse à l'époque Libération.

L'université d'été s'ouvre sur un couac. Le ministre de l’Economie d'alors, Dominique Strauss-Kahn, annonce unilatéralement de nouvelles mesures fiscales, dont une baisse des impôts pour l’année suivante. Le chef du gouvernement pique une colère. Réactions. Démentis. Nuances. Mais le vrai tournant est sur le plan des idées. Alors que Martine Aubry lançait la veille "Nous n'avons pas besoin d'un second souffle !" à la fin d’un atelier euphorique sur le bilan du gouvernement, comme le rapportait Le Monde (article payant), Lionel Jospin se lance. En clôture de l’événement, il annonce "une deuxième étape".

Il développe son idée clé, "faire naître une nouvelle alliance" entre trois grands groupes sociaux : "les exclus, les classes populaires et les classes moyennes". "Il essaie d’esquisser une nouvelle politique, une nouvelle vision des choses et notamment des rapports de classes", explique à FTVi Gérard Grunberg, chercheur au centre d’études politiques de Sciences Po. Objectif : "moderniser les valeurs traditionnelles pour prendre l'ascendant sur Blair et Cohn-Bendit", décrypte à l’époque l’envoyé spécial de Libération, qui a compté une douzaine de "moderne" et "modernisation" dans un discours qui a fait date. 

2004 : Fabius, Hollande et le traité européen

François Hollande et son numéro 2 au PS, Laurent Fabius, lors de la 12e université d'été de La Rochelle, le 27 août 2004. (JEAN-PIERRE MULLER / AFP)

Ce devait être une nouvelle étape du retour de Lionel Jospin, sorti brutalement du jeu politique deux ans auparavant, après sa défaite dès le 1er tour de la présidentielle. Le petit monde socialiste spécule sur sa présence à tel ou tel autre événement. Mais l’ex-Premier ministre est éclipsé par un débat qui fait rage depuis plusieurs semaines et que la chaleur estivale n’a pas réussi à écraser : le Traité constitutionnel européen, soumis à référendum aux Français l’année suivante.

"Circulez, y’a rien a voir", semble dire le programme officiel de l'université d'été, qui ne compte qu’une table ronde sur "L'Europe de la croissance". Pourtant, la déclaration de François Hollande en faveur du "oui", le dimanche 29 août 2004, lance la guerre fratricide entre les deux factions du PS. Ses proches, dont Stéphane Le Foll, François Rebsamen et Bruno Le Roux, mais aussi Pierre Mauroy et Daniel Vaillant, avaient ouvert le bal dans Libération quatre jours auparavant. Les "anti" s’activent dans les couloirs, distribuent des tracts et ouvrent des sites internet.

Laurent Fabius, numéro deux du PS et adversaire de toujours de François Hollande, réserve encore sa réponse mais est irrité par l’offensive du "oui", racontait Le Monde cet été-là (article payant). Jack Lang fait la navette et tente d’apaiser les tensions entre les deux ténors du PS. Il note, amer, "une petite dose de bonne volonté seulement", rapporte le quotidien. Une consultation interne est organisée le 1er décembre 2004. Le "oui" l’emporte avec 59% des voix, mais la division de la gauche se poursuit jusqu’au scrutin, six mois plus tard. 

2006 : Royal et les cinq éléphants

Arrivée très médiatique de Ségolène Royal, en tête dans les sondages avant la primaire du PS, le 25 août 2006 à La Rochelle. (DOMINIQUE BORDIER / MAXPPP)

Cette année-là, l'université d’été ouvre la dernière ligne droite avant la présidentielle. En face, l'UMP aligne Nicolas Sarkozy. La gauche, elle, se tâte encore. "C’est le combat des prétendants", rappelle le politologue Gérard Grunberg, qui se souvient surtout de "Ségolène Royal, qui trône littéralement sur l’événement". En tant que présidente de la région, la dame du Poitou inaugure le rendez-vous. Et de s’appuyer sur le bilan de "la France socialiste des régions", rappelle Libération, qui souligne par ailleurs que "Ségolène Royal ne perd évidemment pas de vue ce qu'elle appelle 'l'Etat central'".

Elle est longuement applaudie, mais, écrit Le Monde, "la plupart des 'éléphants' du parti étaient absents. Jack Lang (…) avait 'un autre rendez-vous', ou Dominique Strauss-Kahn 'préparait' son discours. Jusqu'à son compagnon, François Hollande, qui a semblé faire un pas vers la candidature jeudi, et qui a expliqué être 'souvent absent' des séances d'ouverture". En fait, durant trois jours, les cinq autres ténors du PS, candidats déclarés ou hésitants mais distancés dans les sondages, manœuvrent contre elle tant qu'ils peuvent, malgré le spectre de 2002.

Jospin, dont la larme essuyée en plein mea culpa sur l’échec de 2002 devant les jeunes socialistes a fait la une, dispute à Hollande le costume du candidat de recours. Dominique Strauss-Kahn et Laurent Fabius encouragent leurs porte-flingues. Jack Lang rame pour obtenir ses parrainages. A l’unisson, ils dénoncent "le flou" du projet de Ségolène Royal. "Les sempiternels associés rivaux du PS auront rarement autant privilégié l'élimination interne de l'un des leurs au mépris de l'opinion publique et des vœux des militants",  analysait Le Monde (article payant). Imperturbable, elle choisit de snober l’invitation du Mouvement des jeunes socialistes et préfère le JT de France 2 pour s’adresser "à l’opinion". Quelques semaines plus tard, elle remporte la primaire socialiste avec 60,62% des suffrages. 

2009 : Aubry et la rénovation

Martine Aubry, le 28 août 2009 à La Rochelle. (FACELLY / SIPA)

Novembre 2008, Martine Aubry est élue première secrétaire du Parti socialiste, cent deux voix devant sa concurrente, Ségolène Royal. Crise de légitimité, critiques des quadras et guerre froide entre les deux ennemies de toujours ponctuent l’année du PS. Mais, dès l’ouverture de l'université d’été, la maire de Lille attaque : "On la veut, cette rénovation ? Alors on va y aller !" Et de promettre "la rénovation totale, de 'C' comme cumul des mandats à 'P' comme primaire".

"En parlant de rénovation et en acceptant le principe de primaire ouverte pour l’élection en 2012, elle réussit à asseoir son autorité", déchiffre Gérard Grunberg. Mieux : Martine Aubry coupe l’herbe sous le pied de sa rivale. Elle met "allègrement la main sur son fonds de commerce politique, entre consultation militante, primaires ouvertes et promesse d’en finir avec le cumul", relate Libération

"Depuis le congrès de Reims [en novembre 2008], les socialistes avaient une première secrétaire. Depuis l'université d'été de La Rochelle, ils ont une patronne", jubilait l'un de ses adjoints, cité par Le Monde. Les quadras applaudissent des deux mains. En clôture, elle lance l’offensive contre la politique de Nicolas Sarkozy. Benoît Hamon, porte-parole du parti, plaisante avec les journalistes : "Excusez-nous d'aller mieux, ce n'était pas gagné d'avance."

 

(De G. à D.) Manuel Valls, Ségolène Royal, Martine Aubry, Arnaud Montebourg, François Hollande et Jean-Michel Baylet, candidats à la primaire socialiste, le 28 août 2011 à La Rochelle. (PIERRE ANDRIEU / AFP)

En 2011, les six candidats à la primaire défilent et testent leur popularité mais refusent de s'entredéchirer, donnant le ton des débats de l'automne. En 2012, première université d'été sous présidence socialiste depuis 1994, l'ambiance est autre mais trois enjeux dominent : la rentrée du gouvernement, la succession à la tête du parti et l'unité, menacée par l'aile gauche du PS. 

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