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La brigade financière a procédé vendredi à une perquisition au domicile et dans les bureaux de Patrice de Maistre

Les policiers de la Brigade financière, saisis par le parquet de Nanterre, ont perquisitionné le siège de la société Clymène à Neuilly-sur-Seine et le domicile de Patrice de Maistre dans le 16e arrdt.Jeudi, lors d'une confrontation entre M.de Maistre et l'ex-comptable de Liliane Bettencourt, Claire Thibout, chacun avait campé sur ses positions.
Article rédigé par France2.fr avec agences
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Siège de la Brigade financière à Paris (AFP Jean Ayissi)

Les policiers de la Brigade financière, saisis par le parquet de Nanterre, ont perquisitionné le siège de la société Clymène à Neuilly-sur-Seine et le domicile de Patrice de Maistre dans le 16e arrdt.

Jeudi, lors d'une confrontation entre M.de Maistre et l'ex-comptable de Liliane Bettencourt, Claire Thibout, chacun avait campé sur ses positions.


Le gestionnaire de fortune a été mis en cause par l'ancienne comptable de l'héritière de L'Oréal, Claire Thibout, dans des dépositions réitérées, dont la teneur est confirmée par le parquet de Nanterre (Hauts-de-Seine).

Il lui aurait demandé en 2007 de retirer 50.000 euros en espèces pour la campagne présidentielle de Nicolas Sarkozy et aurait complété cette somme par un retrait d 100.000 euros en Suisse pour les remettre à Eric Woerth, actuel ministre du Travail et à l'époque trésorier de la campagne.

Patrice de Maistre nie ces allégations. Confrontées par la police jeudi, les deux personnes sont restées sur leur position.

Dans les enregistrements des conversations de Liliane Bettencourt publiés dans la presse et remis à la justice, Patrice de Maistre parle des comptes en Suisse. Leur existence a été confirmée et ils recelaient près de 80 millions d'euros.

Patrice de Maistre parle aussi de transférer les avoirs suisses vers Singapour ou l'Uruguay. Apparaît aussi l'existence de l'île d'Arros aux Seychelles, acquise un temps par Liliane Bettencourt via le Liechtenstein.

L'embauche de Florence Woerth
Par ailleurs, Patrice de Maistre dit avoir embauché Florence Woerth à la demande de son mari fin 2007, en expliquant le 23 avril 2010 à Liliane Bettencourt: "J'avoue que quand je l'ai fait, son mari était ministre. Il m'a demandé de le faire. Je l'ai fait pour lui faire plaisir".

Eric Woerth, qui a remis la Légion d'honneur à Patrice de Maistre début 2008, a annoncé le 21 juin le départ de son épouse de la société Clymène.

L'ex-comptable maintient sa version face à Maistre
Aux enquêteurs, Claire Thibout a certes assuré n'avoir jamais dit aux journalistes de Médiapart "que des enveloppes étaient remises régulièrement" à Nicolas Sarkozy lorsqu'il était maire de Neuilly entre 1983 et 2002. Mais elle a maintenu ses accusations visant M.de Maistre.

Selon elle, le gestionnaire de fortune lui avait bien demandé en 2007 d'effectuer un retrait de 150.000 euros qu'il destinait à Eric Woerth, trésorier de la campagne de Nicolas Sarkozy.

Lors de trois heures de confrontation devant les policiers jeudi, Claire Thibout et le gestionnaire de la fortune de Liliane Bettencourt, Patrice de Maistre, ont maintenu leurs versions, divergentes, concernant ce retrait d'argent pour le financement de la campagne présidentielle de 2007, selon une source judiciaire.

"Quand je lui ai demandé pourquoi c'était faire, pourquoi une telle somme, il m'a répondu qu'il devait organiser un dîner avec M.Woerth pour la lui remettre", a ajouté Claire Thibout.

Elle affirme alors avoir retiré 50.000 euros à la BNP, somme maximale qu'elle pouvait obtenir, afin qu'ils soient remis à Mme Bettencourt : "J'ai mis dans une enveloppe la somme de 50.000 euros pour Mme Bettencourt. Il (M. de Maistre) m'a dit qu'il se débrouillerait du reste", a-t-elle ajouté.

Claire Thiboult dit avoir supposé que Patrice de Maistre s'était procuré le reste sur les comptes suisses de l'héritière de l'Oréal. Elle ajoute: "J'ai été là au moment où j'ai remis à Mme Bettencourt une enveloppe qu'elle a remise à Patrice de Maistre". Elle a précisé ne pas avoir assisté au dîner de M. de Maistre avec M.Woerth mais assure qu'il a bien eu lieu "car M.de Maistre me l'a dit..."

Au cours de la confrontation, Patrice de Maistre a contesté cette version, selon la source judiciaire. "J'affirme ne rien savoir de l'existence supposée de cette remise de 150.000 euros", a dit le gestionnaire de fortune devant les enquêteurs mardi, selon un extrait de procès-verbal publié par le Monde.

De nombreux politiques défilaient "pour avoir de l'argent"
Par ailleurs, Claire Thibout a confirmé devant les policiers que de nombreux hommes politiques venaient rendre visite au couple Bettencourt "pour avoir de l'argent", et cite toute une série de personnalités.

Le Monde cite notamment Edouard Balladur, le couple Chirac, Bernard Kouchner, Danielle Mitterrand, Renaud Donnedieu de Vabres, Nicolas Sarkozy et plus récemment Eric Woerth.

Mme Thibout a expliqué en détails aux enquêteurs les tâches qu'elle effectuait, c'est à dire retrait d'argent et remise d'enveloppes garnies au couple Bettencourt avant certains rendez-vous, mais précise n'avoir jamais assisté à une remise d'enveloppe à des hommes politiques.

Edwy Plenel, fondateur de Mediapart, a souligné sur iTele qu'"elle ne s'est pas rétractée sur les 150.000 euros", dénonçant le fait que cette affaire tourne au face à face de "David contre Goliath" autrement dit "Mediapart contre l'Elysée".

L'avocat de l'ex-comptable dénonce "un acharnement" du parquet
Claire Thibout, fait l'objet d'un "acharnement" du parquet de Nanterre pour qu'elle revienne sur ses déclarations, a déclaré jeudi soir son avocat, Me Antoine Gillot. "Elle est lasse d'être l'objet d'un tel acharnement. Tout est entrepris pour la faire revenir sur ses déclarations", a-t-il ajouté.

Les points sur lesquels Mme Thibout s'est rétractée
En revanche, mercredi soir dans sa déposition aux policiers, Claire Thibout a contesté certains des propos qui lui sont prêtés par Mediapart concernant des remises d'enveloppes à Nicolas Sarkozy quand il était maire de Neuilly de 1983 à 2002.

"L'article de Mediapart me fait dire que j'aurais déclaré quelque chose concernant la campagne électorale de M. Balladur. C'est totalement faux. C'est de la romance de Mediapart. De même que je n'ai jamais dit que des enveloppes étaient remises régulièrement à M. Sarkozy", a-t-elle déclaré aux policiers.

De son côté, le site Médiapart a rétorqué que les propos de l'ex-comptable de Liliane Bettencourt ont été scrupuleusement retranscrites, lors de deux conversations, en présence d'un tiers témoin différent à chaque fois.

"La vérité est rétablie", s'est aussitôt félicité le secrétaire général de l'Elysée, Claude Guéant. "Dans un pays comme la France, un certain nombre de procédés pour salir ne devrait pas être utilisés", a-t-il déclaré à l'AFP, dénonçant des "procédés de caniveau".

La publication du rapport de l'IGF reportée à lundi
L'exécutif espère par ailleurs que le rapport que doit publier l'Inspection générale des finances (IGF) sur le rôle joué par Eric Woerth dans le volet fiscal de l'affaire permettra de conforter le ministre du Travail. Ce rapport d'abord attendu vendredi sera finalement rendu lundi "au plus tard", a indiqué le chef de l'IGF dans un communiqué.

Les carnets de l'ex-comptable passés au crible

L'avocat de l'héritière de L'Oréal, Me Georges Kiejman, a montré des photocopies des carnets de caisse sur i-Télé tandis que Libération en reproduit des extraits dans son édition de jeudi.

Comptable de 1995 à 1998, Claire Thibout dit y avoir consigné tous les retraits en espèces effectués sur deux comptes ainsi que les utilisations de ces retraits.

Ces carnets, que Liliane Bettencourt disait volés et que la comptable affirmait avoir laissés chez la milliardaire, sont entre les mains de la police depuis mercredi, dit-on de source proche du dossier.

Selon Georges Kiejman et Libération, les fameux carnets mentionnent bien la trace d'un retrait des 50.000 euros retirés sur un compte de Liliane Bettencourt à la BNP à la date indiquée par la comptable, le 26 mars 2007.

Aux dires de l'ex-comptable, ces 50.000 euros étaient censés avoir été remis à Eric Woerth, trésorier de la campagne Sarkozy, en même temps que 100.000 euros retirés en Suisse.

Mais Me Georges Kiejman assure que "rien n'établit" dans les carnets de Mme Thibout que l'héritière de L'Oréal "fasse du financement politique" illégal.

De son côté, la comptable a déclaré à Médiapart qu'elle portait toujours la mention "Bettencourt' lorsque l'argent était remis à des hommes politiques, pour qu'il ne reste pas de trace écrite.

Claire T: l"ex-comptable de Liliane Bettancourt défie le pouvoir

« Lassée » d"être accusée d"avoir volée des documents, Claire T, qui a noté pendant douze ans tous les retraits d"espèces, défie le pouvoir par des déclarations jugées fantaisistes par ses détracteurs.

Claire T, la cinquantaine, la cinquantaine, a livré des confidences ultra-sensibles en affirmant au site Mediapart qu'Eric Woerth avait reçu en tant que trésorier de l'UMP la somme de 150.000 euros en liquide pour financer la campagne présidentielle de Nicolas Sarkozy au printemps 2007.

Alors que l"Elysée et le ministre du Travail affirment qu"il s"agit de calomnies, son avocat, Me Guillot, estime à l"inverse que "c'est une petite femme au caractère bien trempé, quelqu'un de droit et de loyal". "Elle doit l'être pour avoir été la comptable de Mme Bettencourt pendant douze ans et obtenir un accréditif de 50.000 euros", ajoute-t-il,

En 2008, la comptable avait été entendue dans l'enquête ouverte pour "abus de faiblesse" contre le photographe François-Marie Banier. Elle avait alors témoigné de l"état de santé fragile de la milliardaire, faisant état de pressions constantes exercées par l"écrivain photographe.

L"avocat de M.Banier indique qu"elle n'a apporté "aucune preuve" de ce qu'elle "avance (…) aujourd"hui comme dans le passé".

La comptable a reconnu n'avoir jamais vu la remise d'une enveloppe à M. Woerth mais a souligné que ses accusations reposaient sur les déclarations du gestionnaire de fortune de Mme Bettencourt, Patrice de Maistre.

Visée par une plainte pour "vol de documents" déposée au parquet de Nanterre par l'avocat de Liliane Bettencourt, Me Georges Kiejman, l'ancienne comptable a été placée en garde à vue les 18 et 19 juin, puis de nouveau auditionnée lundi au siège de
la Brigade de répression de la délinquance contre la personne (BRDP).

Elle est accusé par Me Kiejman de ne pas avoir restitué les "carnets de caisse" dans lesquels elle notait les retraits d'espèces qu'elle réalisait à la demande des Bettencourt.

"Par lassitude d'être accusée, elle s'est lâchée, elle en avait marre d'être traitée de voleuse. Elle est soulagée d'avoir parlé même si ce qu'elle endure est dur", dit encore son avocat.

Après la plainte pour abus de faiblesse contre M. Banier et l'audition par la police de plusieurs membres du personnel, deux clans se sont formés au sein des salariés de Mme Bettencourt: les pro-Banier et les autres, explique-t-il. Ceux qui ont témoigné contre le photographe ont été poussés dehors par le gestionnaire de fortune de Mme Bettencourt et par M. Banier, ajoute-t-il.

Claire T. a été licenciée en novembre 2008 mais "elle est partie avec une lettre d'éloges de son employeuse", ajoute-t-il. "Ma cliente a toujours essayé de protéger Mme Bettencourt, je tiens à le rappeler".

Patrice de Maistre, portrait d'un homme de confiance

Le gestionnaire discret de la fortune de Mme Bettencourt, Patrice de Maistre, apparaît jour après jour comme le personnage central, en dépit de ses dénégations, de cette affaire politico-financière qui touche le sommet de l'Etat.

M. de Maistre, 61 ans, a été désigné devant les policiers par l'ex-comptable de l'héritière de l'Oréal comme l'intermédiaire qui "s'occupait des 'politiques'", dont Eric Woerth.

Ancien expert-comptable au cabinet Deloitte entré au service de Mme Bettencourt en 2003, M. de Maistre a formellement contesté, par la voix de son avocat, les "allégations mensongères" de l'ex-comptable et a menacé d'intenter des actions en justice.

Accusé d'avoir versé 150.000 euros en liquide au printemps 2007 au trésorier de l'UMP pour financer la campagne présidentielle de Nicolas Sarkozy, M.de Maitre a déjà été auditionné par les policiers au sujet de son rôle présumé dans des opérations d'évasion fiscale. Si une enquête pour blanchiment de fraude fiscale était ouverte par le parquet de Nanterre, il serait trés certainement à nouveau entendu.

Marié avec la première épouse du patron de LVMH, Bernard Arnault, M.de Maistre a su gagner la confiance de Mme Bettencourt auprès de laquelle il a été introduit par l'ex-PDG de L'Oréal, Lindsay Owen Jones. Il a été rapidement nommé à la tête des deux structures destinées à gérer la fortune de l'héritière, Clymène et Téthys.

Dans les enregistrements, il demande à Liliane Bettencourt de lui offrir un nouveau voilier.

Dans la seule interview accordée depuis le début de l'affaire, M. de Maistre avait reconnu le 25 juin au Figaro l'existence de deux comptes en Suisse non déclarés d'une valeur de 78 millions d'euros dont il n'aurait "découvert l'existence qu'en novembre 2009".

Pourtant, le 27 octobre 2009, il déclare à Liliane Bettencourt: "Il faut qu'on arrange les choses avec vos comptes en Suisse. Il ne faut pas que l'on se fasse prendre avant Noël". Concernant l'un des deux comptes, M. de Maistre précise trois semaines plus tard: "Je suis en train d'organiser le fait de l'envoyer dans un autre pays, qui sera soit Hong Kong, Singapour ou en Uruguay".

Autre détail qui met le ministre du travail en difficulté, les liens de M.de Maistre avec le couple Woerth, ce dernier lui ayant remis en janvier 2008 les insignes de chevalier de la Légion d'honneur. C'est par ailleurs Patrice de Maistre qui a embauché en 2007 Florence Woerth à Clymène, structure qui gère la fortune de l'héritière de L'Oréal, quelques mois après que son époux était devenu ministre du Budget. Une fonction dont elle a finalement démissionné fin juin.


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