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L'immigration choisie de Sarkozy est restée une promesse

En 2007, Nicolas Sarkozy souhaitait que 50% des entrées migratoires aient un motif professionnel. Cinq ans plus tard, la proportion reste minime.

Article rédigé par Bastien Hugues
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 3 min
Le 3 juin 2005, Nicolas Sarkozy, alors ministre de l'Intérieur, marche dans Paris au côté de ses futurs successeurs, Claude Guéant et Brice Hortefeux. (PASCAL PAVANI / AFP)

C'est une vieille promesse de Nicolas Sarkozy. En 2006 déjà, le ministre de l'Intérieur qu'il était alors disait vouloir passer d'une "immigration subie" à une "immigration choisie". En clair, "la France doit pouvoir faire le choix des immigrés qu'elle accueille en fonction de ses besoins. [Elle] doit accueillir des étrangers auxquels [elle] peut donner un travail", affirmait-il. 

Elu à l'Elysée, Nicolas Sarkozy précise alors noir sur blanc cette volonté, dans une lettre de mission envoyée le 9 juillet 2007 à Brice Hortefeux, fraîchement nommé ministre de l'Immigration : "Vous viserez l'objectif que l'immigration économique représente 50% du flux total des entrées à fin d'installation durable en France".

La part de l'immigration professionnelle n'a pas augmenté

Pourtant, selon le dernier rapport de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (Ofii), les entrées migratoires pour motif économique représentaient 15,4% en 2007, contre 15,5% en 2010. 

Désormais candidat à sa réélection, Nicolas Sarkozy répète qu'il faut "continuer dans la voie de l'immigration choisie". Mais alors qu'en novembre 2007, Brice Hortefeux fixait pour objectif de "faire progresser l'immigration économique", celui de Claude Guéant est aujourd'hui de la "maîtriser", en la réduisant de moitié. 

Un revirement dû à la crise, selon le gouvernement

Ce changement de cap, les ministre de l'Immigration et du Travail le justifient sans détour dans une circulaire adressée aux préfets le 31 mai 2011, alors relayée par Le Figaro (PDF) : "Compte tenu de l'impact sur l'emploi de l'une des crises économiques les plus sévères de l'histoire", il convient "d'adopter une approche qualitative et sélective"

Pour ce faire, le gouvernement a adopté une liste de mesures draconiennes. Parmi lesquelles la réduction de la "liste des métiers en tension", des professions dont les besoins en main d'oeuvre pourraient être couverts par les migrants. D'une trentaine en 2007, cette liste a été divisée par deux par Claude Guéant en 2011.

Pour Guéant, "la France n'a pas besoin de compétences issues de l'immigration"

Désormais, plus besoin d'employés de ménage à domicile, de conducteurs de travaux, de soudeurs ou de maçons venant de l'étranger. La faute à la crise et à la hausse du taux de chômage, passé de 7,7% fin 2007 à près de 10% aujourd'hui. "Contrairement à une légende, la France n'a pas besoin de compétences issues de l'immigration, estime le ministre. Elle dispose de la ressource nécessaire. (...) L'an dernier, 730 maçons étrangers sont entrés sur le territoire ; or lorsque Pôle emploi diffuse 20 offres d'emploi de maçons, il y a 100 demandeurs présents en France qui postulent", justifiait Claude Guéant en juin dernier.

Conséquence : "La priorité doit être donnée à l'insertion professionnelle des demandeurs d'emploi aujourd'hui présents, qu'ils soient de nationalité française ou étrangère, résidant régulièrement en France".

Une politique critiquée par les économistes

Ce revirement ne convainc pourtant pas les économistes et démographes spécialistes de la question. Interrogé par Le Figaro.fr, Xavier Chojnicki, du Centre d'études prospectives d'informations internationale (Cepii), rappelle qu'en matière d'emploi, il existe "un relatif consensus" pour constater qu'autochtones et immigrés sont "plutôt complémentaires". "La plupart des études réalisées constatent d'ailleurs un très faible impact de l'immigration sur le taux de chômage."

En fait, plus que l'argument économique avancé par le gouvernement ces derniers mois, plusieurs experts estiment que c'est davantage l'échéance électorale qui pourrait expliquer ce changement de cap décidé par le gouvernement. "En France comme un peu partout en Europe, la politique migratoire cherche à diminuer le nombre d'immigrés accueillis, afin de répondre aux craintes d'une population préoccupée par le chômage", résume sur le site du Figaro Brigitte Lestrade, auteur de Emploi et Immigration (éd. L'Harmattan, 2009). Dans L'Express, Catherine de Wenden, directrice de recherche au CNRS et spécialiste des questions migratoires, estime elle aussi que ce récent tour de vis tend à "instrumentaliser la peur de l'étranger". Egalement directeur de recherche au CNRS, Patrick Weil, dans Les Echos, ne dit pas autre chose : "Ce sont des annonces pour siphonner l'électorat de Marine Le Pen et masquer ses échecs en la matière".

Car en 2007, Nicolas Sarkozy s'était imposé en parvenant notamment à capter une importante part de l'électorat FN. Jean-Marie Le Pen n'avait recueilli au premier tour que 10,4% des sufrages, et 65% de ces électeurs s'étaient reportés sur Nicolas Sarkozy au second. Aujourd'hui, Marine Le Pen est créditée de 15 à 18% des intentions de vote selon les instituts, et seuls 33% de ses sympathisants comptent se reporter sur Nicolas Sarkozy au second.

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