L'emploi garanti dans la fonction publique relèvera-t-il bientôt du passé ? C'est ce que prévoirait un projet de décret
Un projet de décret relatif à la "réorientation professionnelle des fonctionnaires de l'Etat" doit être soumis le 11 février au Conseil supérieur de la Fonction publique.
Il prévoit qu'une fois placé en statut de réorientation, le fonctionnaire peut être mis en disponibilité d'office après trois refus d'affectation, donc sans travail ni salaire.
Le décret devrait s'appliquer à tout "fonctionnaire dont l'emploi est supprimé dans le cadre d'un projet de réorganisation ou d'évolution de l'activité du service", et qui se trouverait donc en période de "réorientation professionnelle".
Le projet de décret, présenté lundi lors d'une "session syndicale", a provoqué la colère des délégués. "Virer un fonctionnaire pour autre chose qu'une insuffisance ou faute professionnelle, c'est du jamais vu dans toute l'histoire de la fonction publique", s'est indigné Vincent Blouet, de la CGT, cité dans l'édition de Libération de mardi. "C'est une grande première qui ouvre la porte à tous les dérapages, c'est particulièrement grave", a renchéri Elisabeth David, de l'Unsa, dans le même journal.
Tous les syndicats ont demandé lundi au gouvernement, en guise de premier amendement au projet, son retrait pur et simple.
Eric Woerth défend le projet
Le ministre du Budget et de la Fonction publique a estimé, mardi sur France Info, qu'il était "profondément normal" de mettre en disponibilité un fonctionnaire si celui-ci refusait trois postes, comme le prévoit la loi, une disposition critiquée par les syndicats. "C'est une loi qui a été votée au mois de juillet dernier à l'Assemblée Nationale, sur la mobilité des fonctionnaires facilitant le passage d'une administration à l'autre (...) Dans cette loi, il y a un dispositif qui dit que si un fonctionnaire se retrouve sans affectation particulière parce que son poste a été supprimé (...), alors il a droit à une reconversion, à une formation individuelle, ce qui n'existait absolument pas avant", a plaidé Eric Woerth.
"Et puis l'administration lui propose bien sûr des postes", a ajouté le ministre, qui tiennent "compte de ses capacités, de sa formation, de ses contraintes familiales ou de contraintes géographiques". Les syndicats, au contraire, redoutent que l'administration ne propose pas de poste au fonctionnaire -ceci, afin de ne pas avoir à l'indemniser-, ou alors qu'elle lui propose un poste si loin de son domicile ou de ses compétences que l'intéressé n'ait d'autre choix que de refuser.
"Si au bout du troisième poste proposé, (le fonctionnaire) refuse, alors il peut être mis en disponibilité, ce qui est bien normal", a expliqué de son côté Eric Woerth. "Si la personne refuse, c'est qu'au fond elle n'a plus envie de travailler dans l'administration" et il n'y a "pas de raison que l'administration continue à ce moment-là à payer", a jugé le ministre du Budget.
L'intersyndicale des fonctionnaires a dénoncé lundi ce dispositif, "pire que le privé puisque (le fonctionnaire en disponibilité) ne touchera même pas le chômage", estimant en outre qu'il n'y a "pas d'encadrement", et que ce système s'apparente à une possibilité de licencier des fonctionnaires.
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