Jugé pour des malversations après la débâcle en 2002 de Vivendi Universal (VU), Jean-Marie Messier reconnaît des erreurs
"Certaines décisions que j'ai pu prendre, que nous avons pu prendre, n'étaient pas les meilleures. J'ai certainement commis des erreurs", a déclaré mercredi l'ancien PDG de VU devant le tribunal correctionnel de Paris.
"Avec les éléments que j'avais, j'ai essayé de les prendre (ces décisions) en fonction de l'intérêt de la société", a-t-il plaidé.
"J2M" a expliqué au tribunal que la constitution d'un groupe mondial basé sur l'idée d'une future convergence entre les instruments de communication et les contenus était pertinente mais trop précoce pour les moyens technologiques de l'époque.
Il s'est également attaché à décrire comment, "dans une sorte d'orage parfait", un ensemble d'événements internes et externes au groupe avaient freiné ses ambitions.
Jean-Marie Messier a notamment mis en cause les attentats du 11 septembre, le scandale Enron, l'éclatement de la bulle internet, le comportement des agences de notation, ainsi que, au sein de Vivendi, des dissensions entre les clans d'actionnaires français et américains.
Il a conclu par une autocritique sur ses propres "excès" de communication, il a reconnu "avoir appris une chose" : "on peut être fier sans être arrogant et à l'époque, j'ai certainement donné l'image de l'arrogance, pas celle de la fierté".
Le patron emblématique des années 1990 est accusé de diffusion d'informations fausses ou trompeuses, de manipulations de cours et abus de biens sociaux.
Il encourt jusqu'à cinq ans de prison et 375.000 euros d'amende. Quatre autres ex-dirigeants et deux autres personnes doivent aussi être jugés par le tribunal correctionnel de Paris jusqu'au 25 juin.
Agé aujourd'hui de 53 ans, Jean-Marie Messier avait entrepris, au début des années 2000, de transformer Vivendi Universal (VU) en géant du secteur des médias. Il avait développé une communication euphorique sur la situation de groupe avant que les marchés ne découvrent que le groupe était assommé par une dette de 35 milliards d'euros, entraînant la démission de M. Messier en juillet 2002.
Lors du procès, les juges doivent examiner des communications à la presse ou aux actionnaires de 2000 à 2002 sur la dette et le trésorerie, dans lesquelles les dirigeants sont soupçonnés d'avoir menti. C'était l'époque où Jean-Marie Messier assurait que le groupe, étranglé par les dettes, allait "mieux que bien".
Est aussi visé le rachat massif sur le marché financier de 21.753 titres de Vivendi Universal (VU) entre le 17 septembre et le 2 octobre 2001, opéré selon l'instruction par le groupe lui-même par l'intermédiaire de Deutsche equities, dans le but supposé de faire monter artificiellement la valeur du titre.
Jean-Marie Messier, qui s'est toujours dit innocent et dirige aujourd'hui une société de conseil, se voit enfin reprocher un protocole de départ signé le 1er juillet 2002 qui devait lui garantir un "parachute doré" de 18,6 millions d'euros, une prime de 1,95 million d'euros, ainsi que la mise à disposition de personnel après son départ pour lui et son épouse.
Les précédents
Ce n'est pas la première fois que M. Messier se retrouve devant la justice. Il a déjà dû répondre aux juges américains dans un procès sur les mêmes faits à la suite d'une procédure en nom collectif ("class action") d'actionnaires minoritaires, qui a abouti le 29 janvier dernier à la déclaration de culpabilité de Vivendi pour informations trompeuses, mais à la relaxe de Jean-Marie Messier et de Guillaume Hannezo.
Vivendi a fait appel et la procédure se poursuit. L'affaire américaine a déjà coûté 250 millions d'euros à la société, disent ses dirigeants actuels. Pourraient s'y ajouter 550 millions d'euros en cas de condamnation définitive.
En France, dans un cadre administratif, l'Autorité des marchés financiers (AMF) a sanctionné Vivendi et Jean-Marie Messier de la même amende de 500.000 euros. L'autorité américaine de régulation des marchés a aussi frappé en 2008 Vivendi d'une amende de 48 millions de dollars.
Les autres prévenus
Il s'agit de Guillaume Hannezo, 49 ans, ancien directeur général adjoint et directeur financier de VU, Eric Licoys, 71 ans, ex-directeur général délégué, Hubert Dupont-Lhotelain, 56 ans, ancien trésorier du groupe, son ex-adjoint François Blondet, 44 ans, et Philippe Guez, 49 ans, ancien président de la société Deutsche equities SA.
Edgar Bronfman Jr, 55 ans, homme d'affaires canadien, actuel directeur général de Warner Music et vice-président du conseil d'administration de Vivendi au moment des faits, comparaîtra pour délit d'initié. Il lui est reproché des ventes de titres massives en janvier 2002 lui ayant rapporté près de 13 millions de dollars. Il aurait bénéficié d'une information privilégiée sur les ventes par Vivendi de ses propres titres.
Les prévenus, qui nient tout délit, ont été renvoyés devant le tribunal par le juge d'instruction Jean-Marie d'Huy contre l'avis du parquet, qui avait requis un non-lieu général.
Le procès devrait donc se dérouler sans accusation, même si en théorie le parquet peut changer d'avis à l'audience. Vivendi sera partie civile contre ses anciens dirigeants, ainsi que l'Association des petits porteurs actifs (Appac), qui demande 10 millions d'euros de réparations pour 200 petits actionnaires.
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