Migrants à Calais : comment tout le monde rejette la faute sur l'autre
Un migrant est mort à l'entrée du tunnel sous la Manche, mardi, en tentant de rejoindre l'Angleterre. Alors que les tentatives d'intrusion se multiplient, les principaux responsables de la sécurité sur le site d'Eurotunnel ne cessent de s'en rejeter la faute.
"Eurotunnel doit également prendre ses responsabilités." Au lendemain de la mort à Calais d'un migrant qui essayait de rejoindre l'Angleterre, mercredi 29 juillet, le ministre de l'Intérieur, Bernard Cazeneuve, a une nouvelle fois pointé du doigt le groupe en charge de la gestion du tunnel sous la Manche. Alors que les tentatives d'intrusion se sont multipliées ces dernières semaines sur le site, les autorités françaises et anglaises tout comme Eurotunnel ne cessent de s'en rejeter la faute.
Francetv info revient sur les accusations portées par les uns et les autres.
Les Britanniques s'en prennent à la France
Le groupe Eurotunnel assure avoir intercepté par ses propres moyens plus de 37 000 migrants qui tentaient de rejoindre le Royaume-Uni, depuis le début de l'année 2015. Une situation chaotique que les autorités britanniques attribuent à une mauvaise gestion du site côté français, rapporte Le Figaro. Le Premier ministre, David Cameron, a ainsi critiqué la gestion de l'afflux de migrants par les policiers français, évoquant des "scènes totalement inacceptables".
Lors d'un débat en urgence au sein du Parlement britannique, le ministre de l'Immigration, James Brokenshire, a ajouté que la responsabilité de cette situation "hautement regrettable" revenait aux autorités françaises. Même l'opposition s'est fait l'écho de cette position : l'élu travailliste David Hanson a demandé au gouvernement de quelle manière il comptait "faire pression sur les Français pour gérer la situation à Calais", rappelle Le Figaro.
La France accuse les Britanniques et Eurotunnel
Du côté français, certains affirment toutefois que la responsabilité de la crise incombe aux Britanniques. "Vous [les Anglais] êtes sur une île, et vous ne voyez pas que c'est votre problème de gérer votre sécurité", a ainsi lancé Philippe Mignonet, l'adjoint au maire de Calais, lors d'une interview avec la BBC. Et d'ajouter, lors d'un autre entretien avec la chaîne britannique (en anglais), que le Royaume-Uni pourrait prendre de nouvelles mesures pour décourager les migrants de tenter la traversée.
"Nous savons que, en Angleterre, il n'y a par exemple pas de cartes d'identité, pas de contrôle des papiers, ni de contrôles au sein des entreprises pour lutter contre le travail illégal, a affirmé Philippe Mignonet. Si les gens savent qu'ils ne peuvent pas facilement travailler au noir en Angleterre, ils changeront d'avis."
Au sein du gouvernement, les critiques visent davantage Eurotunnel. Dans une lettre envoyée au président du groupe, jeudi 23 juillet, Bernard Cazeneuve a accusé l'entreprise de ne pas avoir fourni "des efforts à due proportion de l'aggravation de la situation". "Je souhaiterais que vous vous interrogiez davantage sur les moyens humains que vous entendez consacrer à la sécurisation de ce site", a conclu le ministre de l'Intérieur. Un message qu'il a répété mercredi 29 juillet.
Eurotunnel renvoie Paris et Londres dos à dos,
et critique les policiers
Le gestionnaire du site critique pour sa part aussi bien la France que la Grande-Bretagne. "Eurotunnel a alerté depuis plusieurs mois la Commission intergouvernementale du tunnel sous la Manche et les pouvoirs publics de l’explosion du nombre de migrants présents dans le Calaisis, et des conséquences, parfois dramatiques, que cela pourrait avoir", assure le groupe dans un communiqué de presse, mercredi.
Eurotunnel, qui a appelé Londres et Paris à une "réaction appropriée", estime en outre que les policiers affectés à la sécurisation du site ne sont pas assez nombreux. "Je crois que le ministre de l'Intérieur a récemment dit qu'il y avait 2 000 migrants dans la 'jungle' à Calais, mais toutes les personnes locales savent qu'on est plutôt à 5 000", lâche Jacques Gounon, le PDG du groupe.
Ces mêmes policiers sont pointés du doigt par Eurotunnel. "Les forces de police laissent pénétrer les migrants", accusait, fin juin, le porte-parole du groupe, après la mort d'un ressortissant éthiopien dans le tunnel. "Les passeurs savent qu'il y a impunité", estimait-il, ajoutant que "des centaines de plaintes contre les intrus sont classées sans suite", selon 20 Minutes.
Les policiers pointent du doigt Eurotunnel
et le gouvernement
Face aux accusations d'Eurotunnel, les policiers rejettent la faute sur… Eurotunnel. Gilles Debove, délégué du syndicat Unité SGP-FO Police, estime, selon 20 Minutes, que le groupe veut imposer des "tâches indues" aux forces de l'ordre, "qui ne sont pas là pour assurer la sécurité du site, mais pour d'autres missions d'ordre public".
"Ils ont viré 30 vigiles l’an dernier pour faire des économies, se contentant d’appeler la police quand les capteurs et les caméras de vidéosurveillance se déclenchent, poursuit Gilles Debove. Ce n’est pas notre boulot." Et d'ajouter qu'"on ne va pas mettre un policier tous les 10 mètres" pour surveiller les 20 kilomètres de périmètre du site.
Les forces de l'ordre ont par ailleurs dénoncé à plusieurs reprises leurs conditions de travail, se disant "débordés" par la situation à Calais. Les CRS estiment que le gouvernement n'a pas affecté assez de fonctionnaires pour faire face à l'afflux de migrants et aux altercations qui éclatent avec certains réfugiés. Un message entendu par le gouvernement, puisque 120 policiers et gendarmes supplémentaires vont venir renforcer le dispositif, a annoncé Bernard Cazeneuve mercredi 29 juillet.
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