Frissons, poltergeists et vidéos... La paranormale activité des chasseurs de fantômes
De plus en plus de groupes se forment en France pour traquer les phénomènes paranormaux. Pourtant, cette activité demeure méconnue ou sévèrement jugée. Francetv info est allé à leur rencontre.
Sandy n'a pas toujours chassé les fantômes. Il fut un temps où elle n'avait d'ailleurs "pas d'avis sur la question". Sa vocation est née brutalement, dans la douleur, il y a quelques années. Quand sa meilleure amie est morte. A l'époque, le deuil pousse cette jeune documentariste parisienne à s'intéresser à ce que l'on sait de la mort... et de son éventuel "après". C'est là qu'elle assiste à son premier "phénomène". "On a eu un poltergeist, explique-t-elle autour d'un café. C'est un objet qui se déplace tout seul. Un pot de confiture s'est projeté contre le mur de la cuisine."
Avec le recul, la situation la fait sourire. Pourtant, cette expérience hors du commun a changé sa vie. "Avant, on était des hipsters lambda, plaisante la jeune femme. Mais prendre conscience qu'il peut exister une vie après la mort, cela change tout, cela vous transforme." Avec son petit ami, Jonathan, lui aussi témoin de cet épisode surnaturel, elle consacre chaque minute de son temps libre à son projet : sa série documentaire sur la recherche de preuves d'une vie après la mort, The Believers (Les croyants).
The Believers, RIP-Recherches investigations paranormal, TAPS, Ghost Adventures, EuroGhost, AEPS, FRP… Derrière ces noms et sigles obscurs se cachent des chasseurs de fantômes. Avec eux, francetv info se penche sur cette activité mal comprise du commun des mortels.
La chasse aux fantômes, un hobby en vogue
Il y a vingt ans, la chasse aux fantômes avait un visage. Ou plutôt quatre. Bill Murray, Dan Aykroyd, Harold Ramis et Ernie Hudson en combinaisons de pompiste améliorées, un aspirateur trafiqué dans le dos. Mais depuis Ghostbusters (SOS fantômes), la réalité (ou plutôt la téléréalité) a rattrapé la fiction. Dans le domaine, la rock star s'appelle Zak Bagans. A la tête du show Ghost Adventures depuis 2008, l'Américain a enseigné à des centaines de milliers d'amateurs à taquiner l'au-delà en visitant des maisons présentées comme hantées.
Avec ce Zlatan de l'étrange (dont la sincérité est souvent remise en cause, y compris par des chasseurs de fantômes), les Ghostbusters français ont appris le b.a.-ba de leur nouveau hobby. Quel est le matériel adéquat ? Comment s'adresser aux "entités" ? Comment différencier une "présence" d'un simple courant d'air ? A l'inverse de l'ancestrale séance de spiritisme en petit comité, ces émissions grand public ont défini les codes d'un genre nouveau, haletant, entre caméra à l'épaule et plans sur les regards hallucinés de ces chasseurs de fantômes.
"Ils ont mis le sujet à la mode, concède Astrid, de l'Association d'enquêteurs du paranormal et du surnaturel (AEPS), à l'occasion d'une mission dans une maison de Pontivy (Morbihan). Mais ils sont un peu bourrins, ils insultent les entités, ils font le show. Ce n'est pas tout à fait ce que l'on fait."
Chacun son style. Certains enquêteurs privilégient ainsi l'exploration de lieux inhabités, comme Guss, dont les vidéos au style GoPro procurent un frisson digne du célèbre film d'épouvante Le Projet Blair Witch. Ou The Believers, dont l'approche historique relève parfois du travail documentaire. "Je dis aux gens que je sollicite que je veux 'interviewer' leurs lieux. Nous, on ne chasse personne", détaille très justement Sandy. D'autres préfèrent venir en aide aux "victimes", tenter de les réconforter face à ces phénomènes qu'elles ne s'expliquent pas.
"The Believers" Experiences To The Unknown - Trailer from The Believers on Vimeo.
Tous montent un site internet, une page Facebook, échangent sur des forums… "Tout le monde se connaît, confirme Kevin, de l'AEPS. On suit les missions des uns et des autres." Il n'est pas rare qu'un groupe de chasseurs sollicité pour une enquête trop éloignée de chez eux renvoie les personnes vers une autre équipe de la région. Un petit monde parallèle dans une France très sceptique.
Une activité qui peine à être prise au sérieux
"Autour de moi, j'ai arrêté d'en parler, souffle Nolwenn, la cadette du groupe AEPS. Cela ne sert à rien. On nous prend pour des dingues." Souvent, les enquêteurs du paranormal se défendent en avançant que même Victor Hugo tentait, via le spiritisme, de communiquer avec sa fille, Léopoldine. Mais la France du XXIe siècle est "fermée, trop cartésienne", déplore encore Astrid. "Après tout ce que nous avons vu au fil de nos enquêtes, ne pas y croire, voilà ce qui serait paranormal", résume, pour sa part, Jonathan de The Believers.
Formés sur le tas, les chasseurs de fantômes français assurent combler un vide en s'emparant de ce champ d'étude ignoré par la science. "On mène nous-mêmes des enquêtes, parce que je ne comprends pas que le gouvernement et les autorités en général n'investissent pas dans ces questions, comme c'est le cas aux Etats-Unis, déplore Sandy de The Believers.
Plus que les Mulder et Scully de la série X-Files, ses modèles sont le couple Warren, des experts du paranormal controversés célèbres pour avoir collaboré avec le FBI à plusieurs reprises et dont les enquêtes ont, notamment, inspiré les films d'horreur The Conjuring et Annabelle. "Aux Etats-Unis, des universités étudient les phénomènes paranormaux. En France, tout est fait pour décrédibiliser le paranormal", enrage Sandy. Même l'Allemagne bénéficie d'un Institut pour les zones frontalières de la psychologie et l'hygiène mentale (IGPP), chargé d'étudier les phénomènes paranormaux. Sur son site (en anglais), il se targue d'être venu en aide à plus de 300 personnes entre 2012 et 2013.
Photos et vidéos truquées qui circulent sur internet (non mais, sérieusement ?), forums consacrés aux "orbes", ces halos de lumière dont nous savons pertinemment qu'ils proviennent de grains de poussière capturés par le flash des appareils photo, théories complotistes... "Sur internet, on trouve des thèses farfelues qui nous décrédibilisent, ça c'est sûr", regrette Astrid.
Des passionnés en quête de preuves
Professionnels ou amateurs, tous les chasseurs de fantômes cherchent la preuve d'une connexion avec l'au-delà. Ils investissent leur argent de poche dans ces expéditions, parfois à des centaines de kilomètres de chez eux. Matériel vidéo et audio, appareils censés capter les phénomènes de voix électroniques (PVE), essence... Si l'on ajoute à ces frais les heures passées à analyser les images et bandes sonores enregistrées sur place, chasser le fantôme demande, en réalité, une motivation surnaturelle.
A défaut d'être pris au sérieux, ils s'attachent, au moins, à ne pas passer pour des charlatans. "Si l'on vous demande de payer pour intervenir chez vous, il faut toujours refuser", prévient Astrid, qui met en garde contre certains médiums. "C'est un peu symbolique, mais on demande 1,99 euro pour accéder aux épisodes", poursuit Sandy, qui défend une approche professionnelle. Issus du milieu audio-visuel, les créateurs de The Believers espèrent qu'un jour une boîte de production ou une chaîne fera le pari de diffuser leurs documentaires. Même chose pour les membres de l'AEPS, dont certains planchent d'arrache-pied sur X-perience, une série qui plonge croyants et non-croyants dans un ancien hôpital psychiatrique glauquissime.
En échange de ces lourds investissements, les enquêteurs vivent d'aventures. "Je ressens un mélange d'adrénaline, d'excitation. Parfois, j'ai l'impression d'atteindre une limite", décrit Astrid, à court de mots. La peur sur un visage après une confrontation avec "une entité", les larmes de Sandy, vidée à la fin d'une mission... Dans l'espoir un peu fou que leur quête d'une preuve de vie après la mort se révèle fructueuse, ces croyants d'un genre nouveau s'offrent le grand frisson. Une façon comme une autre de profiter de la vie.
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