Entre 77.300 (selon la police) et 100.000 personnes ont manifesté samedi en France contre la politique sécuritaire
Des dizaines d'associations, syndicats et partis de gauche appelaient à cette mobilisation pour dénoncer la politique sécuritaire imprimée par Nicolas Sarkozy, qualifiée de "xénophobe".
La manifestation parisienne a rassemblé 50.000 personnes selon les organisateurs et 12.000 selon la police, et des milliers d'autres ont défilé partout en France.
Ce sont des artistes qui ont donné le coup d'envoi en chansons de la mobilisation: les chanteuses Jane Birkin, Jeanne Cherhal et la cinéaste Agnès Jaoui, notamment, se sont rendus sous les fenêtres du ministre de l'Immigration Eric Besson pour interpréter "Les Petits Papiers", célèbre chanson de Serge Gainsbourg chantée par Régine, qui était également présente.
"On fait des boucs émissaires, sans-papiers ou Roms, qui peuvent être expulsés contrairement à moi, qui suis également étrangère", s'est indignée Jane Birkin. Une délégaton a ensuite été reçue par le cabinet de M. Besson, entrevue qui n'a rien donné. "C'était une discussion de sourds", a rapporté Richard Moyon de RESF.
Le cortège parisien, ouvert par les familles roms de Choisy-leRoi dont le campement a été rasé le 12 août, s'est ensuite ébranlé vers 14h30.
De nombreux responsables d'associations (LDH, Emmaüs, Dal, Attac, le Mrap, etc.), de syndicats (la CGT, la CFDT, FSU) et de partis politiques de gauche marchaient au coude à coude sur des airs de musique tsiganes.
Parmi eux: Marie-George Buffet (PCF), Corinne Lepage, ex-ministre de l'Environnement, Jean-Luc Mélenchon (parti de Gauche), Cécile Dufflot (les Verts), Danielle Mitterrand, Bernard Thibault (CGT), Jean-Paul Huchon (président socialiste de la région Ile-de-France), Olivier Besancenot (NPA).
La mobilisation en province
Dans des dizaines de villes, plusieurs autres milliers de personnes ont défilé "contre cette chasse à l'homme" derrière des banderoles et des pancartes proclamant par exemple "Halte au racisme, liberté, égalité, fraternité en danger", "Nettoyons l'Elysée au Karcher" ou encore "Où sont les délinquants ? Au gouvernement". A Marseille, ils criaient "Vichy c'est fini, Sarko ça suffit".
Ils étaient notamment entre 5.000 et 10.000 à Nantes, entre 2.500 et 10.000 à Marseille, 1.200 à 3.000 à Bordeaux, entre 1.000 et 3.000 à Toulouse, 2.000 à Rennes, entre 500 et 1.000 à Montpellier, 400 à 800 à Perpignan, 200 à Rodez, 400 à Auch et 350 à Agen.
Des manifestations en Europe
Des rassemblements ont également eu lieu samedi devant des ambassades françaises de plusieurs pays de l'Union européenne.
A Rome, plusieurs centaines de personnes, dont de nombreux représentants de la communauté rom, ont manifesté près de l'ambassade de France. A Lisbonne, une centaine de personnes, dont des responsables politiques et d'associations de défense des droits de l'homme, a manifesté devant l'ambassade de France aux cris de "Non au racisme et à la xénophobie".
A Londres, une vingtaine de personnes ont brandi des pancartes à l'effigie de M. Sarkozy barrées du commentaire: "Derrière le sourire, la culpabilité". A Bruxelles, une centaine de personnes dont des Roms portaient des banderoles disant "Sarkozy: Voulez-vous acheter un Rom? 300 euros l'adulte, 100 euros l'enfant", en référence aux montants de "l'aide au retour".
En Espagne, à Madrid et Barcelone, de petits comités ont lu une lettre qui sera envoyée à l'ambassadeur de France pour demander le respect des droits de l'Homme.
Paris a été épinglé par le Comité de l'Onu pour l'élimination de la discrimination raciale (Cerd) qui a jugé sa politique à l'égard des étrangers discriminatoire. La France a aussi été rappelée à l'ordre par le Conseil de l'Europe fin août pour sa "stigmatisation" des Roms et la Commission européenne suit le dossier de près.
Hortefeux minimise la mobilisation
Le ministre de l'Intérieur a minimisé samedi soir la mobilisation contre la politique sécuritaire du gouvernement. Les manifestations n'ont rassemblé au total "que quelques dizaines de milliers de personnes" a assuré Brice Hortefeux, ce qui constitue, selon lui, "sans aucun doute une déception" pour les organisateurs, qui revendiquent une mobilisation de 100.000 personnes sur l'ensemble du territoire.
De son côté, le secrétaire national de l'UMP chargé de la sécurité Eric Ciotti a estimé que ces manifestations traduisaient "une complaisance coupable à l'égard de ceux qui bafouent les lois de la République".
"Nicolas Sarkozy a franchi une ligne rouge"
Un mois après le discours sur la sécurité prononcé par le chef de l'Etat à Grenoble fin juillet, ses détracteurs ne désarment pas et entendent mener "la manifestation la plus large et la plus digne" contre une "politique ouvertement raciste", selon la Ligue des droits de l'homme (LDH).
"Nicolas Sarkozy a franchi une ligne rouge, il fait désormais le lien entre insécurité et immigration, ce qui jusque-là était le discours de l'extrême droite", a déclaré à Reuters Jean-Pierre Dubois, le président de la LDH. "C'est la première fois depuis la Seconde Guerre mondiale qu'un chef de l'Etat propose de retirer la nationalité de façon aussi large."
Le président de la République a annoncé fin juillet que toute personne d'origine étrangère qui porterait atteinte à la vie d'un policier, d'un gendarme ou de tout autre représentant de l'autorité publique serait déchue de sa nationalité. Des mesures en ce sens, concernant les Français naturalisés depuis moins de dix ans, seront intégrées dans le projet de loi sur la sécurité intérieure examinée par le Sénat dès mardi.
Le gouvernement a également accéléré la politique de démantèlement des campements illégaux de Roms et insisté sur les reconduites à la frontière des membres de cette minorité.
Olivier Besançenot (NPA): "La déchéance de nationalité évoque les passages les plus sombres de notre histoire. Quand Hortefeux parle d'envoyer des contrôleurs fiscaux chez les gens du voyages, il ferait mieux de les envoyer chez les patrons du CAC 40, à ma connaissance pas un seul Rom ou gens du voyage n'est responsable de la crise économique actuelle ou des licenciements."
José Bové (Europe Ecologie): "Le gouvernement essaie de sauver Eric Woerth en détournant l'opinion et en stigmatisant les populations. (...) Quand on discute avec nos collègues au parlement européen, quand on regarde la presse européenne, on se rend compte que la France est complètement marginalisée et que personne ne comprend."
Mouloud Aounit (président du Mrap): "Il y a une urgence absolue lorsque les valeurs de la République sont mises à mal comme elles l'ont été ces six derniers mois. Nous avons une situation inédite: une politique délibérée de stigmatisation qui libère la parole raciste et qui est menée au plus haut niveau de l'Etat, qui peut faire craindre des passages à l'acte d'agressions racistes."
Cécile Duflot (Verts): "c'est un vrai sursaut citoyen, le discours de Grenoble est une rupture tellement profonde par rapport à ce qui était acceptable de la part du chef de l'Etat (...) C'est de la délinquance politique."
Corinne Lepage (Cap21): "A un certain moment dans l'histoire, il faut défendre ce qui est essentiel: les valeurs de la République qui sont aujourd'hui bafouée".
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