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En meeting à Bordeaux, Nicolas Sarkozy a-t-il "copié" Marine Le Pen ?

A mesure que le président sortant droitise sa campagne, les propositions des deux candidats sur les sujets régaliens paraissent de plus en plus proches.

Article rédigé par Ilan Caro
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 4 min
Nicolas Sarkozy, le 28 février 2012 à Montpellier (Hérault). (ALAIN ROBERT / APERÇU / SIPA)

"Sarkozy a tout copié !" se désolaient, dimanche 4 mars à Marseille, deux militantes du Front national interrogées à la télévision avant d'écouter leur championne parler autorité de l'Etat, insécurité et immigration. La veille, à Bordeaux, Nicolas Sarkozy avait tenté de couper l'herbe sous le pied de Marine Le Pen en insistant sur les mêmes thèmes. A mesure que le président sortant droitise sa campagne, les propositions de ces deux candidats à la présidentielle sur les sujets régaliens paraissent de plus en plus proches.

• Rétablir l'autorité de l'Etat

Pour Marine Le Pen, "une société sans autorité, c'est une société qui se délite, c'est une société qui recule". Alors elle promet de frapper fort. "Nous avons le devoir de rétablir l'autorité de l'Etat dans tous les territoires perdus de la République. Ras-le-bol des zones de non-droit ou d'un autre droit, ces zones où la France n'est plus chez elle, (…) où les habitants sont pris en otage par des minorités violentes qui prospèrent tranquillement sur les trafics, sur la drogue, sur l'impunité quasi assurée."

Le verbe est moins agressif chez Nicolas Sarkozy. Mais le président sortant insiste sur cette valeur : "Chacun doit prendre sa part dans la défense de l’autorité, sans laquelle il n’y a pas de liberté possible." Autorité de la loi, mais aussi "autorité du maître" : "La
 République
 doit
 s'interroger
 sur
 le
 message
 qu'elle
 adresse
 à
 nos
 enfants
 lorsqu'elle
 désavoue
 un
 maire
 qui
 a
 giflé
 un
 enfant
 qui
 ne
 supportait pas
 d'être
 réprimandé
 pour
 avoir
 commis
 une 
incivilité 
et
 qui 
l'insultait." Il est rejoint par la candidate frontiste, qui prend aussi la défense de Maurice Boisart, maire d'un village du Nord condamné à 1 000 euros d'amende avec sursis pour avoir giflé un adolescent rebelle.

• Une justice plus ferme

A Bordeaux, Nicolas Sarkozy a expliqué qu'il voulait encore durcir un arsenal répressif déjà bien renforcé depuis cinq ans. Ainsi, "dans la République, quand on est condamné à une peine, la peine doit être exécutée". Le lendemain, Marine Le Pen enfonce le clou : "Quand la condamnation est de 10 ans, elle est de 10 ans", lance-t-elle, fustigeant les remises de peine. Des remises de peine que Nicolas Sarkozy souhaite, sinon supprimer, du moins limiter : "Je propose qu'un condamné ne puisse pas bénéficier d'une mise en liberté conditionnelle avant qu'il ait effectué au moins les deux tiers de sa peine."

Marine Le Pen et Nicolas Sarkozy se retrouvent encore pour promettre une refonte de la justice des mineurs. "Nous ne pouvons plus éluder la question de la remise à plat de notre justice des mineurs", plaide le président candidat. "Qu'on cesse de se mentir : en 65 ans, la délinquance des mineurs a totalement changé. Il faut évidemment revoir en profondeur les textes qui la concernent", embraye la candidate FN, qui veut accroître la responsabilité pénale dès 13 ans.

Les deux candidats voient également dans la procédure pénale actuelle un système qui léserait la victime par rapport au délinquant. Nicolas Sarkozy propose de lui confier le droit de faire appel d'une décision criminelle - alors qu'actuellement, seul le procureur ou le condamné peut l'exercer -, mais aussi d'une décision concernant la détention provisoire ou la liberté conditionnelle. Marine Le Pen va encore plus loin en proposant que les victimes participent "aux commissions qui décident de la liberté conditionnelle". Des commissions dans lesquelles Nicolas Sarkozy souhaiterait instaurer des jurys populaires.

• La laïcité contre le halal

"Dans la République, il n'y a pas de place pour la burqa", a scandé Nicolas Sarkozy. Une manière de rappeler qu'il a été à l'origine du vote de la loi interdisant le port du voile intégral. Le président sortant a de nouveau invoqué le principe de laïcité pour s'attaquer à la viande halal, un thème de campagne précisément porté par Marine Le Pen depuis plusieurs semaines. "Reconnaissons à chacun le droit de savoir ce qu’il mange, halal ou non. Je souhaite l'étiquetage des viandes en fonction de la méthode d’abattage. Quant aux cantines scolaires, elles sont aussi tenues au principe de la laïcité. Je m’opposerai à toute évolution qui irait dans le sens contraire."

Et qui dit cantines scolaires dit municipalités. L'occasion de soutenir le ministre de l'Intérieur, Claude Guéant, qui a déclenché une nouvelle polémique en établissant un lien entre le droit de vote des étrangers (proposé par la gauche aux élections municipales) et une prétendue future obligation de fournir de la nourriture halal aux élèves. "Donner le droit de vote aux étrangers, séparer le droit de vote de la citoyenneté, de la nationalité, a estimé Nicolas Sarkozy, c'est porter atteinte à la République. C'est ouvrir la voie au vote communautaire. C'est mettre les maires sous la menace du chantage communautaire."

• Un frein à l'immigration légale

Nicolas Sarkozy, qui doit impérativement capter une partie de l'électorat frontiste s'il veut inverser les courbes des sondages, a enfin abordé le thème de l'immigration : "Oui, l’immigration, c’est un atout et l’immigration zéro est une absurdité. Mais, oui, l'immigration est aussi un problème. La France doit pouvoir exercer son droit de décider qui elle choisit de faire entrer et demeurer chez elle."

Alors que Marine Le Pen veut réduire à la portion congrue le nombre d'immigrés légaux (10 000 par an au lieu de 190 000), Nicolas Sarkozy ne livre pas de chiffre. Mais, comme la dirigeante du Front national, il entend mettre fin au regroupement familial en imposant des conditions pour les candidats au séjour : "un travail, un logement décent, l'engagement à apprendre le français". Marine Le Pen, elle, exige "un casier judiciaire vierge, une très bonne maîtrise de la langue nationale, un mode de vie conforme à nos coutumes et valeurs républicaines, une éducation sans faille à ses enfants, un respect et un amour du pays qui vous a accueilli".

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