Dominique de Villepin a été entendu jeudi pendant plus de quatre heures comme témoin par le juge Van Ruymbeke
L'ancien Premier ministre a fait part de ses "convictions très fortes" d'un financement illicite de "partis proches" d'Edouard Balladur lors de la campagne de 1995, a rapporté l'avocat de victimes de l'attentat de Karachi, Me Olivier Morice, qui assistait à l'audition.
Dominique de Villepin a indiqué à la presse à sa sortie qu'il avait assuré au juge chargé du volet financier de l'affaire Karachi, qu'il ne pouvait y avoir, selon lui, de "lien entre l'attentat de Karachi et l'arrêt du versement des commissions" décidé par Jacques Chirac en 1995 sur des contrats d'armements.
Il n'a en revanche pas réitéré devant la presse ses propos tenus le vendredi 19 novembre évoquant de "très forts soupçons" de corruption (rétrocommissions) de décideurs français à cette époque, en marge de deux contrats d'armement. Il avait alors demandé à être entendu par le juge Renaud Van Ruymbeke, chargé d'une enquête pour "entrave à la justice" et "faux témoignage" en marge de l'attentat de Karachi en 2002.
Villepin sera entendu par le juge Trevidic
Dominique de Villepin a fait savoir qu'il serait entendu "dans les prochains jours" par le juge Marc Trévidic, qui mène l'enquête sur l'attentat de Karachi en 2002, qui a coûté la vie à 15 personnes, dont 11 Français.
Me Olivier Morice, l'avocat de familles de victimes de l'attentat de Karachi en 2002 a pour sa part assuré que Dominique de Villepin avait bien évoqué un financement illicite d'Edouard Balladur.
Dominique de Villepin "a confirmé que les rétrocommissions qui ont été identifiées étaient des rétrocommissions dont ils avaient des convictions très fortes qu'elles avaient servi à financer des partis politiques soutenant le Premier ministre" de l'époque, Edouard Balladur, a précisé Me Morice.
Dominique de Villepin était secrétaire général de l'Elysée en 1995 quand Jacques Chirac a ordonné, à son arrivée à la présidence, la révision des contrats d'armement ayant pu donner lieu à de telles rétrocommissions.
Silence après une question sur les rétrocommissions
"M. de Villepin a été confronté à un conflit de loyauté: il sait qu'il est capable de mettre des noms de personnes mais ne veut pas mettre ces noms, de peur de mettre en difficulté son courant politique", a expliqué Me Morice, ajoutant que Dominique de Villepin "était resté silencieux pendant dix minutes" après une question sur la destination des rétrocommissions.
Deux contrats suscitent des interrogations: Sawari II portant sur la vente de trois frégates à l'Arabie saoudite, signé en novembre 1994, et le contrat Agosta de vente de sous-marins au Pakistan en septembre 1994.
Me Morice a précisé que Dominique de Villepin avait évoqué devant le juge le cas de Ziad Takieddine, un intermédiaire libanais qui aurait été imposé dans la dernière ligne droite de la négociation de ces contrats par le cabinet de François Léotard, ministre de la Défense d'Edouard Balladur. Selon Me Morice, Dominique de Villepin a estimé que le rôle de cet intermédiaire "n'avait rien à voir avec l'établissement de ces contrats".
Ministre de la Défense dans le gouvernement d'Alain Juppé en 1995, Charles Millon est le premier responsable politique à avoir fait état devant le juge Van Ruymbeke le 15 novembre de son "intime conviction" d'une telle corruption, s'appuyant sur des rapports oraux de la Direction générale de la Sécurité extérieure.
La justice soupçonne qu'une partie des commissions versées dans le cadre de ces contrats soit revenue en France - via des rétrocommissions - pour financer la campagne présidentielle d'Edouard Balladur, dont Nicolas Sarkozy était le porte-parole en 1995.
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