Dix ans après le crash de l'avion supersonique qui avait fait 113 morts, le procès s'est ouvert mardi à Pontoise
90 tomes de dossiers, 534 pièces à convictions, plus de 200 journalistes et techniciens: des chiffres qui montrent l'ampleur de ce procès devant le tribunal correctionnel de Pontoise.
Sur le banc des prévenus: Continental Airlines, deux de ses employés, deux ex-responsables du programme Concorde et un ancien cadre de la DGAC (aviation civile).
Me Olivier Metzner, l'avocat de Continental Airlines, l'un des principaux prévenus dans le procès de l'accident du Concorde, a plaidé mardi au premier jour d'audience la nullité de la procédure, menée selon lui uniquement "à charge". Cette requête a également été formulée par deux autres avocats de la défense. La présidente du tribunal rendra sa décision mercredi, à la reprise des débats.
Rappel des faits
Le 25 juillet 2000, un Concorde d'Air France en partance pour New York s'écrasait sur un hôtel à Gonesse moins de deux minutes après son décollage de Roissy, tuant les 109 personnes à bord, dont une majorité d'Allemands, et quatre au sol.
Si l'enquête technique du Bureau d'Enquêtes et d'Analyses (BEA) sur les causes de l'accident a été bouclée en 18 mois, il aura fallu huit années d'instruction pour cerner les responsabilités pénales.
Air France, mise hors de cause même si le BEA avait relevé des défaillances dans la maintenance de ses Concorde, sera partie civile.
Selon le scénario retenu par les experts techniques et judiciaires, la catastrophe a été déclenchée par une lamelle en titane perdue par un DC10 de Continental Airlines, qui venait de décoller de Roissy.
Un pneu du supersonique aurait éclaté après avoir roulé sur cette pièce, les projections auraient crevé un réservoir, provoquant une fuite de carburant qui s'est enflammé, et déclenchant le premier crash de l'histoire de cet avion emblématique.
Air France nie avoir acheté le silence des familles
Air France, partie civile au procès du crash du Concorde, s'est défendu mercredi d'avoir acheté le silence des familles de victimes, comme l'en avait accusé une association avant les débats.
"On a cherché à acheter leur silence", avait dénoncé la Fédération nationale des victimes d'accidents collectifs (FENVAC) en référence aux indemnisations versées par les assureurs notamment d'Air France. Le montant, confidentiel, a été estimé à 100 millions de dollars (115 millions d'euros à l'époque).
"Les victimes ont été indemnisées selon les méthodes habituelles, elles étaient accompagnées d'avocats", a déclaré l'avocat de la compagnie aérienne, Me Fernand Garnault, au deuxième jour du procès au tribunal correctionnel de Pontoise.
Le point de vue de la compagnie américaine
Continental Airlines nie toute responsabilité dans l'accident et défend une autre thèse : l'appareil aurait pris feu avant même de rouler sur la fameuse lamelle. Son avocat, Me Olivier Metzner, va plaider la nullité de la procédure mardi, car l'instruction n'a selon lui pas tenu compte des éléments à décharge.
"Plusieurs témoins, dont des pompiers et pilotes, déclarent que l'incendie du Concorde a démarré environ 800 mètres avant la rencontre avec cette pièce", affirme-t-il.
Egalement sur le banc des prévenus, l'un des employés de Continental Airlines, John Taylor, est accusé d'avoir mal fabriqué et fixé la lamelle. Son supérieur Stanley Ford, n'aurait pas vérifié son travail.
La justice reproche aux responsables du programme Concorde à l'Aerospatiale, Henri Perrier et Jacques Herubel, et au cadre de la DGAC, Claude Frantzen, d'avoir sous-estimé les nombreux incidents ayant émaillé la carrière de l'appareil.
"Cet accident était imprévisible", proteste l'avocat de M. Frantzen, Me Daniel Soulez Larivière, s'appuyant sur une conclusion du BEA qui, regrette-t-il, n'a pas été prise en compte par l'instruction.
L'attitude des parties civiles
Sur les bancs des parties civiles, rares seront les familles des passagers de l'avion, la grande majorité ayant renoncé à toute poursuite après avoir touché une forte indemnisation (estimée au total à 115 millions d'euros), versée par les assureurs notamment d'Air France.
"On a cherché à acheter le silence des familles de victimes", dénonce Stéphane Gicquel, secrétaire général de la FENVAC (Fédération nationale des victimes d'accidents collectifs). On dirait "le procès du crash d'un avion vide".
Les familles des victimes au sol, qui elles n'ont pas été indemnisées, et celle du commandant de bord Christian Marty seront bien là. "Cet accident aurait dû être évité", estime Me Roland Rappaport, l'avocat des Marty. "On connaissait les faiblesses du Concorde depuis plus de 20 ans".
Graphique interactif sur les deux scénarios du crash du Concorde le 25 juillet 2000
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