Au cours de la campagne, ils ont changé d’avis. Ou pas.
Rencontrés lors de reportages sur la campagne présidentielle ces derniers mois, six électeurs reviennent sur cette période qui a alimenté leurs doutes ou conforté leurs convictions. Parfois les deux.
Un électeur sur deux a changé d’intention de vote pour la présidentielle au moins une fois depuis six mois, selon l'enquête Présidoscopie 2012 pour le Centre de recherches politiques de Science Po (Cevipof) et détaillée par Le Monde le 16 avril. Meetings, déclarations, rencontres, propositions, tout compte dans une campagne. Au cours de ses reportages, FTVi a rencontré de nombreux électeurs, plus ou moins convaincus. A deux jours du vote, six d'entre eux racontent ce qui les a marqués, comment ils l’ont vécue.
• Les quatre jeunes qui ont assisté au meeting de Mélenchon
J-72 Ils n'ont "que la carte du PSG" et ne sont "pas très branchés politique". Le 9 février, quatre jeunes du Blanc-Mesnil et de Drancy (Seine-Saint-Denis) ont assisté à un meeting de Jean-Luc Mélenchon. Le candidat du Front de gauche était alors en pleine ascension dans les sondages. A la fin de la réunion, ils étaient plutôt conquis : Jugurtha a trouvé le leader du Front de gauche "génial", notamment sa sortie "On fait le bon pouvoir d'achat pour faire la bonne consommation pour faire la bonne économie". Son pote Simon, lui, hésitait encore entre Eva Joly "par conviction" ou son "vote utile", pour Mélenchon.
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J-2 La suite de la campagne n’a rien changé pour Simon. La candidate écologiste n’ayant pas décollé dans les sondages, il s’est "accroché à Mélenchon". Et si le meeting lui a permis "de vraiment s’imprégner du personnage et de ses idées", il a surtout aimé le rassemblement à la Bastille, en mars. Pour le reste, la campagne l’a conforté dans ses opinions : "Les autres sont totalement ridicules, entre Hollande qui attire à lui des soutiens de droite comme Chirac, et Sarkozy en campagne contre le président sortant, c’est-à-dire lui-même..."
Son pote Jugurtha, lui, est un peu moins séduit par Jean-Luc Mélenchon maintenant qu’il sait qu’il a été "trente ans au PS". Il votera quand même pour lui dimanche mais son coup de cœur de la campagne, c’est Jacques Cheminade, "qui fait plus 'vieux sage' qu’homme politique quand il parle". Cependant, le candidat de Solidarité et Progrès reste trop bas dans les intentions de vote pour "ça vaille le coup".
• Florian, le militant UMP qui hésitait entre Sarkozy et Le Pen
J-45 FTVi a rencontré ce militant UMP d’Avignon (Vaucluse) dans le car qui le menait au grand meeting de lancement de campagne de Nicolas Sarkozy à Marseille, le 19 février. A l’époque, il hésitait avec Marine Le Pen. Trois semaines après cette rencontre, le 9 mars, FTVi faisait son portrait. A ce moment-là, ce "fervent sarkozyste en 2007" nous expliquait, entre autres : "Les promesses de Sarkozy, ce sont les mêmes qu'en 2007, je doute un peu de lui. Alors que le Front national, on n'a jamais essayé !"
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J-2 La campagne lui a permis de fixer son choix. Dimanche 22 avril, ce sera Sarkozy. C’est une rencontre avec Michèle Alliot-Marie, en campagne pour le candidat UMP à Avignon, qui a convaincu le jeune homme. L’ancienne ministre a "pris le temps" de lui expliquer que le président sortant "serait plus libre de réformer s’il était réélu". Et puis, il est "d’accord avec 30 des 32 propositions" mentionnées par la profession de foi du candidat UMP.
• Nicole, "la Marianne des chômeurs" de Thionville
J-168 Durant un week-end de campagne dans les pas de Nathalie Arthaud, début novembre 2011, nous avons rencontré Nicole, "Marianne des chômeurs" et membre actif de la Ligne Thionville-Philadelphie. Cette association mosellane d'aide aux chômeurs a interpellé tous les candidats à l’élection présidentielle. Après la rencontre avec la chef de file de Lutte ouvrière, elle s'avouait dubitative : "Pour la révolution, je ne suis pas d'accord. En tant que maman et tout ça, ça fait peur. Je suis sûre qu’on a d’autres moyens de résister." Daniel, fondateur de l’association, n’était pas plus avancé.
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J-2 Daniel hésite encore, entre Eva Joly et Jean-Luc Mélenchon. La campagne lui a permis deux choses : "Eliminer un certain nombre de gens : Nathalie Arthaud, qui est un robot ; Poutou, qui est très mou" et découvrir Corinne Lepage. L'ancienne ministre de l'Environnement d'Alain Juppé, qui n'a pu se présenter à la présidentielle faute de parrainages suffisants, l’a "favorablement impressionné même s'il est 'normalement bien de gauche'".
Nicole, elle, est "encore vraiment sceptique" et "ne sait pas du tout, du tout". Une seule certitude : "Je penche à gauche." Mais pour cette mère de famille au chômage, "qui n’a rien raté de toute la campagne à la télé", le choix est difficile : "Mélenchon est un grand orateur, et il nous a dédié son meeting à Metz. Hollande et la retraite à 60 ans, c’est bien. Dans chaque candidat, il y a quelque chose de bien." Elle se décidera dimanche, "quand [elle] sera devant les affiches".
• Marie, au café l’Etroit Pont, dans le Beaujolais
J-59 Fin février, autour de Marie, gérante du café l’Etroit Pont à Beaujeu (Rhône), ou même dans le village au cœur des vignobles du Beaujolais, c’était très clair : avec ou sans enthousiasme, on allait voter "Sarko", "le sortant". La patronne, elle, voulait garder le secret sur son intention. Mais ce devait être "à droite". On entendait une petite tentation pour Marine Le Pen, à propos de laquelle elle regrettait simplement : "Elle n’est pas encore prête."
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J-2 "J’ai mon idée, je la garde !", balaye Marie, qui retourne rapidement à ses clients tout en glissant : "La campagne ne m’a rien apporté. On se croirait dans une cour de récréation à la façon dont ils se comportent tous !"
• Florence, dégoutée de Sarkozy, venue voir Hollande à Mérignac
J-111 Dans la queue pour le meeting du candidat socialiste près de Bordeaux (Gironde), le 5 janvier, Florence, comptable, qui assiste à sa première réunion politique publique, expliquait en avoir "marre", marre "de la droite, de son patron, qui est un pote de Sarko". Elle se disait "écœurée". A la sortie du meeting, elle nous a montré une feuille sur laquelle elle a mis des "+" et "-" au fur et à mesure du discours : "La laïcité, la justice l'espérance, la dignité, ça m'a parlé, égrène la pimpante quadra. Et la réforme du statut pénal du chef de l'Etat, ça, j'ai adoré."
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J-2 Florence continue à pencher pour François Hollande mais doute de sa capacité à être "un vrai chef d’Etat", notamment au vu de "son essoufflement" ces derniers temps. Durant toute la campagne, la quadragénaire a fait du yoyo, "un moment absolument convaincue" puis hésitant ensuite "avec Mélenchon, plus charismatique et aux très bonnes idées". "Certaines des annonces de François Hollande ont semées le doute dans mon esprit comme la taxation à 75% et sa position en ce qui concerne le nucléaire", raconte-t-elle. "Plus digne que les autres en même temps 'routard de la politique' avec une attitude de plus en plus formatée", la campagne de François Hollande n’a fait que renforcer ses doutes. Finalement, le "vote utile" l'a rattrapée. Et surtout, depuis quelques temps, elle "en a ras-le-bol de la campagne".
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