Après ses résultats aux Européennes, le PS se donne six mois pour se réformer. Six mois pour quoi faire ?
Avec 16,48% des voix, le PS a enregistré son plus mauvais score depuis 1994. Un résultat à relativiser à cause de l"abstention, notamment dans les quartiers populaires.
Résultat, Martine Aubry propose une refondation progressive de son parti plutôt qu'une thérapie de choc : "Nous avons six mois pour changer de cap", a-t-elle affirmé.
Malgré le score obtenu par le PS (12 points de moins qu"en 2004, et à peine 2 points de plus qu"en 94), personne ne semble avoir demandé le départ de la première secrétaire du PS, tout juste élue (de justesse) par les militants à la tête du parti.
Toutes les personnalités qui l"avaient choisie (strauss-kahniens, fabiusiens, et gauche du PS) n"allaient évidemment pas demander son départ et ses «opposants», au premier rang Ségolène Royal, n"ont rien dit qui puisse lui nuire. Les observateurs ont même cru percevoir un rapprochement entre les deux ex-candidates à la tête du PS.
Pour l'instant, à part le délai donné au PS par Martine Aubry pour provoquer des réformes, rien n'a été décidé. Ce qui n'a pas empêché les petites phrases et les grandes analyses.
Le débat s'ouvre
Au delà de la décision de la direction du PS de ne rien précipiter –Rocard avait du quitter la tête du PS à l"issue de son score en 94- les petites phrases n"ont pas manqué pour crier au feu. Les Moscovici, Montebourg, Valls n"ont pas manqué de multiplier les déclarations sur la nécessité de changer le parti. Manuel Valls a bien résumé les problèmes du parti : «Le PS doit faire en trois ans ce que François Mitterrand avait fait en 10: inventer un programme, une alliance, imposer un leadership ».
Résultat, parler de la mort éventuelle du PS n"est plus un tabou. Arnaud Montebourg parle de "dernière station-service avant le désert". Pierre Moscovici affirme que les socialistes, depuis les Européennes, n'ont "pas donné la sensation" d'avoir "pris la mesure du choc et agi en conséquence". Sans parler de Bertrand Delanoë qui trouve que la situation rappelle "les dérives de la SFIO".
Pour continuer dans l"imagerie maoïste, les socialistes multiplient les dazibaos (messages critiques affichés sur les murs lors du lancement de la révolution culturelle). C"est ainsi que onze parlementaires et cadres suggèrent pour la rentrée des "Etats généraux du renouveau", avec adhérents, sympathisants et société civile, "pour définir une alternative" et une "procédure associant largement les citoyens de gauche pour désigner le candidat à la présidentielle de 2012", en clair des primaires. Parmi les signataires, les députés Arnaud Montebourg, Christophe Caresche, Aurélie Filippetti, Gaëtan Gorce, l'écologiste Géraud Guibert.
Les enjeux du débat
Pour le PS, les points qui font débat sont nombreux et interrogent le parti sur sa capacité à s"imposer à la seule élection qui donne le pouvoir depuis l"instauration du quinquennat et l"inversion du calendrier électoral (présidentielle avant législatives) : l"élection présidentielle que la gauche n"arrive pas à emporter depuis François Mitterrand.
L"ancien leader du PS, François Hollande, n"est pas le dernier à s"interroger sur le score de la social démocratie, partout en Europe, et donc pas seulement en France : «Comment comprendre le paradoxe qui fait que les Européens en plein désordre économique et financier donnent une large majorité à la droite pour la composition du Parlement de Strasbourg et confortent les gouvernements d"inspiration libérale à l"instant même où ce système démontre ses faiblesses globales comme ses dérives individuelles et où ses dysfonctionnements provoquent une hausse considérable du chômage», écrit-il dans . «Social démocrate à l"ancienne comme en Allemagne, ou moderniste comme en Italie, sans oublier le socialisme à la française, mariage de la doctrine exigeante et de la pratique accommodante Tous en ont pris pour leur grade. Faudrait-il en tirer une loi générale ? », ajoute-t-il avant de donner sa solution : «La social démocratie n"assume nulle part son identité: la critique du marché, le réformisme comme instrument, une volonté de préserver les biens publics, le compromis social comme contribution à l"intérêt général, une stratégie de croissance solidaire, un système de prélèvements qui incite aux bons comportements et dissuade les prédateurs, un internationalisme qui n"oublie pas les nations, et surtout une unité dans l"action et dans la proposition à l"échelle du continent. Celle qui a manqué depuis trop d"années. C"est en devenant eux-mêmes que les sociaux démocrates se renouvelleront et non en cherchant vainement à marcher dans les brisées de ses concurrents».
Une position qui curieusement n"est pas très éloignée de celle d"un Mélenchon, ex ministre PS de Jospin, et de son parti de gauche : Les partis sociaux-démocrates dominants à gauche en Europe portent la principale responsabilité de ce désastre (la victoire de la droite au parlement européen). Face aux partis de droite, ils n"offrent aucune alternative. Aux mieux proposent-ils, d"une façon d"ailleurs très vague, la régulation du capitalisme financier. On connait le modèle. Et on peut donner des noms. Pascal Lamy et Dominique Strauss Kahn comme horizon politique!. «Non merci» ont répondu les salariés dans tous les pays, délaissant une partie qui semblait jouée d"avance entre pareil et même. Tous les modèles sociaux-démocrates sont en déroute… », écrivait-il sur le 10 juin.
Ce plaidoyer n"est pas partagé par de nombreux cadres du PS. Pour le député Christian Paul, chargé au PS du "laboratoire des idées", "le modèle social démocrate, qui vient de la société industrielle, n'est pas adapté aux défis écologiques, à la crise de financement de l'Etat providence, à la civilisation numérique ». Manuel Valls, qui a déjà affirmé «je serai candidat à des primaires pour représenter les socialistes et la gauche à la présidentielle » est lui aussi sur une ligne très révisionniste : "Il faut transformer de fond en comble le fonctionnement du PS, nous dépasser, tout changer: le nom, parce que le mot socialisme est sans doute dépassé; il renvoie à des conceptions du XIX° siècle". Au "mot parti" qui "nous enferme dans quelque chose d'étroit", il dit préférer l'appellation "mouvement". Moins formel, Vincent Peillon affirme pour sa part : « nous devons construire une formation moderne qui parle le langage de l'époque, qui permette à la diversité de ses talents de s'exprimer et qui corresponde au nouveau cycle politique que nous devons ouvrir. Un dépassement doit s'opérer». Toujours sur cette question, Benoît Hamon est plus précis : «à gauche, tout le monde se pose les mêmes questions : le rôle de l"état, les régulations possibles au niveau national et international, les protections, les salaires, la répartition capital – travail, la protection de l"environnement, etc.
Une position partagée par de nombreuses personnalités proches d"une gauche très rose pâle. Olivier Ferrand, patron de Terra Nova, "think thank" proche du PS, affirme ainsi que "ce qui manque à toute l'Europe social-démocrate c'est la modernisation de son projet", mais au PS français "il y a un verrou qui bloque la réflexion: la crise de leadership".
Outre la question idéologique qui déchire droite et gauche du parti (comme elle a toujours divisé le parti socialiste), les autres points du débats portent sur la question de la définition du leadership (en français, le leader du parti et surtout le candidat à la prochaine présidentielle) et la question des alliances (au centre et/ou à gauche).
Une des grandes questions qui agitent le PS portent sur la stratégie de nomination du candidat à la présidentielle. Avant même que cette notion de primaires soit définie ou acceptée, Manuel Valls a, on l"a vu, déjà déclaré sa candidature à des primaires ouvertes. Il ne semble pas seul sur cette ligne puisque Montebourg, Moscovici ou Peillon semblent plus ou moins sur cette ligne. Pierre Moscovici a lancé une pétition pour l'organisation de primaires , pour "ouvrir les portes et fenêtres du Parti socialiste". Pour Peillon il faut des « primaires doublement ouvertes. Elles devront permettre à l'ensemble des sympathisants de gauche, et non aux seuls adhérents du PS, de participer au processus de désignation, mais elles devront ainsi permettre de faire concourir des candidats de toutes les formations de gauche ». Montebourg est sur une ligne identique : «Les grandes primaires populaires ouvertes à toute la gauche pour désigner le leader à l"élection présidentielle qui affrontera Nicolas Sarkozy est la première étape à faire accepter au Parti socialiste. Ces primaires auxquelles tous les français devront être associés nous aideront à restructurer notre relation avec les français et retrouver le goût de l"écoute d"une France qui a besoin plus que jamais d"une gauche moderne et créative. »
Sur cette question, le porte-parole du PS, Benoît Hamon est plus prudent: pour « l"échéance de 2012. Je suis personnellement favorable à un candidat unique de la gauche mais nous devons poser cette question sans préalable et sans imposer un ordre de discussion ». Les primaires ? Pour la première secrétaire du PS, "Ce sujet ne peut être traité à la légère".
Pourtant Martine Aubry a eu des mots durs, lors de son intervention devant le Conseil national du PS : "notre Parti, et cela ne date pas d"hier, n"a pas renouvelé ses pratiques et ses comportements ce qui le rend non crédible et inaudible pour le plus grand nombre. Je veux le dire franchement, il faut aller jusqu"au bout et comprendre pourquoi les français n"ont pas envie de nous soutenir". Et sur ce constat, elle affirme: "je veux que nous engagions une démarche hors-les-murs de Solférino, innovante, enthousiaste et féconde. Nous irons, dans chaque fédération, avec les militants, et je le souhaite, ceux des autres partis de gauche, à la rencontre des Français. A chacune de ces étapes, notre projet s"enrichira des propositions des Français, s"approfondira par le dialogue avec des citoyens volontaires".
Cette démarche participative suffira-t-elle. Réponse dans six mois donc...
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