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A la CFDT Gandrange, "on prend les promesses avec beaucoup de prudence"

Depuis la promesse non tenue de Sarkozy de sauver l'aciérie mosellane, les politiques y défilent. Didier Zint, de la CFDT sidérurgie, revient sur l'impact de ces visites. 

Article rédigé par Salomé Legrand - Propos recueillis par
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 5min
Didier Zint, patron de la CFDT sidérurgie en Lorraine, le 13 janvier 2012, devant l'aciérie de Gandrange, fermée en mars 2009 malgré les promesses de Nicolas Sarkozy.  (SALOMÉ LEGRAND / FTVi)

C'est la deuxième visite de François Hollande en moins de six mois. Mardi 17 janvier, le candidat PS à la présidentielle se rend à Gandrange (Moselle), comme il l'avait fait à la veille de la primaire socialiste. Christine Boutin ou encore Jean-Luc Mélenchon se sont aussi pressés devant les grilles de l’ancienne aciérie.

Tous ces candidats à la présidentielle viennent y rappeler la promesse non tenue de Nicolas Sarkozy en février 2008 ; alors qu'ArcelorMittal envisage une restructuration qui menace près de 600 emplois, le président de la République déclare : "L'Etat est prêt à prendre en charge tout ou partie des investissements nécessaires" pour pérenniser l’activité. Le site ferme en mars 2009.

Près de trois ans plus tard, quelles conséquences a ce défilé de politiques à quelques mois des élections de 2012 ? Interview de Didier Zint, secrétaire général de la CDFT sidérurgie Lorraine.

FTVi : Les candidats qui défilent à Gandrange depuis la promesse de Nicolas Sarkozy, c’est une bonne ou une mauvaise chose ?

Didier Zint : Difficile à dire. Nous, on veut bien faire le point sur Gandrange avec les candidats, expliquer là où on en est dans les contreparties promises, le reclassement... Mais ce qu'on souhaite surtout, c’est parler avenir. 

Gandrange 2008 constitue l’illustration des erreurs de tous les gouvernements passés. Il n'y a pas de politique industrielle ! On gère toujours dans l'urgence, jamais dans l'anticipation. Alors, à chaque fois qu'un candidat vient, on repose la question de l'avenir du secteur sidérurgique en France et en Europe, la question de la politique industrielle tout simplement. Et on prend les promesses avec une grande prudence. 

Quel impact ont ces visites ?

D. Z. : Ça a changé le regard des politiques nationaux et locaux. En 2008, quand on discutait avec les institutions et les responsables, ils répondaient : "La sidérurgie, c'est une industrie du passé, vous êtes fous, ça va mourir, comme les mines. Il faut savoir tourner la page." Et ils voulaient développer les services, les nouvelles technologies. Maintenant, je sens qu'ils ont pris conscience qu'il faut une grosse industrie pour structurer un bassin d’emploi. Et que le reste se greffe autour.

Quel message voulez-vous adresser à François Hollande ?

D. Z. : Comme aux autres, on veut poser la question des moyens dont dispose l'Etat pour une vraie politique industrielle, pour faire en sorte que les entreprises prennent en compte les intérêts de tous. On souhaite dire : "Ok pour subventionner mais n’oubliez pas les exigences et les contreparties." On n'a pas d’autre prétention que de leur raconter ce qu'on vit, au quotidien.

On voudrait aussi qu'il y ait une régulation des flux de marchandises en les pondérant par des facteurs sociétaux, environnementaux notamment, pour que ce ne soit pas intéressant d'aller produire de l'acier en Chine où ça rejette deux fois plus de CO2.

Pensez-vous pouvoir être entendu ?

D. Z. : Les candidats nous écoutent, c'est sûr. Après, on verra dans quelques semaines ce qu'ils ont entendu et surtout retenu ! Mais je retrouve souvent dans les programmes et les prises de parole des politiques des propos syndicaux.

En cette période électorale, quel est le climat politique autour de vous ?

D. Z. : Dans nos troupes, à la CFDT, il y a clairement un ras-le-bol. Les gens sont écœurés. Crise, chômage, dette, bling-bling... Avec le dossier des retraites notamment, où la mobilisation n'a pas payé, on ressent cette déception : même nous, on n'arrive plus à faire changer les choses.

L'urgence pour le prochain président consiste à reconstruire la cohésion sociale. Et à redonner de la voix à tout le monde notamment via les corps intermédiaires que sont les associations et les syndicats. Un Français sur deux n'est pas heureux au travail [deux sur trois selon une étude détaillée par l’Express]. Si on ne fait rien, ça va finir par péter ! Il faut penser à compenser le surplus de compétitivité qu'on demande aux salariés par l'amélioration des conditions de travail. Ça, c'est un enjeu de la campagne.

Quand on pense Gandrange, on pense zone sinistrée. Qu'en est-il ?

D. Z. : C'est vrai que la Lorraine se trouve dans une spirale négative, en désespérance. Mais je ne me l'explique pas. On a tout : des infrastructures, des compétences. Pourquoi, en Lorraine, on n'arrive pas à se développer comme Toulouse avec l'aéronautique ou Lyon-Grenoble et le nucléaire.

Pour l'instant, on compte beaucoup sur le projet Ulcos [une station de captage et de stockage du CO2 qui aiderait à réduire les émissions liées à la production d’acier]. Il devrait être réalisé sur le site voisin d'ArcelorMittal à Florange, en compensation de la fermeture de Gandrange. On mise aussi sur le grand projet d’un port fluvial lorrain à Thionville-Illange. Mais de manière générale, tout est trop rigide, trop long. C'est flagrant à Esch-Belval, à la frontière. Côté luxembourgeois, à la place de la friche industrielle, ont poussé des banques, des universités, des salles de spectacles. Côté français, il n'y a rien. Si j'avais la solution, je me présenterais aux élections !

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