Cet article date de plus de douze ans.

A Clichy-la-Garenne, une camionnette pour s'inscrire sur les listes électorales

Pour inciter les habitants à s'inscrire afin de voter en 2012, la mairie a mis en place une permanence mobile. Elle sillonne la ville pendant deux mois, jusqu'à la fin décembre. Reportage.

Article rédigé par Thomas Baïetto
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 7min
Amine, 18 ans, remplit le formulaire d'inscription.  (THOMAS BAÏETTO / FTVi)

"On en était à 3 169 hier, plus 198 aujourd'hui... On peut en espèrer encore 400." Dans son bureau de la mairie de Clichy-la-Garenne (Hauts-de-Seine), Hélène Cussac, directrice des actions civiques, fait le compte des nouvelles inscriptions sur les listes électorales (première inscription et changement d'adresse). Comme pour toute année précédant une présidentielle, "il y a une volonté forte de s'inscrire, explique la responsable, mais on ne va pas atteindre le chiffre de 2006". Cette année-là, 5 418 personnes s'étaient inscrites sur les listes de cette commune de 58 500 habitants limitrophe de Paris. 

"Personne à Clichy ne peut dire qu'il n'a pas entendu parler de l'inscription sur les listes électorales"

Mais le contexte d'il y a cinq ans était différent. "2007, c'était la première présidentielle après le choc de 2002", analyse Hélène Cussac. Selon elle, l'émotion suscitée par la présence de l'extrême droite au second tour de la présidentielle avait poussé de nombreuses personnes à s'inscrire. En 2011, la mobilisation est retombée, alors cette mairie socialiste emploie les grands moyens.

Prospectus, rappel dans les boîtes aux lettres, affichages... "Personne à Clichy ne peut dire qu'il n'a pas vu ou pas entendu parler de l'inscription sur les listes électorales", veut croire la directrice. A la mairie et dans ses annexes, les bureaux de l'état civil sont ouverts 42 heures par semaine et jusqu'à minuit le soir du 31 décembre, date limite pour l'inscription. Clichy fait également partie des 2 500 communes où l'inscription peut se faire en ligne, sur le site mon.service-public.fr.

Le mini-bus des inscriptions

Et lorsque que cela ne suffit pas, les agents de l'état civil viennent chercher les Clichois au pied de leur immeuble. Depuis 1995, une camionnette sillonne les quartiers de la ville les soirs de novembre et de décembre pour enregistrer les inscriptions. Une démarche qui leur avait permis de "remporter un trophée d'initiative locale", s'amuse Hélène Cussac.

Ce mardi soir, Gilbert et Christine (qui n'ont pas voulu donner leurs noms de famille) composent l'équipage de la camionnette. Le premier conduit le véhicule jusqu'à l'emplacement prévu. La seconde enregistre les inscriptions dans le petit bureau installé à l'arrière.

Garée dès 18 heures devant la Maison pour tous, un centre social, la camionnette attend ses premiers visiteurs. Deux jeunes grimpent à l'arrière du véhicule, s'installent sur les banquettes face au bureau. Ils auront 18 ans en 2012 et s'inquiètent de la démarche à suivre. "Tu t'es recensé ?", lance Christine à l'un d'eux. Le jeune homme répond par l'affirmative et se voit expliquer que son inscription se fera automatiquement. "Moi, c'est mort, je suis né en septembre", lâche son camarade, déçu. 

"Il y a le bus, viens t'inscrire"

"Même s’il n’y a pas inscription, il y a cet échange d’infos", explique Gilbert. La camionnette, habillée d'affiches violettes portant l'inscription "N'attendez pas le dernier moment""est un bon support", estime Gilbert. Il raconte que le véhicule est utilisé dans d'autres campagnes, contre le sida ou la maladie d'Alzheimer par exemple. "A une époque, il y avait distribution de préservatifs, mais là, ce sont les élections", explique-t-il, ajoutant dans un sourire que, parfois, certains se trompent et viennent en réclamer.
La camionnette de la ville de Clichy-la-Garenne, le 27 décembre 2011, devant la Maison pour tous. (THOMAS BAÏETTO / FTVi)

Peu après 18 heures, Amine, 18 ans, se présente. "Normalement, je suis inscrit automatiquement, mais je suis venu pour être sûr", explique-t-il, visiblement motivé par la perspective de voter pour la première fois. Il habite à l'autre bout de la ville mais a tout de même fait le déplacement. "Le directeur de l'association Mozart [une association de la ville] m'a dit : 'Il y a le bus, viens t'inscrire'", raconte-t-il. 

En contrat de formation en alternance, il travaille chez un concessionnaire de Levallois-Perret et quitte son travail trop tard pour aller s'inscrire à la mairie. Pour lui comme pour beaucoup de gens, le bus, ouvert de 18 heures à 19 h 30, "c'est plus pratique"

"C'est la queue du wagon, on rattrape les derniers"

Sur le trottoir, Majid Zelbouni, responsable des centres sociaux à la mairie, estime que le gouvernement n'en fait pas assez pour inciter les gens à s'inscrire. Selon lui, cette attitude s'explique "peut-être par peur d'un vote jeune orienté à gauche". Il est vrai que, comme le rappelle France Culture, au second tour, Nicolas Sarkozy n'avait recueilli que 40 % des suffrages des 18-24 ans en 2007. Ceux-là mêmes que Majid Zelbouni et José Guadalupe, le directeur de la Maison pour tous, tentent d'alpaguer lorsqu'ils passent près de la camionnette. "C'est la queue du wagon, on rattrape les derniers", s'amuse-t-il. 

Une tactique payante. Sabrina, 21 ans, n'avait pas prévu de s'inscrire sur les listes électorales aujourd'hui. C'est le directeur de la Maison pour tous qui l'a envoyée vers la permanence mobile. Elle n'a pas sa carte d'identité, mais habite juste à côté. Quelques minutes plus tard, la voilà devant le bus.

"Pour quelqu’un de feignant, c'est très bien, parce que c'est juste en bas de chez moi", plaisante-t-elle. Mais sa bonne volonté a des limites. "Si ça ne suffit pas, je remonte pas chercher autre chose !", prévient-elle à propos des papiers à fournir. Elle ne sait pas du tout pour qui elle va voter. "Je ne sais même pas qui il y a", reconnaît-elle. A côté, sa copine lance, moqueuse : "DSK ?"

Photocopieuse, bureau, formulaires d'inscription : la camionnette n'a pas grand chose à envier aux bureaux de la mairie. (THOMAS BAÏETTO / FTVi)

"Râlez pas si vous êtes pas inscrit" 

"Ah, c'est les élections, j'espère qu'ils sont passés s'inscrire", lance une passante en apercevant la camionnette. Elle travaille auprès des jeunes de la ville, dans une maison de quartier. "Ils râlent, donc on n'arrête pas de leur dire : 'râlez pas si vous êtes pas inscrit'", explique celle qui préférerait que le mécontentement des jeunes de Clichy s'exprime dans les urnes. 

Il est bientôt 19 heures et plus personne ne se presse à l'intérieur du véhicule. Christine a déjà enregistré quatre inscriptions et plusieurs demandes de renseignement. A la mairie depuis treize ans, elle n'en est pas à sa première campagne d'inscriptions. Ce soir, elle ne battra pas son record de quinze personnes. Mais ce n'est pas une mauvaise soirée pour autant. Certains soirs, "il y a des collègues qui n'ont eu personne, se souvient-elle, mais c'est rare"

De fait, l'antenne mobile, une méthode utilisée également à Nantes, Reims ou Angoulême, n'est pas le moyen qui collecte le plus d'inscriptions. Hélène Cussac explique que c'est la méthode classique, dans les bureaux de la mairie, qui est la plus efficace, malgré "une forte poussée" des inscriptions par internet et par correspondance. 

Commentaires

Connectez-vous à votre compte franceinfo pour participer à la conversation.