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200 à 300 producteurs d'huîtres ont bloqué le 6 mai le pont de l'Alma sur lequel ils ont déversé des coquilles d'huîtres

Ils voulaient alerter les pouvoirs publics sur le phénomène de surmortalité des naissains. Une délégation devait être reçue dans la matinée au ministère de l'Agriculture et à l'Assemblée.Comme il faut trois ans pour élever une huître, la surmortalité des naissains apparue en 2008 va commencer à se faire sentir sur les étals en fin d'année.
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Des ostréiculteurs en colère manifestent le 5 mai 2010 près des Champs-Elysées, à Paris. (AFP/MIGUEL MEDINA)

Ils voulaient alerter les pouvoirs publics sur le phénomène de surmortalité des naissains. Une délégation devait être reçue dans la matinée au ministère de l'Agriculture et à l'Assemblée.

Comme il faut trois ans pour élever une huître, la surmortalité des naissains apparue en 2008 va commencer à se faire sentir sur les étals en fin d'année.

En 2009, cette surmortalité, liée notamment à un virus et une bactérie, a atteint 80 à 100% sur certains lots d'huîtres creuses, selon l'Institut français de recherche pour l'exploitation de la mer (Ifremer). Le phénomène menacerait un quart des 4.200 entreprises conchylicoles, selon le Comité national de la conchyliculture.

Les ostréiculteurs sont arrivés à 5h du matin à Paris où ils ont bloqué à partir de 7h et pendant une demi-heure l'avenue Foch, dans le 8e arrondissement, au milieu de laquelle ils ont mis à feu un canot rempli de coquilles d'huîtres et de bottes en plastique. Le cortège, composé d'une vingtaine de camionnettes remplies de coquilles d'huîtres, s'est ensuite dirigé vers le pont de l'Alma, dans le même quartier. "L'ostréiculture crève par l'indifférence des pouvoirs publics", "L'ostréiculteur en voie d'extinction", "Sarko, sauve les ostréos !", pouvait-on lire sur les banderoles déployées par les manifestants.

"C'est une vraie catastrophe, les pouvoirs publics ne se rendent pas compte, mais dans deux ans, on n'aura plus d'huîtres", a déploré Louis Cardonnel, un ostréiculteur normand. Pour Renan Henry, le président du Comité de survie de l'Ostréiculture, lui-même ostréiculteur à Saint-Philibert, dans le Morbihan, et organisateur mercredi à Paris de la manifestation d'ostréiculteurs en colère, "on n'en peut plus, on subit les tempêtes, la crise, les fermetures administratives et là, la surmortalité. Il faut vraiment que les pouvoirs publics réagissent".

La surmortalité des jeunes huîtres a redémarré au printemps dans les parcs ostréicoles français, sans que les scientifiques n'aient encore trouvé de solution pour enrayer le phénomène.

Des explications mais pas de solutions
En Méditerranée, "on est reparti dans un processus de surmortalité avec 15 jours d'avance", selon Nathalie Cochennec-Laureau, responsable à l'Ifremer du projet "surmortalité des huîtres juvéniles". La température de l'eau est "montée très vite", atteignant le seuil fatidique des 16°C à partir duquel le virus responsable de la surmortalité de la Crassostrea Gigas (l'huître creuse) est particulièrement virulent, note-t-elle.

Ces mortalités ont en effet "redémarré en Corse depuis un mois et dans les étangs de Thau (Hérault) et de Leucate (Aude) depuis une semaine", confirme Goulven Brest, président du Comité national de la conchyliculture.

La faute en revient à l'herpès virus OsHV-1, souvent combiné à une bactérie (V. Splendidus). Celui-ci s'attaque aux cellules de l'huître et les conduits à s'autodétruire quand le mollusque est en période de reproduction, donc affaibli. Depuis 2008, ce virus a vu son génome légèrement muter pour une raison que les scientifiques ignorent.

Le phénomène naturel de mortalité qui touchait auparavant "entre 10 et 40% des lots testés", s'est alors accentué, touchant désormais "entre 60 et 100%" des prélèvements effectués par les Affaires maritimes, précise Nathalie Cochennec-Laureau. "Le virus est connu depuis le début des années 1970. (...). Mais les chercheurs savent très peu de choses sur le mécanisme de défense des mollusques", note la scientifique.

Pas de système immunitaire classique
Les huîtres ne possèdent pas de système immunitaire classique avec production d'anticorps, rendant toute vaccination impossible. Un traitement médicamenteux s'avèrerait également "impossible dans un milieu ouvert comme la mer", souligne la scientifique. Pour faire face au fléau, il reste deux leviers majeurs, selon elle: la sélection génétique et les pratiques de culture.

Des essais ont montré en particulier que l'augmentation du nombre d'huîtres par poche limitait les mortalités. Il faut également "éviter les transferts de naissain pendant l'été", au moment où celui-ci est plus vulnérable, selon Mme Cochennec-Laureau.

Un programme Mortalité estivale des huîtres creuses mené par l'Ifremer entre 2001 et 2006 avait mis en évidence "le rôle prépondérant des facteurs environnementaux", notamment "les paramètres température et précipitations". Désormais le nouveau programme piloté par l'Ifremer sur deux ans est chargé de fédérer tous les acteurs de la filière ostréicole pour trouver des parades au fléau. Le phénomène menacerait en effet un quart des 4.200 entreprises conchylicoles.

"Il faut trois ans pour faire une huître. Alors même si on trouve une huître miracle, on n'aura pas de stock avant trois ou quatre ans", s'est alarmé l'ostréiculteur morbihannais Renan Henry.

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