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L'étoile de Cannes (4/14). En Égypte, un feel good movie chez les invisibles

Un seul premier film figure parmi les 21 prétendants à la Palme d'or. Il s'agit de "Yomeddine" de l'Égyptien A.B. Shawky. Un film qui fait du bien, dont le personnage principal est un lépreux.

Article rédigé par Thierry Fiorile
Radio France
Publié
Temps de lecture : 3min
Image du film "Yomeddine" d'A.B. Shawky (Le Pacte Distribution)

Tout dans le parcours jusqu'à Cannes de ce long métrage tient de la belle histoire. A.B. Shawky, 32 ans, de père égyptien et de mère autrichienne, a la chance de pouvoir faire ses études de cinéma à New York. 

L'étoile de Cannes (4/14). Un feel good movie chez les invisibles, en Égypte

Mais il n'avait qu'une envie, retourner en Égypte, où il avait déjà tourné un court-métrage dans une léproserie au nord du Caire. C'est là, à Abu Zaabal, qu'il rencontre Rady Gamal, lépreux depuis l'enfance.

Rencontre entre un homme mutilé et un orphelin

Faute d'avoir été soigné à temps, Rady fait partie des derniers malades gardant des mutilations physiques. Il sera Beshay, le personnage principal. La lèpre a dévoré son visage. Le film pose évidemment la question du regard que l'on porte sur les différences, mais la lèpre a figé un sourire, magnifique. Beshay vit dans une misère totale. Sa seule richesse, c'est sa sagesse, son renoncement, qu'il va mettre à l'épreuve en traversant l'Egypte avec un gamin orphelin, surnommé Obama, joué aussi par un non-professionnel. Cette descente vers le sud, le long du Nil, a un but. Beshay veut retrouver sa famille qui l'a abandonnée. Et comme toutes les histoires de voyages, le chemin devient le but. Entre l'homme mutilé et l'enfant sans parents, le lien se renforce au gré des épreuves, des mauvaises rencontres et des bonnes. Il y a dans Yomeddine une galerie de portraits, "d'animaux de foire" comme ils se qualifient eux-mêmes, cul de jatte, nain, digne du chef d'œuvre de l'écrivain égyptien Albert Cossery, Mendiants et Orgueilleux, un roman paru en 1955 aux éditions Julliard. C'est tendre, avec la naïveté d'un premier film, qui dresse un portrait délicat de l'Égypte, en effleurant les questions sensibles que sont la violence du pouvoir militaire et l'islam radical. A.B. Shawky semble même s'être amusé à faire de son héros un chrétien.

La présence à Cannes du film, en compétition, tient du miracle

A.B. Shawky a eu un mal fou à financer son projet, dans un pays où le cinéma n'est plus que l'ombre de ce qu'il a été. Youssef Chahine, le dernier grand cinéaste égyptien est décédé en 2008. Et qui se souvient de l'incroyable production de romances, des années 1930 aux années 1960, qui déplaçaient les foules, quand des actrices surpuissantes à l'écran comme dans la vraie vie, rayonnaient dans tout le Proche-Orient ? A.B. Shawky vit aux États-Unis. Tarik Saleh auteur du remarqué Le Caire confidentiel a la nationalité suédoise, il n'a pas pu tourner son film en Egypte pour des raisons politiques. Quant à Mohamed Diab, qui a signé deux films coup de poing, Les femmes du bus 678 et Clash, il vit désormais en exil.

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