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Festival de Cannes : "Il y a une détresse sociale" en France, selon Vincent Lindon

Le comédien, déjà récompensé il y a trois ans par la palme du meilleur acteur dans le film engagé "La Loi du marché", est à l’affiche d’"En guerre" qui retrace le combat de salariés dont l'usine ferme. D’après Vincent Lindon "il y a des écarts de salaires insupportables".

Article rédigé par franceinfo
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Vincent Lindon lors de la montée des marches du Festival de Cannes en mai 2017. (EPA / MAXPPP)

Le film En guerre, de Stéphane Brizé, est présenté mardi 15 mai au Festival de Cannes. Réalisé par le même cinéaste que La loi du marché, il suit la lutte de salariés prêts à tout pour sauver leur usine en faillite. L'acteur principal du film, Vincent Lindon, invité de franceinfo mardi, a constaté "une détresse sociale" en France. Détresse que le film permet d'évoquer. "Le cinéma c'est aussi ça : un témoin des moments qu'on est en train de vivre", a-t-il ajouté.  

franceinfo :  Il y a trois ans, vous disiez que sélectionner le film La loi du marché était un acte politique. Est-ce que cette année aussi, En guerre en sélection, c'est un acte politique ?  

Vincent Lindon : Tout, cette année, est quarante fois plus. J'ai beaucoup plus peur, je suis beaucoup plus intimidé de franchir le tapis rouge, et je pense que le film est beaucoup plus puissant. Il raconte des choses vraiment au cœur de ce qu’il se passe et donc oui, c'est un acte encore plus politique de l'avoir choisi. Cette année, c'est une compétition que je trouve très intéressante, parce qu'on dirait que Thierry Frémeaux et Pierre Lescure ont envie de faire une photographie du monde, et de dire, "le cinéma, ça existe aussi pour ça : montrer un peu ce qu'il se passe aujourd'hui". Le cinéma c'est aussi ça : un témoin des moments qu'on est en train de vivre, mais en fiction, et sur le plus grand écran du monde. Je suis très fier de participer à cette sélection cette année, parce que je la trouve extrêmement belle et très humaniste, très politique, très ouverte, et qu'elle donne une place à des nouveaux auteurs, qui ne sont pas les habitués de Cannes, je trouve cela formidable.  

Le film s'appelle En guerre. Une lutte sociale, c'est une guerre ?  

Oui, c'est une guerre. J'ai appris énormément de choses dans ce film, que je savais, comme ça, de loin. Je me souviens que Stéphane [Brizé, le réalisateur] est venu me voir un jour en me disant "tu sais Vincent, j'ai vu en boucle cette séquence avec le DRH d'Air France [l'affaire de la chemise arrachée]. Moi je voudrais faire un film sur cet extrait-là : "qu'est-ce qu'il faut faire à des êtres humains, jusqu'où il faut les pousser, pour qu'ils perdent leur sang-froid et qu'ils en arrivent à un acte de violence pareil ?" Et j'ai appris à travers le scénario que j'ai lu, beaucoup de choses sur l'entreprise, ce qu'on pouvait faire d'une entreprise quand on le décidait. Même quand l'État vous a apporté des aides, on n'est pas obligé de les rendre. On ferme une usine quand on veut, on peut refuser tout acquéreur potentiel qui veut la récupérer, on peut promettre des choses aux salariés et ne pas tenir sa parole. En fait, le film commence sur un homme qui, avant de rentrer dans l'histoire des salariés, du monde du travail, de ce qui se peut, ce qui ne se peut pas, c'est quelqu'un qui reproche à ses supérieurs de ne pas tenir leur parole. Il y a toujours une phrase dans les films de Stéphane Brizé sur laquelle je construis le rôle. Dans La loi du marché c'était "on ne fait pas n'importe quoi avec les gens". Dans En guerre, c'est "qu'est ce qu'on fait des gens ?" Aujourd'hui le problème c'est "comment je peux juste conserver mon emploi ? Comment je peux juste avoir mon travail ?" 

Y a-t-il une détresse sociale qui vous choque aujourd'hui ?  

Il y a une détresse sociale dans ce pays, mais pas que dans ce pays. Il y en a une dans tous les pays d'Europe. C'est normal, il y a de plus en plus d'êtres humains, de moins en moins de travail, et de moins en moins à manger. Quand on marche dans une rue et qu'il y a le soleil d'un côté et la pluie de l'autre, on ne peut pas reprocher à des gens sous la pluie d'avoir envie de traverser et d'aller sous le soleil. C'est normal. Il y a des écarts de salaire qui sont insupportables au sens propre du terme, des gros qui n'arrêtent pas de grossir et qui atteignent l'obésité : c'est normal qu'il y ait des violences sociales. Je ne connais pas une personne depuis des années et des années qui me dise : "Tant mieux pour les riches, tant pis pour les pauvres". Tout le monde déplore ça. Je n'ai pas le monopole de l'humanisme ou du cœur. Maintenant, je ne suis pas un homme politique, je suis un acteur de cinéma, je fais ce que je peux. Ma manière à moi d'apporter ma contribution, c'est d'essayer, dans des films, qu'on présente quelque chose de non manichéen, sans donner d'ordres, sans dire "eux c'est les gentils, eux c'est les méchants", juste "voilà ce qu'il se passe". Et si cela peut changer la vie d'un, deux, trois salariés ou un, deux, trois patrons après avoir vu ce film, alors cela aura valu le coup de l'avoir fait.           

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