: Interview Festival Off d'Avignon 2022 : Marie-Claude Pietragalla aimerait "une attention particulière pour les artistes"
Elle a découvert le Festival d'Avignon dans la Cour d'honneur du palais des Papes, en 1987, lorsqu'elle était danseuse de l'Opéra de Paris. C'est en tant que productrice, chrorégraphe et programmatrice que l'ancienne étoile participe cette année au Off. Pour franceinfo Culture, Marie-Claude Pietragalla plonge dans ses souvenirs. Entretien.
Rendez-vous a été pris au beau milieu de l'après-midi, entre deux spectacles. Marie-Claude Pietragalla a pris en septembre dernier avec Julien Derouault la direction artistique du Poc, la salle de spectacle d'Alfortville. Elle prépare au Festival Off d'Avignon la programmation de la prochaine saison. Elle présente aussi au théâtre du Balcon sa dernière création, Dans la solitude des champs de coton, une pièce de Bernard-Marie Koltès qui met en scène deux hommes en opposition, un dealer et un client, juste avant le conflit. Une pièce qui mêle la danse et le théâtre, la marque de fabrique de la compagnie qu'elle a créée il y a 18 ans, toujours avec Julien Derouault : le Théâtre du corps. Pour franceinfo Culture, la chorégraphe revient sur la relation au Festival d'Avignon à travers les années.
Franceinfo : quel est votre premier souvenir du Festival d’Avignon ?
Marie-Claude Pietragalla : C'était en 1987, j'avais 24 ans. L'Opéra de Paris était venu présenter Magnificat, une pièce créée spécifiquement pour le In. À l'époque, j'étais sujet - troisième grade dans la hiérarchie des danseurs du Ballet - je n'étais pas encore danseuse étoile, mais j'ai eu la chance que John Neumeier me choisisse pour interpréter l'un des rôles principaux. J'ai le souvenir que nous avions eu de la pluie, on a cru qu'on allait annuler mais finalement on a joué. C'était fabuleux, un moment marquant dans ma vie. Ce qui fait date aussi, c'est la découverte de la Cour d'honneur du Palais des Papes, ce lieu chargé d'histoire et de vibrations. Je suis venue une seconde fois l'année suivante sous la direction de Rodolphe Noureev avec Raymonda.
Avez-vous pu découvrir le Off à cette occasion ?
Oui, j'ai été surprise par l'effervescence dans les rues. A l'Opéra, nous étions privilégiés, dans une institution très encadrée. J'étais étonnée de voir la différence entre le In et le Off, voir les artistes tracter pour aller chercher eux-mêmes leur public. C'était surprenant, presque surréaliste. Comme un retour au temps de Molière, on prend la roulotte et on fait tout. Les artistes s'occupent aussi de la mise en scène, de la lumière... c'est le métier de saltimbanque. J'ai adoré aussi découvrir les ruelles, les lieux surprenants et insolites. Mais nos visites étaient quand même limitées. Dans le cadre des tournées de l'Opéra de Paris, nous devions faire attention et ne pas marcher toute la journée. Le rythme était soutenu, nous répétions l'après-midi.
Et aujourd'hui ? Quelle expérience avez-vous du festival ?
Aujourd'hui, je viens avec plusieurs casquettes. D'abord en tant que productrice et chorégraphe et ça, ça change tout. Notre compagnie le Théâtre du corps assure elle-même la production de ses spectacles. Il y a des risques financiers, on ne peut pas être aguerris à ce genre de choses, on est toujours inquiets, c'est logique. Ceci dit, on est très heureux car Dans la solitude des champs de coton était plein dès la première. Le public est au rendez-vous, les gens sont bouleversés par l'interprétation des deux danseurs - Julien Derouault et Dexter-Pierre Belleka - et le texte magnifique de Bernard-Marie Koltès. C'est toujours gratifiant de voir que le public adhère à cette proposition.
Je viens également en tant que programmatrice, voir des spectacles et préparer la saison 2023-2024 du Poc à Alfortville. Je cherche aussi bien de la danse que de la musique, du théâtre ou encore des spectacles de clown. Je n'aime pas dire que je fais mon marché, j'ai trop de respect pour les artistes. J'essaye de trouver des pièces surprenantes et uniques.
Quel regard portez-vous sur le Festival d'Avignon ?
On ne peut pas faire abstraction de la philosophie du créateur du festival. Jean Vilar avait pour ambition de faire découvrir des textes classiques à des gens qui ne venaient jamais au théâtre. C'était une volonté artistique et politique. Du spectacle, de la culture et de l'art pour tous. C'est ça la référence pour moi. Je pense que le In s'est un peu éloigné de cette considération là.
Qu'aimeriez-vous pour le Off ?
Il y a cette année plus de 1500 spectacles au programme, c'est formidable. Le festival draine des artistes et des producteurs du monde entier. On a des rapports très directs avec le public. Mais c'est aussi une sorte de mercato qui peut être difficile à vivre pour les compagnies.
J'aimerais qu'il y ait une attention particulière pour les artistes, qu'ils puissent présenter leur travail dans de bonnes conditions. Quand vous jouez dans des instituions comme le théâtre du Chêne noir ou le théâtre du Balcon, il y a de beaux plateaux mais il y a aussi de tous petits lieux où les compagnies manquent de temps et de moyens techniques. Quand on sait la difficulté et l'exigence qu'il faut pour créer un spectacle, c'est frustrant. Peut-être faudrait-il faire un choix parmi les 1500 spectacles, sélectionner et accueillir dans des conditions optimums.
"Dans la solitude des champs de coton" Cie Théâtre du corps, au théâtre du Balcon (84 rue Guillaume Puy, à Avignon). Jusqu'au 30 juillet, à 22h. Relâche les 12, 19 et 26 juillet.
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