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Procès "Waffenkraft" : "Il n'y avait rien de concret" se défend l'un des quatre jeunes néonazis suspectés d'avoir préparé des attentats en France

Considéré comme le plus radical des quatre accusés, Alexandre Gilet comparaissait mercredi devant les assises spéciales de Paris. Un interrogatoire de cinq heures où l'homme a peiné à convaincre.
Article rédigé par Mathilde Lemaire, franceinfo
Radio France
Publié
Temps de lecture : 4 min
La cour d'assises au tribunal de Paris. Photo d'illustration. (CHRISTOPHE PETIT TESSON / MAXPPP)

Alexandre Gilet a 27 ans. Il se tient droit, tout en muscle dans le box. Devant les assises spéciales de Paris, l'ex-gendarme grenoblois reconnaît qu'à l’époque il se faisait appeler en ligne "French Crusader", le "croisé français", et participait à des discussions internet baptisées "comment tuer proprement", "fils de pute à brûler vif" ou encore "Noël à Auschwitz", sur le forum "Waffenkraft". Des quatre jeunes de la mouvance néonazie accusés d'avoir préparé des attaques terroristes sur le territoire français entre 2017 et 2018, il est considéré comme le plus radical et le plus déterminé du groupe.

Durant les cinq heures d'interrogatoire, mercredi 28 juin, il ne baisse pas la tête, dit assumer lorsque le président fait défiler des photos de lui kalachnikov en main devant un drapeau du soleil noir, appartenant à l'iconographie nazie. Placé en détention provisoire depuis quatre ans, il ne nie pas non plus les nombreuses armes et les 640 cartouches retrouvées chez lui. Au sujet des produits chimiques également découverts à son domicile, Alexandre Gilet explique avoir voulu tenter de faire du TATP, explosif biens connu des terroristes.

Il y a aussi les vidéos d'entraînement au tir en forêt : "ça commence à faire beaucoup non ?", l'interroge l'avocat général. "Oui, ça commence à faire beaucoup", réplique l'intéressé, à peine déstabilisé.

La Licra et un meeting de Jean-Luc Mélenchon ciblés

"Vous êtes à l'époque gendarme et vous vous entraînez en forêt avec des fusils d’assaut", poursuit le représentant du ministère public. "Oui, répond encore l'accusé, j’avais tout à fait conscience que c’était illégal". Le magistrat s’agace : "enfin monsieur, il y a illégal et illégal... ça n’est pas fumer un joint le vendredi soir chez vous ! Et 21 chargeurs de kalachnikov quand même ?". "J'aime les armes, c'est tout. C'étaient juste des achats compulsifs", répond Alexandre Gilet, avant de reprendre sur le même ton assez neutre : "Jamais je ne serai passé à l’acte, je n’avais pas les capacités psychiques d’assassiner des gens. Je n’avais pas de mauvaises intentions". Ses explications peinent à convaincre. 

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Le président détaille les nombreux éléments du dossier qui laissent entendre que les projets d'attaque étaient consistants. D'abord le communiqué de guerre retrouvé dans son ordinateur, pour un attentat projeté le 13 novembre 2018 afin de venger les attaques terroristes à Paris exactement trois ans plus tôt. L’idée était de s’en prendre à des lieux fréquentés par des musulmans ou "des prêtres marxistes qui imposent l’invasion de l’Europe depuis des années".

Le président cite encore le manifeste de vingt pages que l’accusé dit avoir écrit en un jour, intitulé "tactiques et opérations de guérillas", à la façon de celui d’Anders Breivik, le tueur de masse qui a abattu 77 personnes en 2011 en Norvège. Dans le document figurent les différentes possibilités d’attaque : le camion bélier avec une mise en garde si jamais des corps venaient à gripper les roues, les épées et sabres, les fusillades pour "aller dans la rue se faire des cafards". "J’ai écrit ça sous le coup de la colère mais il n'y avait rien de préparé, rien de concret", commente Alexandre Gilet 

Parmi les cibles qu'il avait évoquées auprès de ses amis, désormais ses coaccusés : des salles de prières, un rassemblement du Conseil des institutions juives de France, les locaux de la Ligue contre le racisme et l'antisémitisme, un meeting de Jean-Luc Mélenchon ou encore le Parlement européen. 

"C’était pour impressionner les autres du groupe que je disais ça, mais en vrai je n’aurais rien fait."

Alexandre Gilet

devant les assises spéciales

Lorsque l’avocat général évoque ses recherches Google sur la géolocalisation exacte et les entrées de plusieurs de ces lieux, le numéro d'équilibriste d'Alexandre Gilet devient difficile. L'homme perd un peu ses nerfs. 

"Proche" des idées de Viktor Orban

Son avocate tente alors de laisser une autre image de lui à la fin de l'interrogatoire. "Vos achats d'armes, vos recherches sur votre ordinateur, ce n'était jamais sur des serveurs cryptés ? - Non, je n'ai jamais rien dissimulé, la preuve que je ne préparais rien en réalité". 

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Elle termine : "Et qui est Alexandre Gilet aujourd’hui ?". Celui qui se dit maintenant "juste d’extrême droite", proche des idées du dirigeant hongrois Viktor Orban ou de l’Italienne Georgia Meloni explique qu’il veut "réintégrer la société", qu'il a "pris conscience de la gravité" de ce qu'on lui reproche. "Je veux travailler, avoir une famille, passer à autre chose", conclut-il. 

Alexandre Gilet encourt 30 ans de réclusion. Le verdict sera rendu vendredi 30 juin. 

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