Face à la multiplication des affaires de terrorisme, la justice se tourne vers les procédures en "circuit court"
Confronté à l'inflation des dossiers d'affaires terroristes, le tribunal de grande instance de Paris met en place un système de "circuits courts" pour les cas les moins complexes, dont certains pourront désormais être jugés en comparution immédiate.
Dans la galerie Saint-Eloi du Palais de justice de Paris, des centaines de tomes de procédure encombrent les bureaux des juges d'instruction chargés des dossiers terroristes. En deux ans, les affaires confiées au pôle antiterroriste se sont multipliées. Dans les dernières heures de 2016, 174 informations judiciaires et 210 enquêtes préliminaires étaient ouvertes.
Afin d'éviter de gaspiller inutilement des moyens et de l'énergie, le président du tribunal de grande instance, Jean-Michel Hayat, a décidé de favoriser des circuits express pour les affaires dans lesquelles la saisie d'un juge d'instruction n'est pas nécessaire. Désormais, les délits d'apologie du terrorisme et la consultation de sites jihadistes pourront être jugés en comparution immédiate devant la 16e chambre correctionnelle, déjà spécialisée dans les affaires de terrorisme.
Les avocats sont mitigés
"Il nous est apparu indispensable de mettre en place un 'circuit court' qui permet aux juges d'instruction de se concentrer sur des affaires beaucoup plus lourdes, complexes et longues", explique Jean-Michel Hayat.
C'est une réflexion qui vient des juges d'instruction qui disent eux-mêmes : 'Il y a des tas de dossiers dans lesquels notre plus-value est voisine de zéro'.
Jean-Michel Hayatprésident du TGI de Paris
De nombreux avocats se montrent réticents à l'idée de mêler terrorisme et comparution immédiate, une procédure considérée comme trop expéditive et défavorable à la défense. "Imaginez la complexité de la personnalité de celui qui a été séduit par un site jihadiste ! Il faut une enquête de personnalité, parfois une enquête psychologique. Comment imaginer qu'on va juger ces choses-là de manière aussi sommaire qu'en comparution immédiate ?", explique le président de l'association des avocats pénalistes, Christian Saint-Palais. Autre crainte évoquée : celle de passer à côté de la dangerosité de certains individus en voulant aller trop vite.
Même son de cloche chez les magistrats
C’est la "démonstration d’un système qui atteint ses limites ", a réagi, lundi sur franceinfo, Béatrice Brugère, secrétaire générale de FO-Magistrats. Il est étonnant qu’on choisisse des circuits courts comme les comparutions immédiates pour des dossiers aussi sensibles."
Les dernières lois ont créé de nouvelles infractions terroristes et ainsi entraîné l'augmentation des infractions. "Nous avons créé un nouveau contentieux et une nouvelle masse de délinquants sans adapter le nombre de magistrats qui va avec", a expliqué Béatrice Brugère.
L'ancienne juge, ayant eu à traiter des dossiers anti-terroristes, a relevé les failles de cette décision : "Les comparutions immédiates ne permettent pas d’approfondir les dossiers et d’avoir des enquêtes de fond, a expliqué Béatrice Brugère. Ne faudrait-il pas renforcer les capacités d’enquête des juges d’instruction sur tout le territoire national, pour éviter ce genre de solution ?", a conclu la secrétaire générale de FO-Magistrats.
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