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La proposition de nouveau délit de mise en danger de la vie d'autrui est "rédigée de manière vague", estime le Syndicat de la magistrature

Le gouvernement souhaite créer un "délit de mise en danger de la vie d'autrui" notamment "par diffusion d'informations relatives à la vie privée, familiale ou professionnelle d'une personne".

Article rédigé par franceinfo
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Illustration Palais de Justice.  (SEBASTIEN BOZON / AFP)

La création d'un délit de mise en danger de la vie d'autrui n'est "pas scandaleuse", mais la proposition est "rédigée de manière assez vague", a déclaré mercredi 18 novembre sur franceinfo Sarah Massoud, secrétaire nationale du Syndicat de la magistrature.

En réponse à l'assassinat de Samuel Paty, le gouvernement souhaite créer un "délit de mise en danger de la vie d'autrui par diffusion d'informations relatives à la vie privée, familiale ou professionnelle d'une personne permettant de l'identifier ou de la localiser". Il sera inclus dans le "projet de loi confortant les principes républicains" destiné à lutter contre l'islam radical et le "séparatisme".

franceinfo : Est-ce que ce nouveau délit vient combler un vide juridique ? Est-ce qu'il va aider les magistrats ?

Sarah Massoud : C'est une grande question. Nous avons l'habitude depuis 20 ans, qu'à chaque nouvel attentat, chaque nouveau crime on ait une nouvelle infraction. Tout ça n'empêche pas des personnes haineuses et des personnes criminelles de passer à l'acte. On est toujours dubitatif sur cette surenchère pénale. Alors sur cette infraction particulière, c'est une infraction qui n'est pas scandaleuse, qui pourrait répondre justement aux comportements qui ont mené à l'affaire de Conflans-Sainte-Honorine. En revanche, elle est quand même rédigée de manière assez vague, notamment sur ce qu'on entend par "risque immédiat d'atteinte à la vie et à l'intégrité physique et aux biens". On ne sait pas véritablement ce que c'est qu'une atteinte ou un risque immédiat dans une atteinte aux biens. À part ça, c'est une infraction qui pourra être convoqué par l'autorité judiciaire, on verra bien.

Est-ce que, de manière très concrète, c'est le genre de comportement qu'il n'était pas possible de poursuivre aujourd'hui ?

Il y avait déjà des infractions qui étaient plus larges : l'infraction de mise en danger, qui n'est pas facile à caractériser parce qu'il y a des éléments constitutifs qui sont assez complexes, et en plus il faut caractériser une intention particulière. Et puis, il y avait également des infractions qui portaient sur la menace de commettre des crimes et des délits contre les personnes, notamment des personnes en lien avec des services publics ou des agents dépositaires de l'autorité publique. En revanche, il n'y avait pas cette précision-là qui est maintenant proposée.

Il y a actuellement en débat à l'Assemblée une proposition de loi sur la sécurité globale qui prévoit elle aussi des poursuites si diffusion d'images malveillantes de policiers ou de gendarmes, ce sont des situations qu'on imagine assez similaires finalement. Est-ce qu'il faut autant de textes et de mesures différentes ?

Les deux textes ne sont pas tout à fait les mêmes. Celle qui est prévue dans l'article 24 de sécurité globale, cela va conduire à une impunité des policiers et à ne pas pouvoir rendre visible des violences et des débordements qui sont commis lors des manifestations. Ce n'est pas du tout le même but. Après, il est vain de penser que l'on va pouvoir protéger des policiers parce qu'on va créer une nouvelle infraction pénale. En plus, ça a pour but de pouvoir faire passer les gens en comparution immédiate. Mais les comparutions immédiates, c'est une justice expéditive où on ne peut pas préparer les droits de la défense ou même les victimes ne peuvent pas préparer leurs argumentaires et évaluer leur préjudice. Donc, de toute façon, même si c'est dans un objectif louable et attendu aussi de l'autorité judiciaire que de protéger les policiers, ce ne sont pas des dispositifs opérationnels, ce n'est pas la bonne solution.

Concernant les réseaux sociaux, on se rappelle également de la loi Avia contre la haine en ligne qui a été retoquée en Conseil constitutionnel. Est-ce qu'il y a un problème avec les réseaux sociaux et les relations virtuelles par rapport à ce qu'était une menace jusqu'ici dans "la vie réelle" ?

Concernant ces phénomènes de haine en ligne, de menaces en ligne, il y a un certain nombre d'infractions pénales qui sont prévues. Après, il faut peut-être pouvoir être plus rapide pour sanctionner ce type de comportement. Et là, ça appelle des modifications de la législation européenne, parce qu'il y a un carcan européen qui est à prendre en considération, c'est extrêmement technique. Et puis à mon sens, il faut surtout pouvoir œuvrer avec l'intervention d'un juge. Je pense que le contrôle juridictionnel est véritablement essentiel pour pouvoir justement apprécier ou pas des contenus haineux. Et c'est ça qui manquait dans la loi Avia, c'était le contrôle juridictionnel, c'est ça qu'a censuré notamment le Conseil constitutionnel.

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