Sur les marchés de Noël parisiens, "c'est fréquentation zéro", malgré les promos et les patrouilles
Après les attentats du 13 novembre, le tourisme a beaucoup de mal à redémarrer dans la capitale. Sur les marchés de Noël et dans les grands magasins, les clients se font rares et les vendeurs .
"On est à quatre jours de Noël et c’est vide, fréquentation zéro." René s’inquiète. Depuis sept ans, il vend des vêtements en cuir, laine et fourrure sur le marché de Noël de la Défense (Hauts-de-Seine). Mais cette année, tout a changé. Après les attentats qui ont frappé Paris et Saint-Denis le 13 novembre, et les nombreuses alertes qui ont suivi, notamment dans ce quartier d'affaires, les clients ne sont pas du tout au rendez-vous. "Je n’ai même pas recommandé d’articles, je n’épuise de toute façon pas mes stocks", poursuit-il.
Ce constat, il le partage non seulement avec ses voisins de chalet, mais aussi avec les commerçants des quatre coins de Paris. "On se rend vraiment compte qu’avec les attentats, la fréquentation est moindre en cette période", souligne Jessica, vendeuse de bijoux aux Galeries Lafayette. Les allées des grands magasins, d’ordinaire bondées, sont clairsemées. Sous le gigantesque sapin d’habitude si admiré, quelques touristes seulement prennent des photos. A l’étage du dessus, Cyrielle, responsable d'une boutique de vêtements, se souvient de l’an dernier. "Il était impossible de passer dans les allées la plupart du temps, et c’était très bruyant. Les familles venaient voir le sapin… Là, il n’y a vraiment pas foule. Pour un mois de décembre, le trafic a énormément baissé."
"Ça commençait pourtant bien…"
Zachari est un jeune artiste parisien de 32 ans. Il a choisi de s’installer sur le marché de Noël des Champs-Elysées pour la toute première fois afin d'y vendre ses créations, des vêtements et casquettes graffés aux mille couleurs. "Le marché a ouvert le 13 novembre. On a fait une très belle journée, ça commençait bien et puis c’était déjà fini", raconte le graffeur. Après les attentats, le marché a fermé pendant quelques jours. Bilan pour le jeune artiste : 10 000 euros de manque à gagner. "Et quand on a réouvert, les trois quarts des touristes ne sont plus revenus. Sauf que, sur les Champs-Elysées, c’est à eux qu’on s’adresse, à eux qu’on vend", explique-t-il.
"En venant sur les Champs, j'ai pensé au risque terroriste"
Pour tous, la cause est évidente. La peur. "Beaucoup de clients évitent les magasins et optent pour les commandes en ligne", explique Jessica derrière sa vitrine des Galeries Lafayette. Carole, elle, est tout de même venue avec sa fille y faire un tour. "Avant, on venait très souvent. Là, c’est vraiment que l’achat des cadeaux nous y oblige, mais j’ai un peu peur." Pressée, elle achète un parfum et s’en va. Les mesures de sécurité la rassurent tout de même. A l’entrée, c’est fouille des sacs, passage au détecteur de métaux et ouverture des manteaux. Un rituel qui apaise tout le monde, clients comme vendeurs. "Les Galeries Lafayette, c’est un endroit emblématique. Il y a beaucoup de touristes, beaucoup de monde, c’est donc une cible potentielle. On se sent mieux avec les contrôles à l’entrée", remarque Cyrielle, la vendeuse de vêtements.
Les passants en redemandent même. A la Défense, une cliente raconte à René qu’on ne l’a pas vraiment fouillée. "J’ai une grande veste, lui montre-t-elle. J’aurais pu faire passer n’importe quoi quand même." Pour la rassurer, le commerçant lui montre les militaires et policiers qui patrouillent. Sur les Champs-Elysées aussi, on cherche des yeux la police. Alix est venue de Rennes pour voir sa sœur. En se baladant toutes les deux dans les allées du marché, elle plaisante : "On ne voit pas trop de policiers. Ils doivent être cachés ou en pause déjeuner." Mais elle a décidé de ne pas se laisser intimider. "En venant sur le marché de Noël, j’ai pensé au risque terroriste. Mais si on s’empêche de bouger à cause de ça, on ne vit plus."
"Ça fait sept ans que je fais ce marché, mais c'est fini"
Tout le monde ne pense pourtant pas ainsi. Tous les commerçants s’accordent à remarquer une très nette baisse de la fréquentation, divisée par deux chez l’un, par trois chez l’autre. "J’ai payé 18 000 euros pour cet emplacement, précise Zachari derrière sa cabane sur les Champs-Elysées. Je ne sais pas du tout si je serai rentable à la fin. J’espère…" S’installer sur les marchés de la capitale est en effet un lourd investissement. Pour rentrer dans ses frais, Phillippe, exposant dans le centre commercial de la tour Montparnasse, a choisi les réductions. Tout son stand de jeux et sculptures en bois est à -50%. "Ce n'était pas prévu, mais tous les magasins du centre commercial font des réductions incroyables. Au début, on ne vendait rien du tout, alors on a réagi et ça va un petit peu mieux", raconte-t-il.
Sur le parvis de la Défense, René fait aussi ses comptes. "J’ai payé l’emplacement de trois mètres sur deux 7 500 euros, soit environ 200 euros par jour. Pour rentabiliser, il faut que je fasse au quotidien 500 euros. Le premier samedi, pourtant un jour de week-end, insiste-t-il, je n’ai fait que 110 euros ! D’ordinaire, je fais entre 700 et 1 000 euros." Finalement, le chiffre d'affaires de cet entrepreneur indépendant est divisé par deux par rapport à l’an dernier. L’été, il vend ses vêtements sur l’île de Ré. "Je paye 20 euros par jour pour mon stand et je gagne à peu près 800 euros chaque jour", compare-t-il. Le 13 au soir, ce quinquagénaire était persuadé que le marché de Noël serait annulé. "Eh bien avec ces résultats, j’aurais préféré, s’exclame-t-il. Ça fait sept ans que je fais ce marché. C’est fini, je ne reviendrai plus. Beaucoup diront la même chose ici."
En effet, non loin de là, Jean-Marc tire les mêmes conclusions. Pour lui, cette année est une vraie "catastrophe". Présent sous la grande arche de la Défense depuis quinze ans, cet habitué hésite, lui aussi, à revenir vendre ses petites sculptures colorées en mosaïque. "On va essayer d’équilibrer par rapport au coût de notre place, de 12 500 euros, et de la marchandise. On se paiera avec ce qu’il restera…" dit-il en haussant les épaules.
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