Cet article date de plus de deux ans.

Vidéo "C'est une vision d'horreur" : neuf questions à François Molins

Publié Mis à jour
Durée de la vidéo : 4 min
Ancien procureur de la République de Paris, il a vécu les attentats du 13 novembre 2015 au plus près. Comment il l'a vécu, l'enjeu du procès, l'état des services de renseignement français... 9 questions à François Molins, procureur général près la Cour de cassation.
VIDEO. "C'est une vision d'horreur" : 9 questions à François Molins Ancien procureur de la République de Paris, il a vécu les attentats du 13 novembre 2015 au plus près. Comment il l'a vécu, l'enjeu du procès, l'état des services de renseignement français... 9 questions à François Molins, procureur général près la Cour de cassation. (Brut.)
Article rédigé par Brut.
France Télévisions

Ancien procureur de la République de Paris, il a vécu les attentats du 13 novembre 2015 au plus près. Comment il l'a vécu, l'enjeu du procès, l'état des services de renseignement français... Neuf questions à François Molins, procureur général près la Cour de cassation.

Qu'est-ce que vous voyez en entrant dans le Bataclan ?

François Molins : C'est une vision d'horreur. Il y a des gens qui sont couchés avec souvent, notamment pour les femmes, des sacs à main posés sous leurs corps ou sur leurs têtes avec des téléphones qui sonnent. J'ai le souvenir notamment d'une dame, que j'oublierai jamais, avec une coiffure au carré avec des cheveux un peu cendrés et dont la tête reposait sur un téléphone portable qui n'arrêtait pas de sonner, qui re-sonnait, qui re-sonnait, qui re-sonnait...

Comment on arrive à garder la tête haute pour expliquer, contextualiser ?

François Molins : C'est ce que je dis aux magistrats : on est des hommes et des femmes donc on a le droit d'avoir des émotions, il ne faut pas en avoir honte. Simplement, il faut apprendre à les maîtriser et puis surtout il faut apprendre à un moment donné à revenir assez vite dans un exercice professionnel qui nécessite beaucoup de rigueur et d'efficacité parce que malgré l'horreur de ce qu'on voit, il faut savoir prendre la bonne décision et la prendre au bon moment. J'ai 40 ans d'expérience parquetière, j'ai vu beaucoup de scènes de crime, je n'avais jamais vu des choses comme ça.

Pour vous quel est l'enjeu d'un tel procès au-delà du côté judiciaire ?

François Molins : Le procès lui-même doit avoir plusieurs vertus, je pense que la première vertu, premier objectif, ça va être de parvenir à la manifestation de la vérité qu'on doit, notamment, à toutes les victimes et à toutes les familles de victimes. Il y aura une deuxième vertu qui doit être celle de permettre à toutes les victimes qui ont choisi de venir, notamment, d'amorcer ce travail de reconstruction et de fortifier leurs résiliences.

L'État notamment a une responsabilité particulière vis-à-vis de ces victimes notamment en termes de reconstruction et d'indemnisation. Le procès doit avoir aussi cette vertu de participer à la construction d'une mémoire collective et montrer aussi aux gens et au monde que nous, on fonctionne normalement dans le cadre d'un procès qui va se passer suivant des règles de l'État de droit et qui sera aussi l'occasion face à tant d'inhumanité de rappeler les valeurs d'humanité et de dignité qui sont celles de la société dans laquelle on vit.

Est-ce que Salah Abdeslam sera jugé comme l'ennemi numéro 1 ou un justiciable comme un autre ?

François Molins : Il est accusé d'avoir fait une chose absolument horrible mais c'est un accusé qui a des droits, ces droits doivent s'exercer quelque soit la densité et l'horreur de ce qu'on lui reproche.

Avant 2015, plus personne ne maîtrisait quoi que ce soit. Vous même vous disiez, que ce qui s'est passé ce soir là c'était quelque chose qu'on redoutait.

François Molins : On n'a pas effectivement su empêcher ces attentats, c'est ce qu'ont reconnu les chefs des services de renseignement français à l'époque parce qu'effectivement, quand on travaille sur ces questions, tout attentat est vécu comme un échec. On était dans un schéma où on sentait tous, ce que nous disaient les services de renseignement, que quelque chose était en train de se préparer, allait nous tomber sur la figure à un moment ou un autre. On n'avait pas tous les éléments pour le détecter.

Ce qui est terriblement frustrant à l'époque, c'est que ces individus on les connaît quasiment tous.

François Molins : Par exemple, Abdelhamid Abaaoud, vous avez aussi Amimour, l'un des tueurs du commando du Bataclan. Ces gens-là, là-aussi, il y a clairement des dysfonctionnements et des trous dans la raquette. Comment est-ce que des gens qui avaient des mandats d'arrêt ont pu pénétrer dans l'Union européenne en se mélangeant à des migrants sans que personne ne s'en rende compte et ne puisse les contrôler. Donc là aussi, c'est des grandes questions.

Est-ce que les jours précédents, il y a des signaux très forts ou pas du tout, c'était plutôt une menace constante ?

François Molins : C'est une menace constante qui monte avec le temps, je vous rappelle 2015, c'est Charlie Hebdo, le 15 janvier, vous avez la fusillade de Verviers. Tout ça fait qu'on a des renseignements montrant que la menace monte mais malheureusement, il n'y a pas les éléments précis sur les 33 personnes qui forment le réseau terroriste belge et qui sont dans Bruxelles et sa banlieue.

Justement, aujourd'hui, est-ce que des attentats du type du 13-Novembre sont encore possibles ?

François Molins : On ne peut pas dire qu'ils ne sont pas possibles par contre, clairement, on voit bien que Daesh n'a clairement pas aujourd'hui la capacité de projeter des terroristes de l'extérieur pour commettre des attentats comme ça chez nous. Ça c'est sûr qu'ils n'ont plus les moyens qu'ils avaient en novembre 2015.

Donc une France mieux armée aussi ?

François Molins : Oui mais qui est confrontée à une menace qui a évolué, qui est plus endogène, qui est plus difficile à capter et qui repose encore plus sur l'efficacité du travail des services de renseignements.

Commentaires

Connectez-vous à votre compte franceinfo pour participer à la conversation.