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Six ans après les attentats du 13-Novembre, pourquoi le bilan exact des blessés reste-t-il difficile à établir ?

Le nombre des blessés lors des attaques jihadistes à Paris et Saint-Denis oscille entre 350, 413 et "plusieurs centaines", selon les sources. 

Article rédigé par Juliette Campion
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 7min
Le boulevard Richard-Lenoir, à Paris, à quelques mètres du Bataclan, le 15 novembre 2015.  (OLIVIER DONNARS / NURPHOTO / AFP)

Le procès des attentats les plus meurtriers ayant frappé la France s'est ouvert mercredi 8 septembre, au palais de justice de Paris, sur l'île de la Cité. Mais six ans après, le bilan humain du 13-Novembre continue de fluctuer. Ainsi, même si les chiffres de "130 morts et 350 blessés" sont souvent repris, ceux évoquant 131 morts et 413 blessés circulent tout autant. Car dénombrer les victimes d'un attentat – a fortiori de cette ampleur – se révèle être une opération délicate, en perpétuelle évolution. Lors de la lecture de son rapport, vendredi, le président de la cour d'assises spéciale, Jean-Louis Periès, a pris soin de ne citer aucun chiffre côté blessés, parlant par exemple, au sujet des attaques du Bataclan, de "centaines de personnes blessées ou profondément choquées"

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Arrêtons-nous d'abord sur le chiffre des décès, qui ne varie que très peu. Le bilan de 130 victimes correspond au nombre de personnes tuées directement lors des attaques menées à Saint-Denis, contre les terrasses parisiennes et au Bataclan : 123 personnes sont mortes sur place et sept à l'hôpital, où elles sont arrivées en vie mais dans un état désespéré.

Le chiffre de 131 donné par certains médias prend en compte le décès de Guillaume Valette, un survivant du Bataclan qui s'est donné la mort en novembre 2017. Une psychiatre a diagnostiqué que ce jeune homme de 31 ans était atteint d'une "dépression délirante" au moment de son suicide, comme l'explique Le Parisien. Elle a établi un lien direct entre son geste et le traumatisme qu'il avait subi lors des attentats. En acceptant la constitution de ses parents comme partie civile, les juges d'instruction ont reconnu implicitement le statut de victime à Guillaume Valette. Ces deux chiffres sont donc valables. 

Des "victimes" blessées qui recouvrent diverses réalités 

Côté blessés, l'écart entre les différents bilans est plus important. Plusieurs médias, dont l'Agence France Presse (AFP), évoquent "350 blessés". Ce chiffre provient du rapport de la commission d'enquête parlementaire, publié en juillet 2016, et qui se réfère aux "blessés graves hospitalisés". Il s'agit des personnes dont le pronostic vital a été engagé, "à l'inverse des blessés légers", précise Daniel Meyran, directeur du Service mobile d'urgence et de réanimation (Smur) de Marseille, à LCI. Le chiffre de 413 blessés circule également : il s'agit du nombre total de blessés ayant été hospitalisés, quelle que soit la gravité de leur état, comme nous vous l'expliquions en 2016, quatre mois après les attentats. Le ministère de la Santé indiquait alors à franceinfo que ce bilan était "stabilisé". 

La liste de blessés établie par les juges à la fin de leur instruction, et communiquée par le Parquet national antiterroriste (PNAT) à franceinfo, est bien plus importante puisqu'elle inclut les victimes directes physiques, mais aussi psychiques, à savoir des personnes qui sont sorties indemnes physiquement mais qui ont été traumatisées par ce qu'elles ont vu ou entendu le 13 novembre 2015. Le décompte des magistrats est le suivant : 1 415 blessés au Bataclan, 323 dans les attaques des terrasses et 136 au Stade de France, soit un total de 1 874 blessés. Ce sont ces chiffres (arrondis) donnés par le procureur national antiterroriste, Jean-François Ricard, dans un entretien au Figaro (article payant).

Les chiffres du Fonds de garantie des victimes (FGTI), institution chargée d'indemniser les victimes de terrorisme, diffèrent quelque peu, puisqu'ils totalisent, au 1er septembre, 494 blessés physiques et 1 298 blessés psychiques sans blessures physiques, soit 1 792 blessés ayant bénéficié d'une prise en charge financière. Cette différence s'explique par le fait que le FGTI fonctionne de manière autonome vis-à-vis de la liste du PNAT : il se base sur les chiffres du parquet et les personnes qui prennent directement contact avec lui, en justifiant de leur qualité de victime. 

Le FGTI indemnise non seulement les victimes directes mais aussi indirectes, aussi appelées "victimes par ricochet" : ce sont les proches des blessés et des personnes qui ont été tuées. En les incluant, le fonds estime à 2 601 le nombre de victimes directes et indirectes des attentats du 13-Novembre. Toutes ont été indemnisées. "La liste des victimes dites indirectes est très difficile à établir", observe la déléguée interministérielle à l'aide aux victimes, Frédérique Calandra. "Il faut réussir à définir à quel point les personnes qui demandent une indemnité étaient proches du ou des défunts. Le FGTI a fixé des règles, mais il y a de très nombreux allers-retours entre le Fonds, le PNAT et le Service d'aide aux victimes du ministère de la Justice car c'est du cas par cas. Il y a toujours des incertitudes." D'autant qu'il est "très mal vu d'enquêter sur les victimes", ajoute Frédérique Calandra.

Certaines victimes "mettent des années" à se manifester

Et les demandes d'indemnisation sont en constante évolution. En effet, les victimes de terrorisme ont dix ans pour se manifester et aujourd'hui encore, les demandes continuent à affluer. En 2020, le FGTI a ainsi reçu 43 nouvelles demandes uniquement liées aux attentats du 13-Novembre. La plupart émanent de blessés psychiques qui mettent parfois "des années pour se rendre compte que leur trauma les handicape dans leurs vies", commente le FGTI à franceinfo.

"Beaucoup de personnes ne s'estiment pas victimes car elles sont sorties indemnes physiquement des attaques. Elles pensent qu'une victime doit forcément être touchée dans sa chair alors que les chocs post-traumatiques peuvent avoir des conséquences dramatiques".

Le Fonds de garantie des victimes (FGTI)

à franceinfo

Le procès accélère ces prises de conscience. Au deuxième jour d'audience, jeudi 9 septembre, des centaines de victimes et de proches de victimes - 466 exactement - ont défilé à la barre pour se constituer parties civiles, afin que leur préjudice soit reconnu pénalement. Un exercice généralement réservé à l'avant-procès. Celui du 13-Novembre comptait déjà 1 765 parties civiles à l'ouverture.

Si la majorité des demandes ont été jugées recevables, d'autres ne réunissaient pas les conditions juridiques nécessaires. Une femme qui se trouvait à l'intérieur du Stade de France quand les kamikazes se sont fait exploser autour de l'enceinte a ainsi affirmé à la cour avoir subi un préjudice psychologique. Mais la non-recevabilité de sa demande avait déjà été tranchée par la jurisprudence : "Les personnes qui se trouvaient à l'intérieur du Stade de France ne sont pas des victimes directes car elles n'étaient pas directement visées par les tentatives d'assassinat", ont rappelé les avocats généraux à l'audience. Malgré ces quelques cas épineux, le nombre de parties civiles de ce procès a franchi la barre des 2 000, pour atteindre 2 231. Un autre chiffre, en constante évolution, dans cette affaire décidément tentaculaire. 

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