Pourquoi Hollande peine à convaincre les pays européens de s'engager en Syrie
Au terme d'une intense semaine diplomatique, François Hollande a tenté de convaincre ses partenaires européens de participer au combat contre l'organisation terroriste.
François Hollande veut atteindre le groupe Etat islamique "en son cœur" après les attaques du 13 novembre. Pour cela, le président français a besoin de ses partenaires européens afin de former une coalition internationale élargie. C'est dans ce sens qu'il a eu recours à l’article 42-7 du traité sur l’Union européenne, "une première dans l'histoire", selon Le Monde. Si les 27 membres de l'UE se sont engagés à apporter un soutien militaire direct ou indirect aux opérations françaises extérieures, la plupart sont réticents à s'engager réellement dans un combat contre l'EI. Francetv info vous explique pourquoi.
Parce qu'ils n'y sont pas contraints, même dans le cadre de l'article 42-7
Pour appeler ses partenaires européens à l'aide, la France n'a pas invoqué l'article 5 du traité de l'Otan mais l’article 42-7 du traité de Lisbonne adopté en 2009. Il prévoit une clause de solidarité mutuelle, "au cas où un Etat membre serait l'objet d'une agression armée sur son territoire". Les modalités de cette solidarité sont toutefois limitées. Comme le rappelle Le Monde, les pays "neutres" (Irlande, Suède, Finlande, Autriche et Malte) ne sont pas concernés par cet article.
En outre, les contours de cette assistance militaire sont flous. Si l'on se réfère à l'application de l'article 5 de l'Otan, elle pourrait se traduire par l’envoi de soldats ou simplement d’équipes médicales, l’utilisation de bases aériennes, des aides financières ou simplement une autorisation de survol de son territoire, détaille Libération.
Ainsi, le président du Conseil italien, Matteo Renzi, a confirmé "l'engagement" de l'Italie dans une "stratégie globale" contre le terrorisme, sans toutefois préciser le rôle que jouerait son pays. L'Allemagne, elle, a annoncé vouloir envoyer jusqu'à 650 soldats supplémentaires au... Mali, afin de soulager l'armée française qui mène des missions parallèlement au Sahel et au Moyen-Orient. Selon Les Echos, Berlin propose aussi "un soutien basé sur trois composants : une frégate qui doit contribuer à la sécurité du porte-avions Charles-de-Gaulle, des avions Tornados ainsi que le travail d’un satellite franco-allemand pour la reconnaissance, et un apport logistique avec des avions ravitailleurs".
Parce que la puissance de feu des pays, en dehors du Royaume-Uni, est limitée
"Nous enregistrons des messages de compassion du Premier ministre britannique, de la chancelière allemande, de tous les chefs d'Etat européens, mais nous sommes un peu seuls sur le terrain", a regretté l'ancien Premier ministre Alain Juppé lundi 16 novembre, souhaitant que "l'Europe se réveille". Reste que la puissance de feu d'une majorité de pays européens reste modeste. "Seuls le Royaume-Uni, l’Allemagne, la Pologne et l’Italie ont de réelles capacités militaires d’intervention et de projection dans les trois dimensions (air, mer, terre) et des troupes entraînées", explique le chercheur Cyrille Bret sur le site Atlantico, soulignant que l’Europe de la défense est très limitée.
Au vu des réticences de l'Allemagne, trop occupée à gérer un flot massif de réfugiés, la France compte surtout sur l'appui du Royaume-Uni. L'engagement de l'armée de l'air britannique en Syrie ferait une "différence tangible" dans la lutte menée contre le groupe Etat islamique, estime Jean-Yves Le Drian dans une tribune publiée par The Guardian. "Nous avons besoin des capacités de défense britanniques pour gagner cette guerre", souligne le ministre français de la Défense.
Un appel entendu par David Cameron. Le Premier ministre britannique veut soumettre au vote des députés, dès la semaine prochaine, l'extension à la Syrie des frappes aériennes de la Royal Air Force, limitées jusqu’à présent à l’Irak. Mais, selon Le Monde, David Cameron ne s'avancera sur ce terrain que "s’il est certain de gagner".
Parce que le précédent de l'Irak et de possibles représailles font peur
Selon les derniers sondages, les deux tiers des Britanniques sont favorables aux frappes. Mais, comme l'indique le Huffington Post, "le traumatisme de l’engagement de 2003 en Irak sur la base des mensonges de Tony Blair reste vif". Certains députés travaillistes restent réticents à autoriser l'engagement des forces britanniques dans une nouvelle opération.
D'autres pays européens craignent de s'associer à des bombardements pouvant déclencher une campagne d'attentats sur leur territoire. "Peut-on en vouloir à l'Espagne d'être sceptique, alors que les attentats de Madrid (2004) ont été perçus comme la réponse à son soutien à l'interventionnisme américain en Irak ?" écrit encore le site d'informations.
Parce que l'association avec la Russie pose question
François Hollande était à Moscou jeudi 26 novembre pour rencontrer Vladimir Poutine. Un rapprochement qui illustre l'isolement de la France en matière de défense en Europe. Et qui ne fait pas l'unanimité.
"Les Etats de l’Europe orientale ne peuvent envisager favorablement un rapprochement entre la France et la Russie", analyse Cyrille Bret dans Atlantico. En cause, notamment, la politique de Moscou à l'égard de l'Ukraine.
En représailles à l'annexion de la Crimée, région séparatiste de l'Ukraine, l’Union européenne a infligé de sévères sanctions économiques à la Russie. La question de la prolongation de l'embargo russe va se poser en janvier, rappelle Slate. La coopération autour du dossier syrien pourrait changer la donne.
Reste que l'alliance militaire avec Vladimir Poutine contre l'EI risque de se heurter rapidement aux divergences de vues sur l'avenir politique de la Syrie. Moscou soutient toujours Bachar Al-Assad, tandis que la France estime que le président syrien doit partir in fine pour envisager une sortie de crise.
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