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Suicide d'un médecin à l'hôpital parisien Georges-Pompidou : une enquête préliminaire ouverte pour harcèlement moral

Le parquet de Paris a ouvert mercredi une enquête préliminaire pour harcèlement moral après le suicide sur son lieu de travail d'un cardiologue de l'hôpital parisien. Il s'était défenestré le 17 décembre en fin d'après-midi.

Article rédigé par franceinfo avec AFP
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Devant l'hôpital Georges-Pompidou, à Paris, le 29 mai 2015. (CITIZENSIDE / AURÉLIEN MORISSARD / AFP)

Le parquet de Paris a ouvert mercredi 30 décembre une enquête préliminaire pour harcèlement moral après le suicide sur son lieu de travail d'un cardiologue de l'hôpital Georges-Pompidou, vaisseau amiral des hôpitaux parisiens. Cette enquête a été diligentée sur fond d'accusations de "luttes claniques" au sein du prestigieux établissement hospitalier, et d'un avertissement qui n'aurait pas été pris en compte sur la souffrance de ce médecin. Jean-Louis Megnien s'était défenestré le 17 décembre en fin d'après-midi.

Sa veuve a porté plainte, puis a été entendue mardi, selon une source proche de l'enquête. Les investigations ont été confiées à la brigade de répression de la délinquance contre la personne de la police judiciaire parisienne, précise une source judiciaire.

Dans quel contexte intervient ce suicide ?

Dans une lettre rendue publique, un chef de service de psychiatrie, le Pr Bernard Granger, a interpellé le directeur général de l'Assistance publique-Hôpitaux (AP-HP) de Paris, Martin Hirsch. Pour ce membre de la commission médicale d'établissement, "la complexité d'un acte suicidaire sur le lieu de travail" ne doit pas être "un prétexte pour occulter la façon dont ce collègue a été objectivement maltraité". Le Pr Granger faisait notamment état d'un e-mail envoyé par un confrère du cardiologue il y a plus d'un an et resté sans réponse. Selon lui, il mettait en garde contre le "risque suicidaire" de ce médecin, qui s'est jeté par une fenêtre de l'hôpital Pompidou de Paris, le 17 décembre.

Affirmant que la maltraitance venait "de ses pairs et de l'administration", il ajoutait : "Ces médecins et vos subordonnés auront des comptes à rendre. Vous aussi sans doute." "Le devoir du directeur général est de protéger ses personnels, et sauf à vous rendre complice de cette maltraitance, il vous appartient de prendre les décisions qui s'imposent pour préserver ceux qui se plaignent d'en être victimes", poursuivait-il, évoquant des "luttes claniques" au sein de l'hôpital Pompidou.

Le Parisien (article payant) évoque une "atmosphère (...) poisseuse", où "l'ambiance de travail relève de l'univers impitoyable". Sous couvert d'anonymat, plusieurs médecins décrivent des "punitions" de la hiérarchie si l'on s'inscrit "contre" les choix de la direction. "En gros, c'est adhésion ou éjection", explique l'un d'entre eux. Le climat de défiance est tel que les nominations hiérarchiques sont suspectées d'être "pipées" ou encore que certains professeurs n'échangent plus avec leurs collègues par courriels professionnels par peur de piratage.

Que sait-on du parcours de Jean-Louis Megnien ?

Cardiologue reconnu, âgé de 54 ans et père de cinq enfants, Jean-Louis Megnien était également professeur à la faculté de médecine Paris-Descartes. "L’homme est brillant, féru d’informatique et d’enseignement", résume Libération.  

"Tout a été fait pour le détruire", témoigne encore un collègue de Jean-Louis Megnien, auprès du Parisien. Un autre insiste : "Marié, père de cinq enfants, Jean-Louis Megnien n'avait pas de problèmes personnels, n'était pas dépressif et des coups, pour être devenu professeur de médecine, croyez bien qu'il en avait déjà reçu. Mais là, c'était trop."

Fin janvier 2014, une consœur de Jean-Louis Megnien, citée par Libération a reçu un e-mail alarmant. "J’ai l’impression de descendre aux enfers. Qu’ai-je fait pour cela ? Imposer un changement de bureau, à un autre étage, dans un autre service, quitter l’équipe médicale et paramédicale, couper tout lien avec le bureau des RDV, et mes patients et mes étudiants attaque ma dignité, mon honneur, et me désigne directement coupable de ? (sic)", écrit-il. "Ce geste est uniquement destiné à me salir, à ruiner ma carrière", poursuit le médecin. Il sera mis en arrêt maladie quelques semaines après ce courriel, pour neuf mois, et hospitalisé durant "de longues semaines". Jean-Louis Megnien avait repris le travail le 14 décembre. 

Comment réagit la direction des Hôpitaux de Paris ?

Un comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail extraordinaire s'est tenu après le suicide en présence de Martin Hirsch, qui a annoncé "la saisine" de la commission d'analyse des suicides.

Le directeur général de l'AP-HP a ensuite adressé un courrier au personnel leur annonçant, entre autres, le lancement d'une autre commission, composée de trois personnalités "extérieures à l'hôpital, pour procéder à une mise à plat des sujets conflictuels dans l'établissement, des problématiques mal résolues, de tous les éléments de contexte d'un hôpital qui a connu plusieurs crises au cours des dernières années". Leur mission se déroulera en janvier et février.

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