Règlements de comptes à Marseille : comment stopper la surenchère ?
"La vérité, c'est
qu'aujourd'hui le premier employeur des jeunes dans certaines cités, c'est le
trafic de stupéfiants. Si rien ne bouge, on se dirige tout droit vers un
système à l'américaine avec des gangs qui se font la guerre sur des territoires
où la loi n'a plus court" , analyse la maire des 15e et 16 e
arrondissements de Marseille au lendemain de ce nouveau meurtre. Sa piste :
envoyer l'armée en renfort des policiers sur le terrain. "Ce ne sont pas
des pistolets à eau mais des armes de guerre qui sont utilisées", s'indigne Samia Ghali. Aux grands maux, la sénatrice socialiste en appelle les grands remèdes.
Dès sa nomination au poste de
ministre de l'Intérieur en mai dernier, Manuel Valls s'était rendu à Marseille. Son objectif :
rassurer les forces de l'ordre. "Marseille ne mérite
pas que l'on parle uniquement de délinquance. C'est une ville qui a besoin d'un
nouveau contrat avec l'Etat." "Je ne ferais pas d'annonce chiffrée,
mais je suis à l'écoute. Nous souhaitons remettre davantage de policiers sur le
terrain" , s'était-il contenté d'avancer.
"Il n'y a pas d'ennemi intérieur à Marseille" (Manuel Valls)
Le "coup de gueule" de Samia Ghali a été accueilli par une fin de non recevoir du ministre. "Il est hors de question que l'armée puisse répondre à ces drames et à ces crimes", a assuré devant la presse Manuel Valls, qui prône "une réponse globale, en profondeur et particulièrement forte" à la criminalité. Le Premier ministre Jean-Marc Ayrault a d'ailleurs de son côté convoqué un comité interministériel sur la question le 6 septembre. De son côté, le sénateur-maire de la ville Jean-Claude Gaudin (UMP) estime ce jeudi que la ville a "besoin de renfort de police, pas d'appel à la guerre civile ".
"Les propos irresponsables de la sénatrice Samia Ghali,
par ailleurs maire des 15e et 16e arrondissements de Marseille, montrent une
approche irréaliste de cette problématique et des réalités sociologiques des
cités" (Jean-Claude Gaudin, dans un communiqué diffusé ce jeudi)
Les émeutes
de 2005 : la fin d'un tabou
Après les
violences qui secouent en 2005 les banlieues françaises, et l'adoption en 2008 du
Livre blanc sur la défense et la sécurité nationale, l'idée d'un engagement des
forces terrestres en banlieue n'est plus un tabou. A gauche comme à droite, des
édiles débordés par les violences urbaines en appellent aux militaires, comme en
juin 2011 à Sevran. Pourtant depuis, personne n'ose encore franchir le pas. "Dans
un État démocratique, c'est à la police républicaine, sous le contrôle de la
justice, de rétablir la sécurité" , avait d'ailleurs rappelé le ministre de
l'Intérieur de l'époque Claude Guéant, en visite à Sevran après les émeutes.
Et du côté de l'armée, l'idée ne soulève pas l'enthousiasme. Dans son livre Opérations banlieues, Hacène Belmessous interroge des
officiers sur d'éventuelles missions dans les banlieues difficiles. S'ils se
disent loyaux envers le chef de l'État, selon l'auteur nombre d'entre eux récusent
ce "scénario de l'inacceptable" . Appeler des militaires en banlieues
reviendrait à déclarer qu'elles sont en guerre. Quant aux gendarmes, ils
contestent ouvertement leur rapprochement avec la police, tandis que nombre de
policiers, aujourd'hui en première ligne, récusent la militarisation croissante
de leur action.
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