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La police peut-elle lancer une course-poursuite contre un conducteur de deux-roues sans casque ?

Après la mort de deux jeunes hommes en scooter, poursuivis par la police à Grenoble, plusieurs internautes nous ont interrogés sur la légalité de ces "courses-poursuites".

Article rédigé par Robin Prudent
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 3 min
Deux policiers à Nantes (Loire-Atlantique), le 26 octobre 2016. (JEAN-SEBASTIEN EVRARD / AFP)

Le quartier du Mistral à Grenoble est encore sous le choc. Samedi 2 mars, deux jeunes hommes de 17 et 19 ans, à bord d'un scooter, sont morts alors qu'ils étaient poursuivis par la police. Un drame qui a déclenché plusieurs nuits d'émeutes et qui pose de nombreuses questions. Si le procureur de Grenoble évoque un "accident", des proches des victimes parlent eux de "bavure". Une interrogation est revenue à plusieurs reprises sur les réseaux sociaux et dans notre live "Est-il interdit de poursuivre des gens à deux-roues motorisé sans casque ?"

Ces poursuites, ou "marquages" dans le langage policier, sont encadrées par une note de la police nationale datant de 1999. Celle-ci contient à la fois des éléments très techniques, sur la conduite du véhicule, la vitesse, la répartition du poids, et des éléments plus théoriques sur les conditions de mise en œuvre de ces poursuites. Deux grandes règles sont ainsi édictées : le "discernement" et la "proportion". Les marquages peuvent être effectués si les faits reprochés sont de "grande gravité". En tout état de cause, "la poursuite systématique est exclue".

Cette note édicte aussi certains principes visant à encadrer ces poursuites. "Aucune situation ne peut justifier la blessure ou le décès d'un tiers ou d'un fonctionnaire de police, du fait d'actions trop risquées des intervenants", est-il notamment écrit. En cas de "marquage", les policiers doivent aussi le signaler, par radio, au centre d'information et de commandement, qui peut l'interrompre.

Pas de cas particulier sur le port du casque

Contacté par franceinfo, le service d'information et de communication de la police nationale (Sicop), balaie d'emblée la question concernant les conducteurs de deux-roues motorisé sans casque. "On ne prévoit pas de cas particulier pour les motos, les camions, les engins de chantier, ou les vélos, explique le service. Chaque fait est soumis à une analyse." En bref, il n'existe pas de règle générale interdisant une poursuite d'un certain type de véhicule dans cette note. Le Sicop affirme que cette dernière est régulièrement rappelée aux policiers et transmise aux élèves gardiens de la paix.

Cela ne signifie pas que le port (ou non) d'un casque n'est pas pris en considération. "Lorsque le policier remarque qu'un conducteur de scooter ne porte pas de casque, son analyse des risques va être différente et il peut renoncer si l'infraction en cause n'est pas suffisante et le risque trop élevé", précise le SicopCe cadre général a parfois été précisé. Ainsi, en 2010, la préfecture de Seine-Saint-Denis a demandé aux policiers de "ne pas poursuivre les conducteurs de deux-roues, du genre mini-moto ou quad", selon l'AFP, citée par CheckNews.

"Accident" ou "bavure" à Grenoble ?

Dans le cas du drame de Grenoble, l'intervention des policiers était "totalement justifiée", assure le parquet. Les agents de la brigade anticriminalité "ont fait un marquage et n'ont pas mis la pression aux individus" qui roulaient sans casque sur un scooter de grosse cylindrée, volé et dépourvu de plaques, indique le service d'information et de communication de la police nationale. Les deux jeunes hommes ont trouvé la mort en se retrouvant bloqués par un autocar contre le parapet d'un pont, alors que celui-ci se déportait pour laisser passer le scooter et la voiture qui les suivait. 

"Vous pouvez écrire que la police est responsable de leur mort", a de son côté, lancé une proche des victimes, en sortant du palais de justice de Grenoble. "Des jeunes du quartier ont vu ce qui s'est passé et ont le sentiment d'une bavure policière", estime aussi Hassen Bouzeghoub, directeur du centre socio-culturel du quartier. Une information pour recherche des causes de la mort a été ouverte. "Je ne vise aucune infraction commise par les uns ou les autres", a insisté le procureur de Grenoble, Éric Vaillant. 

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