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Fondation Interpol : un mode de financement qui intrigue

La fondation Interpol permet à des partenaires privés de financer l’organisation internationale de coopération policière. Industriels, politiques et banquiers y siègent. 

Article rédigé par Philippe Reltien - Cellule investigation de Radio France
Radio France
Publié
Temps de lecture : 2 min
L'organisation de coopération policière Interpol est en partie financer par des apports privés. (ROSLAN RAHMAN / AFP)

Organisation internationale de coopération policière, Interpol est en grande partie financée par ses 194 pays membres. À côté de ce financement public, des partenariats privés ont été passés avec, par exemple, le fabricant de cigarettes Philip Morris, de grandes firmes pharmaceutiques, ou bien la Fédération internationale de football (FIFA). Une fondation, dite "Fondation Interpol pour un monde plus sûr", créée en 2013 à Genève, apporte aussi des investissements à Interpol. Des personnalités politiques telles que Ségolène Royal et le député Olivier Dassault sont membres du conseil d'administration de cette fondation. Mais on y trouve également des banquiers et des chefs d'entreprises comme Carlos Ghosn.

Une indépendance financière en question

Parmi ces investisseurs, les Émirats arabes unis ont versé 50 millions d’euros à eux seuls en 2016. Un don qui n'est pas neutre pour certains observateurs. "Cette somme correspond à dix millions d’euros par an pendant cinq ans, détaille le journaliste et spécialiste d’Interpol Mathieu Martinière. En 2016, il était le premier État, hors apport d’agences gouvernementales, à financer Interpol." L’influence de ce petit pays questionne donc le journaliste :"Plusieurs ONG dénoncent des crimes de guerre commis par les Émirats arabes unis au Yémen, dans la coalition internationale avec l’Arabie saoudite, alors qu’Interpol est censée lutter contre ces crimes de guerre."

Interpol vient de tenir son assemblée générale à Dubaï, et compte installer un bureau régional en Arabie saoudite.

Compte caché en Suisse

Interpol se voit aussi critiquée pour son manque de réactivité face à certaines révélations sur les membres du conseil de cette fondation. Mis en cause en février 2015 dans les SwissLeaks pour détention d'un compte bancaire caché en Suisse, l'ancien directeur de la banque HSBC, Stuart Gulliver, est resté membre du conseil de la Fondation Interpol jusqu'en septembre 2016, soit plus d'un an après ces révélations. "Alors qu’Interpol est supposée combattre contre toute forme de criminalité, et notamment la criminalité en col blanc, c’est suite au fait qu’on ait posé la question que Stuart Gulliver a dû quitter la fondation, explique Mathieu Martinière, auteur d'un article sur le sujet. C’est comme si on devait nous-même informer Interpol que des personnages sulfureux, et notamment des personnages qui sont poursuivis en justice, siègent dans cette fondation."

"Nous avons pris les mesures nécessaires pour clarifier la situation de M. Carlos Ghosn"

Concernant la situation de Carlos Ghosn, membre du conseil de la Fondation Interpol, détenu depuis le 19 novembre 2018 au Japon pour des soupçons de malversations financières à la tête du constructeur automobile Nissan, la fondation pourrait être plus rapide. Le conseil d’administration de la Fondation serait effectivement en train de se séparer de lui. "Je sais que nous avons pris les mesures nécessaires pour clarifier la situation de Monsieur Carlos Ghosn, nous affirme le secrétaire général d'Interpol, Jürgen Stock, que nous avons rencontré à Paris. Aux représentants de la Fondation de s’en saisir, je sais que nous avons une politique claire qui a déjà joué dans des cas similaires, nous nous attendons à ce que la Fondation prenne les mesures nécessaires."

D'après Jürgen Stock, le conseil d’administration et le président de la Fondation ont entamé une procédure : "J’ai confiance en eux. Si nos collègues du bureau national central d’Interpol à Tokyo nous font la moindre demande, évidemment nous coopérerons, c’est la règle."

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