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Perpignan : terrorisée par ses voisins, une famille affirme vivre recluse dans son appartement

La mère et ses quatre filles sont enfermées chez elles depuis plusieurs jours et craignent de sortir de peur "d'être tuées".

Article rédigé par Elise Lambert
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 7 min
Le centre ville de Perpignan (Pyrénées-Orientales), le 24 septembre 2015. (SPANI ARNAUD / HEMIS.FR)

"Nous n'osons pas sortir, nous avons deux paquets de pains au chocolat et un paquet de pain de mie, ils veulent nous laisser mourir de faim." L' e-mail envoyé, samedi 30 septembre, par Soizic M. aux autorités sonne comme un ultime signal de détresse. Depuis plus d'une semaine, cette mère de quatre filles affirme être enfermée chez elle, dans un appartement de la cité Vernet-Salanque, à Perpignan (Pyrénées-Orientales), révèle L'Indépendant. 

Elle assure devoir faire face à des menaces de coups, de viols et des insultes de la part d'une famille de voisins, les F., composée de quatre frères. "Tout ça pour des conflits d'enfants, des histoires sans importance, raconte-t-elle à franceinfo. Ils menacent de me fracasser la tête, m'insultent en permanence."

"Pourquoi t'es en short ?"

Pour comprendre cette situation, il faut revenir à la date d'emménagement de Soizic M. et de ses filles, âgées de 13, 15, 18 et 21 ans. En 2013, cette agente d'entretien, originaire de Nantes, déménage dans la cité Vernet-Salanque, l'un des quartiers les plus défavorisés de la ville, dans un appartement HLM. "Je l'ai entièrement refait, il fait 95 m2, il est magnifique avec trois chambres, un salon, une salle à manger", décrit-elle.

Séparée de son mari depuis treize ans, Soizic M. vit avec ses filles, qu'elle décrit comme plutôt "timides". Convertie à l'islam, elle se voile, mais ses filles peuvent s'habiller "comme elles le veulent". Une attitude très mal perçue, selon elle, par certains habitants du quartier. "C'est un autre monde ici", lâche-t-elle, sans donner plus d'explications.

Soizic M. à Perpignan (Pyrénées-Orientales), le mercredi 4 octobre 2017. (SOIZIC M)

Petit à petit, les filles M. essuient des insultes de la part de garçons du quartier : "'Pute, pourquoi tu parles pas avec moi ?', 'donne-moi ton numéro' ou 'pourquoi t'es en short ?'", affirme-t-elle. L'aînée des filles, qui a son permis, obtient un CDD dans une grande surface et s'y rend en voiture. "Du coup, des filles du quartier sont venues l'embêter pour lui demander de les conduire en ville, boire des verres. Ils la traitaient de prétentieuse parce qu'elles ne voulaient pas les emmener." Avec le temps, les relations s'enveniment, puis prennent un nouveau tournant au début de l'été 2017.

Plainte pour "exhibition sexuelle et menaces de mort"

Selon Soizic M., les relations se sont dégradées avec la famille F. à cause "d'un mot de trop". Lors d'une veillée organisée par les habitants pour la mort du fils d'une voisine, Soizic M. reprend un garçon du quartier. "Il avait été injurieux à l'encontre du défunt. Je l'ai remis à sa place. Mon Dieu que n'ai-je pas fait ! Avec ce mot de trop, j'ai signé mon arrêt de mort, confie-t-elle le souffle court. 

Le garçon aurait alors appelé la famille F. et menacé de tuer Soizic. "Je fais ce que je veux à Vernet-Salanque, je suis le patron ici", lui aurait-il lancé. Les fils de la famille F. se joignent au jeune homme, se postent devant l'appartement de Soizic. Là, tout dérape, selon elle : ils traitent les filles de "bâtardes""L'un d'entre eux a baissé son short de plage, s'est masturbé et a touché ses testicules devant nous (...) Il a dit à ma fille : 'Viens me sucer.' Je l'ai bien vu, il est rasé", décrit Soizic M. à la police, dans un document que franceinfo a pu consulter.

L'un des fils disait qu'il allait 'faire le 14-Juillet' et tuer tout le monde.

Soizic M.

à franceinfo

L'une des filles reçoit un coup de poing sur l'oreille droite. Les pompiers viennent l'évacuer sous les insultes et les crachats des garçons. La police vient calmer la situation et fait sortir Soizic M. et ses filles. A la suite de cette altercation, la Perpignanaise dépose plainte au commissariat pour "exhibition sexuelle, menaces de mort et violences".

"J'ai jamais vu une histoire pareille"

Malgré l'intervention des forces de l'ordre, la tension ne redescend pas. Avertie du dépôt de plainte, la famille F., "connue de la police", resserre la pression et guette la moindre sortie des filles. Durant tout le mois de juillet, la famille de Soizic M. vit dans le noir. Des pierres sont jetées contre leurs fenêtres. L'une des filles fait une tentative de suicide.

En détresse, Soizic M. sollicite l'aide de deux associations locales, le Centre d'information sur les droits des femmes et des familles (Cidff) et l'Association d'aide aux victimes d'infractions pénales (Adavip). Contactées par franceinfo, ces deux associations confirment avoir reçu la mère de famille. Soizic M. parvient à être hébergée pendant un mois dans un foyer, mais ne peut pas bénéficier d'un hébergement d'urgence, puisqu'elle est locataire. Au bout d'un mois, la famille est obligée de retourner à Vernet-Salanque. A l'extérieur, son compteur d'électricité a été vandalisé, la porte d'entrée a pris des coups. 

Soizic croit pouvoir bénéficier d'un sursis, mais petit à petit, les insultes reprennent. Les voisins reviennent menacer la famille. Les garçons "miment des gifles, puis embrassent leurs biceps" devant elle, écrit Soizic M. dans un e-mail envoyé le 30 septembre à la mairie, à l'office HLM et au parquet, que franceinfo a pu consulter. Elle précise que son frigo est quasi vide et qu'elle est trop terrorisée pour sortir faire des courses. Quelques habitants mis au courant de la situation lui apportent des provisions. 

Le frigo presque vide de Soizic M. à Perpignan (Pyrénées-Orientales), mercredi 4 octobre 2017. (SOIZIC M)

Soraya, 28 ans, en fait partie. Habitante du Moulin-à-vent, un autre quartier de Perpignan, elle a entendu parler de cette famille par une voisine. "On m'a dit : 'Une femme est séquestrée', alors je suis venue apporter un McDo, juste par solidarité", explique-t-elle à franceinfo.

Au début, j'y croyais pas trop, mais quand j'ai vu les chaises devant la porte de l'appartement, les portes cassées, j'ai réalisé. Les filles ont très peur, je n'ai jamais vu une histoire pareille.

Soraya, 28 ans

à franceinfo

La piste religieuse évoquée

Contactée, la mairie affirme avoir été mise au courant de la situation à la fin septembre et avoir proposé un relogement à la famille. "On m'a proposé une autre HLM, dans un autre quartier, c'est hors de question !", répond Soizic M. Contactée, la vice-présidente de l'office HLM de Perpignan-Méditerranée pondère : "On lui a fait une proposition sur un autre logement HLM, près de son travail. A ma connaissance, elle attend le feu vert de son avocat pour visiter l'appartement."

De son côté, l'avocat de Soizic M., Me Etienne Nicolau, a saisi le procureur. "Dans cette histoire, je ne comprends pas pourquoi la police a si peu agi, se demande-t-il. J'espère que le parquet va pouvoir mobiliser la police, parce que rien n'a bougé depuis l'été."

Soizic M. dans son appartement à Perpignan (Pyrénées-Orientales), mercredi 4 octobre 2017. (SOIZIC M)

Pour l'un des garçons de la famille F., contacté par franceinfo, l'histoire serait tout autre, et tout aussi rocambolesque : "C'est une manipulatrice qui se fait passer pour une victime, après avoir eu de nombreux différends avec plusieurs familles chrétiennes. Cette dame veut convertir le monde à l'islam !" Le jeune homme, qui dit vivre à Figueras, en Espagne, mais rend souvent visite à sa mère à Perpignan, précise : "Elle nous dit : 'pourquoi vous n'allez pas à la mosquée ?' Nous avons répondu : 'nous sommes chrétiens' (...) A ce moment-là, elle a crié en disant : 'Allez en enfer, vous et votre Jésus." 

Elle n'arrête pas de nous traiter de 'kouffar' ('mécréant') depuis son balcon.

Un fils de la famille F.

à franceinfo

Depuis la publication de l'article de L'Indépendant, le jeune homme, adepte de boxe, assure recevoir de nombreuses menaces de mort et répète que les propos de Soizic M. sont mensongers. "Et si on a donné des coups, c'est parce que cette mère et ses filles ont agressé ma mère." Des allégations démenties par Soizic M. : "Ils font de la récupération religieuse. C'est ce qui marche. Mais c'est un pur amalgame." Contacté, le procureur de Perpignan affirme que son parquet a bien été saisi, mais qu'une autre plainte a été déposée par la famille F. à l'encontre de la famille M., pour "menaces de mort", "dégradations volontaires" et "dénonciation calomnieuse".

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