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Pédophilie : quatre conseils pour aborder le sujet avec ses enfants

Article rédigé par Violaine Jaussent
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 5 min
Lorsqu'on évoque la pédophilie avec un enfant, il faut lui indiquer et lui expliquer les interdits avec des mots, des phrases claires et sans ambiguïté. (THANASIS ZOVOILIS / FLICKR RM / GETTY IMAGES)

Après les plaintes de plusieurs parents contre un directeur d'école de Villefontaine (Isère) pour viols et agressions sexuelles sur leurs enfants, des familles s'interrogent sur la meilleure façon de parler avec les enfants de ce sujet difficile.

C'est l'affaire qui a fait resurgir les inquiétudes autour de la pédophilie. Le directeur d'une école de Villefontaine (Isère) a été mis en examen puis écroué pour viols et agressions sexuelles sur plusieurs élèves de son établissement, le 25 mars. Depuis, plusieurs affaires de ce type ont été révélées.

Faut-il aborder le sujet avec ses enfants ? A quel moment et comment ? Francetv info apporte des éléments de réponse.

1Apprendre à son enfant que son corps lui appartient

"Personne n'a le droit de toucher tes parties intimes" : c'est, en premier lieu, ce qu'il faut faire comprendre à son enfant, indique mercredi 8 avril à francetv info Dominique Frémy, pédopsychiatre hospitalière et thérapeute familiale. Pour y parvenir, "on peut énumérer ses parties intimes avec lui, par exemple", explique cette responsable de l'unité du psychotraumatisme du centre hospitalier de Novillars, près de Besançon (Doubs).

"On explique pourquoi : 'Ton corps est à toi. Hormis le médecin, personne n'a le droit de le toucher. Et toi non plus, tu ne touches pas le zizi, la zézette de tes amis'", précise Muriel Salmona, psychiatre interrogée par Le Parisien. "L'important, c'est de lui en parler clairement, sans ambiguïté, et avec des mots simples", ajoute Dominique Frémy.

A partir de quel âge peut-on aborder le sujet ? "Dès qu'il commence à avoir une vie sociale, à être propre, soit quand on parle du corps. L'apprentissage de la propreté, c'est un bon moment", répond Hélène Romano, docteur en psychopathologie invitée d'Europe 1 le 1er avril. Pour Dominique Frémy, à partir de 4 ou 5 ans, un enfant peut en prendre conscience. "Mais la manière d'en parler dépend de l'âge, il faut s'adapter et la faire évoluer", souligne-t-elle.

2Préférer la discussion en groupe et introduire une médiation

A quel moment aborder le sujet ? "Mieux vaut le faire avec un groupe d'enfants, en réunissant la fratrie par exemple, plutôt que d'isoler un enfant pour lui parler, recommande Dominique Frémy. Les enfants interagissent entre eux. Il y en a toujours un qui va oser poser une question qui profitera à l'ensemble du groupe."

Pour lui parler tranquillement, on peut aussi introduire un autre outil, "une médiation". Par exemple, dans la série Max et Lili de Dominique de Saint-Mars et Serge Bloch (éditions Calligram), on peut lire avec son enfant, à partir de 5 ans, Lili a été suivie, qui raconte comment un monsieur a proposé à la petite fille de venir faire des photos avec lui. Puis, lorsqu'elle en parle dans la cour de récré à ses copains, une autre petite fille parle d'attouchements de son oncle, et Max apprend qu'un petit garçon peut aussi être concerné.

De son côté, le groupe Playbac a décidé, le 1er avril, de consacrer un dossier gratuit à ce sujet dans ses journaux destinés aux enfants et adolescents, Le Petit Quotidien, Mon quotidien et L'Actu. A l'intérieur, une bande dessinée sur le sujet, à lire avec son enfant. Celui-ci peut aussi s'exprimer à travers un dessin. "Si moi, maman, ou l'institutrice, je dis à mon enfant : 'Dessine-moi quelque chose', il va faire un beau dessin, rassurant. Il vaut mieux un dessin spontané, et lui demander ensuite de raconter son dessin", précise Hélène Romano.

3Repérer les comportements alarmants

Quand un enfant a subi des attouchements, a été agressé ou violé, il va développer des troubles du comportement. "Ce sont des troubles du sommeil, avec des insomnies ou des cauchemars de l'agression. Il peut se remettre à faire pipi au lit, voire caca, ou bégayer", énumère Dominique Frémy. Mais attention, il ne s'agit pas de troubles propres aux violences sexuelles, insiste-t-elle. "Chez l'enfant, tout traumatisme peut introduire une rupture dans le comportement."

Néanmoins, des troubles spécifiques peuvent se développer, mais ils dépendent de l'agression subie. Par exemple, un enfant peut vouloir masturber ses frères et sœurs après un attouchement, parfois avec un objet, ou rejeter des aliments, voire refuser de manger après avoir subi une fellation. "Tout comportement brutal ou toute régression observés chez un enfant doit alerter", résume-t-elle. Un enfant réservé ou timide, cela peut être sa personnalité. Ce qui doit interroger, c'est lorsqu'un enfant qui ne l'est pas le devient.

4Lui dire qu'il peut faire confiance à certains adultes

Face à certains adultes, l'enfant peut se heurter à un manque d'écoute. On peut le prévenir. "Tu sais, on ne te croira peut-être pas. Tous les adultes ne sont pas parfaits. Ce n'est pas grave, tu t'adresses à un autre, l'infirmière scolaire, la directrice, l'animateur... L'essentiel, c'est d'alerter", conseille de dire Muriel Salmona. Mais attention aux mots qu'on emploie. "Il ne faut pas saper la confiance que les enfants ont dans les adultes", souligne Dominique Frémy.

L'important, c'est d'expliquer à son enfant qu'il peut faire confiance à certains adultes. "On peut lui dire : 'Tu peux nous raconter, on fera ce qu'il faut pour te protéger'", indique Dominique Frémy. Ainsi, l'enfant saura repérer une personne digne de confiance. "C'est important de leur dire que des adultes peuvent piéger des enfants, même avec des jeux, tandis que d'autres peuvent être des adultes ressources", indique Hélène Romano. "On peut aussi réfléchir avec lui à qui il pourrait se confier en cas de problème", suggère Dominique Frémy.

Car les enfants ne se confient pas toujours à leurs parents sur ce genre de sujet. Il ne faut pas se vexer : souvent, c'est parce qu'ils ont peur de ne pas être crus, ou parce qu'ils ne veulent pas les inquiéter. "Quand j'ai demandé à ma fille : 'pourquoi tu ne m'as rien dit ?', elle m'a répondu : 'papa, j'ai eu peur de te faire pleurer'", confie le père d'une fillette qui affirme avoir été victime des agissements du directeur d'école de Villefontaine.

Et si la personne soupçonnée de pédophilie est le (ou la) professeur(e) de l'enfant ? Là encore, Dominique Frémy recommande d'utiliser des mots simples pour justifier son départ, car l'enfant ne va plus le voir. "On peut dire aux enfants : 'L'adulte s'est comporté d'une manière interdite par la loi et la société. Il s'est permis de toucher des parties intimes, mais il n'en a pas le droit.'" Dans ce cas, l'intervention d'une tierce personne, un psychologue scolaire, un médecin ou une infirmière est très utile. Les parents ne sont pas les seuls à jouer un rôle dans ce type de situations.

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