Les députés votent l'article clé de la réforme de la garde à vue
Avec ce texte, le droit à garder le silence, qui avait été supprimé en 2003, est rétabli, avec obligation pour les enquêteurs de le notifier à la personne gardée à vue en même temps que la notification du droit à l'assistance d'un avocat, dit le texte.
La personne en garde à vue pourra faire prévenir à la fois sa famille et son employeur et non plus l'un ou l'autre. Elle pourra garder certains objets intimes comme des lunettes et l'examen médical réalisé au cours de la garde à vue devra se tenir “à l'abri du regard et de toute écoute extérieurs”.
Comme le voulait le gouvernement et le groupe UMP, l'Assemblée nationale maintient que la garde à vue restera sous le contrôle du procureur de la République, lié au pouvoir politique, et non pas du juge des libertés, indépendant par son statut, comme le proposait la commission des Lois.
_ Ce point est critiqué par les syndicats d'avocats et de magistrats, qui jugent incompatible un tel pouvoir du procureur avec des arrêts de la Cour européenne des droits de l'homme qui estiment qu'il ne peut être considéré comme une autorité judiciaire, du fait de son lien avec le pouvoir exécutif.
Pas d’interrogatoire sans avocat
_ De plus, comme l'avait accepté le ministre de la Justice, le gouvernement a renoncé à “l'audition libre”, c'est-à-dire un
interrogatoire sans avocat et sans limitation de durée, comme le
proposait le texte initial.
_ Après un long débat marqué par un vif échange entre deux
députés UMP, Claude Goasguen, avocat, et Jean-Paul Garraud, magistrat de profession, un amendement a été adopté concernant la “police” de l'audition pendant la garde à vue.
Il dispose que si l'officier de police judiciaire estime que l'avocat “perturbe gravement” le bon déroulement d'une audition ou d'une confrontation, il en informe le procureur, celui-ci pouvant alors aviser le bâtonnier aux fins de désignation d'un nouvel avocat choisi ou commis d'office.
Hier, l'Assemblée avait adopté à la quasi-unanimité un
amendement du gouvernement prévoyant qu'aucune condamnation, en matière criminelle et correctionnelle, ne pourra être prononcée sur la base de déclarations faites hors de la présence d'un avocat.
L'amendement gouvernemental précise toutefois qu'une
condamnation “peut bien évidemment être prononcée dès lors qu'il existe d'autres éléments de preuve ou lorsque la personne, alors qu'elle en avait la possibilité, n'a pas souhaité être assistée par un avocat”.
_ Cette réforme ne semble guère avoir de portée de toutes
façons en cour d'assises, où les arrêts ne sont pas motivés par
écrit mais procèdent de la seule “intime conviction” des jurés.
_ Ce projet de loi est la conséquence d'une décision, le 30
juillet dernier, du Conseil constitutionnel qui avait jugé les
procédures actuelles en matière de garde à vue contraires aux
droits fondamentaux et avait ordonné une réforme avant le 1er
juillet 2011.
Le nombre de gardes à vue en France est passé de 336.718 en
2001 à 792.293 en 2009, selon les chiffres officiels. Avec les
infractions routières, le chiffre approcherait les 900.000.
Le vote sur l'ensemble du projet de loi aura lieu mardi prochain. Il n'est pas exclu que l'opposition, qui a voté de nombreuses mesures du texte, s'abstienne sur l'ensemble du texte que le Sénat devrait examiner à son tour en mars ou avril.
Mikaël Roparz, avec agences
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