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Le cadavre de "l'héritière" retrouvé dans une propriété Airbnb n'a pas livré tous ses secrets

Le 27 février, le corps de Claudine Labourbe, une sexagénaire disparue depuis début décembre 2015, était découvert sous des branchages. Récit d'un macabre fait divers, qui recèle tous les ingrédients du roman noir. 

Article rédigé par Catherine Fournier
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 8min
La propriété dans laquelle le corps de Claudine Labourbe a été retrouvé le 27 février 2016, à Palaiseau (Essonne). (MAXPPP)

C'est l'heure de la réunion ce jeudi 7 janvier au parquet de Bobigny (Seine-Saint-Denis). Les dossiers en cours sont abordés par les magistrats autour d'une table ronde, dans un petit bureau au 4e étage du tribunal. L'un d'entre eux sort de l'ordinaire. Une femme a disparu depuis plus d'un mois. Son nom, Claudine Labourbe, semble tout droit sorti d'un roman policier de Gaston Leroux, l'auteur du Mystère de la chambre jaune.

Cette sexagénaire n'a plus donné signe de vie depuis le 4 décembre 2015. Sa fille, Olivia S., est très inquiète : sa mère, qui souffre d'une grave maladie chronique, est partie sans ses médicaments quotidiens. Surtout, ses cartes bleues ont continué à être utilisées dans toute la France. Les magistrats du parquet et le juge d'instruction discutent du dernier rebondissement de l'affaire : l'interpellation de trois hommes fin décembre-début janvier. L'un d'entre eux, Juba S., a été surpris chez la disparue, dans son appartement de l'avenue Edouard-Vaillant au Pré-Saint-Gervais (Seine-Saint-Denis). Il s'est présenté comme le neveu de Mustapha S., le compagnon de Claudine Labourbe. Le troisième homme, Hamou A. A., est un cousin. 

Le trio, mis en examen pour enlèvement, séquestration, vol et escroquerie en bande organisée, nie toute responsabilité dans la volatilisation de cette femme. Au parquet, on ne se fait guère d'illusion sur le sort de Claudine Labourbe. Le temps presse pour la retrouver. Un corps se dégrade très vite. Les preuves avec. 

Deux initiales sur une gourmette

Samedi 27 février, à une quarantaine de kilomètres de là, dans la vallée cossue de Palaiseau (Essonne), un jeune fêtard sort se promener sur le terrain de la propriété louée sur Airbnb pour les 25 ans de son amie. Dans les brumes du petit matin, il entame l'ascension du sous-bois qui s'étend derrière la jolie meulière, coincée entre la ligne B du RER et l'école polytechnique.

Sous des branchages, il distingue un corps. En s'approchant, l'image macabre se précise : le cadavre en décomposition d'une femme gît là, "sans chaussures, bras et jambes repliés et le visage enfoui dans la terre", décrit Le Parisien. 

La fête est écourtée. Passée la stupeur, le groupe d'amis, choqué, compose le 17 et prévient le propriétaire des lieux, Emmanuel L. C., en vacances au ski. Les riverains du Sentier des vignes voient débarquer la police scientifique puis les médias. Une location Airbnb transformée en scène de crime, la nouvelle a de quoi faire du bruit.

C'est la première fois que je loue ma maison sur le site... Je ne suis pas déçu !

Emmanuel L. C.

Le Parisien

Selon Emmanuel L. C., "quelqu'un a balancé le corps. Il a été trouvé à 80 m de la maison. (...) J'ai eu plusieurs intrusions là-haut, car il y a une maison à moitié construite par l'ancien propriétaire, taguée, et remplie de végétation. On y trouve des bouteilles."

Sur les hauteurs de la propriété dans laquelle a été retrouvé le corps de Claudine Labourbe.  (CATHERINE FOURNIER / FRANCETV INFO)

La police judiciaire de Versailles est saisie de l'enquête. Si le caractère criminel de cette découverte ne fait aucun doute, les premières analyses ADN ne donnent rien. Mais un détail attire l'attention des enquêteurs. La victime porte deux bijoux, une bague et une gourmette. Sur celle-ci figurent, selon Le Nouveau détective, deux initiales : C. L. Le lien est fait avec la disparition de Claudine Labourbe. De nouvelles expertises génétiques confirment l'identité du cadavre de Palaiseau. La PJ de Bobigny récupère le dossier.

Un rendez-vous chez le notaire

Confrontés à la découverte du corps, les trois suspects, désormais poursuivis pour meurtre, continuent à nier en bloc devant le juge. Pour sa défense, Juba S. avait affirmé, selon Le Parisien, que Claudine Labourbe, partie en vacances, lui avait laissé ses clés et sa carte bancaire. Le jeune homme a été identifié sur une image de vidéosurveillance en train de l'utiliser à un distributeur automatique. Il était alors accompagné d'un autre individu. Selon Juba S, il s'agissait de son cousin. "On voit un homme de dos avec un bonnet sur la tête", rétorque l'avocat de Hamou A. A., Jean-William Vezinet. Joint par francetv info, il explique que son client, qui avait également en possession des chéquiers de la victime, n'a même pas été en mesure de s'expliquer sur les faits, tant "la pathologie lourde" dont il souffre "altère ses facultés mentales". "ll se contente de dire 'je ne sais pas'. Son interrogatoire a dû être interrompu", poursuit son conseil. Une expertise psychiatrique est en cours pour déterminer s'il est accessible à une sanction pénale.

Quant à Mustapha S., le compagnon, il dément lui aussi toute implication dans la mort de celle dont il a partagé la vie pendant une dizaine d'années. Un mobile financier, pourtant, se dessine peu à peu. Selon une source proche de l'enquête, Mustapha S. avait accompagné Claudine Labourbe dans le sud de la France à un rendez-vous chez le notaire pour une succession. Le Nouveau détective évoque de son côté la vente d'un terrain constructible en Isère pour une valeur de 500 000 euros. Selon l'hebdomadaire, cette retraitée modeste, qui s'était récemment pacsée avec son ami, venait également de se retrouver à la tête d'un patrimoine immobilier d'une valeur d'un million d'euros. Une coquette somme au regard du niveau de vie des trois suspects, décrits par un enquêteur comme plus au moins marginaux.

Les voisins de la victime, qui décrivent dans Le Parisien une femme "discrète", "gentille", "coquette", indiquent que le couple était en instance de séparation. Une rupture confirmée à francetv info par un proche de Mustapha S. Mais le motif, selon cette source, était d'ordre pécuniaire. "Ils s'étaient pacsés pour des raisons administratives, ils se sont dépacsés pour percevoir des aides sociales supplémentaires", explique cette source, décrivant "un couple assez proche, pas vraiment inséré socialement, et qui vivait des minima sociaux". Et de battre en brèche l'image de Claudine Labourbe présentée dans les médias.

Vous en connaissez beaucoup, vous, des héritières qui vivent au Pré-Saint-Gervais ?

Un proche de Mustapha S.

à francetv info

L'immeuble dans lequel vivait Claudine Labourbe au Pré-Saint-Gervais.  (GOOGLE MAPS / FRANCETV INFO)

"Un dossier ténébreux"

Selon ce proche de Mustapha S., l'intéressé, aux facultés intellectuelles limitées, est "dépassé par les événements. S'il avait voulu l'assassiner, il l'aurait fait plus tôt !" L'individu aurait lâché après son arrestation : "Si ce sont mes neveux qui l'ont tuée, je ne leur pardonnerai jamais." Pour l'heure, on ne sait toujours de quoi Claudine Labourbe est morte, ni comment. Selon une source proche du dossier, l'autopsie révèle une présomption d'étouffement. Le Nouveau détective évoque plusieurs côtes cassées et des hématomes. La science ne permettra sans doute pas d'apporter une réponse plus précise, vu la dégradation du corps. Celui-ci semble malgré tout avoir été "conservé" quelque part avant d'avoir été transporté, peu avant sa découverte, dans l'Essonne.  

Pourquoi là-bas ? Qui l'y a déposé ? "Mustapha S. n'a pas de voiture", note son proche. "C'est un dossier ténébreux", relève Dominique Cren, l'autre avocat de Hamou A. A. Les trois mis en examen, détenus dans des prisons franciliennes différentes, n'ont toujours pas été présentés au juge. Face aux charges qui pèsent contre eux, un enquêteur estime que les suspects se sont enfermés dans le mensonge. "Ils se tiennent, par loyauté ou par stratégie." En attendant, la fille de Claudine Labourbe attend toujours de savoir ce qui est arrivé à sa mère. 

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