La grogne des magistrats
L'ensemble des barreaux de France, mais aussi les syndicats de surveillants de prison, de greffiers ou d'éducateurs judiciaires ont apporté leur soutien aux juges pour cette journée marquée par des rassemblements et des reports ou retards d'audience dans les tribunaux, où des motions ont parfois été lues avant l'ouverture des débats.
A Toulouse, devant le tribunal de grande instance, magistrats, avocats et greffiers se sont rassemblés à l'appel de l'Union syndicale des magistrats (USM, majoritaire), du Syndicat de la magistrature (SM, minoritaire) et de Force ouvrière pour "dénoncer les dérives institutionnelles actuelles", selon Patrice de Charette, porte-parole du SM. "Ce qui est grave", a-t-il ajouté, "au-delà des problèmes d'humeur (de Mme Dati) et de ses réactions, c'est (les menaces sur) l'indépendance de la justice". "En essayant de nous mettre au pas, la ministre de la Justice porte atteinte à cette dépendance", a dénonce M. De Charette.
La politique du coup médiatique
"L'action de Rachida Dati est catastrophique", a jugé Christophe Régnard, président de l'Union syndicale des magistrats (USM, majoritaire), lors d'une conférence de presse à Paris. Il a dénoncé "un bilan très négatif, le plus mauvais de tous les gardes des Sceaux depuis très longtemps". "Le coup médiatique ne peut constituer une politique", a-t-il ajouté, estimant que la ministre faisait preuve de "mépris" en comparant la journée d'action des magistrats à "un mouvement d'humeur".
"Il ne s'agit pas d'un mouvement corporatiste, toutes les professions judiciaires nous soutiennent", a renchéri Valérie Dervieux, responsable parisienne de l'USM, entourée de représentants des syndicats d'éducateurs judiciaires, de l'Administration pénitentiaire, des greffiers et de l'Association française de criminologie.
Une délégation a été reçue en fin de matinée par le premier président de la Cour de cassation, Vincent Lamanda, et le procureur général de cette instance, Jean-Louis Nadal. "Nous allons leur demander de saisir l'autorité compétente, c'est-à-dire le président de la République, pour expliquer nos craintes", a dit Valérie Dervieux.
Dans l'après-midi, le Conseil supérieur de la magistrature (CSM) s'est réuni pour examiner la saisine de l'USM et du SM, qui l'ont alerté la semaine dernière sur les récentes "pressions" exercées, selon eux, par Rachida Dati sur leur profession. Depuis sa nomination en mai 2007, la ministre entretient des relations difficiles avec le monde judiciaire et les syndicats l'accusent de multiples "reprises en main" . Le CSM a décidé d'enquêter sur les conditions dans lesquelles ont été interrogés des magistrats de Moselle après le suicide d'un adolescent de 16 ans le 6 octobre à la prison de Metz-Queuleu. Mme Dati avait diligenté une enquête interne avec des auditions tard dans la nuit, des magistrats en charge de l'incarcération du mineur.
Caroline Caldier avec agences
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