Karachi : les familles veulent qu'Alain Juppé témoigne
" Alain Juppé a la mémoire courte depuis qu'il est entré au gouvernement". Déclaration hier de Maître Morice, l'avocat des familles de victimes qui demandent l'audition du ministre.
Ses trous de mémoire présumés portent sur l'existence ou non de rétrocommissions -pratique illégale- en marge des commissions -elles légales- sur plusieurs ventes d'armes françaises au Pakistan. Alain Juppé confirme qu'en 1995, Jacques Chirac avait donné ordre de suspendre le versement de certaines commissions, parce que ce n'était "pas clair".
_ En revanche, à propos des "rétrocommissions", il a déclaré qu'il n'y avait " aujourd'hui aucune preuve qui permette de penser" qu'elles aient existé.
Pourtant, Charles Millon, ministre de la Défense à la même époque avait affirmé la semaine dernière qu'après vérifications
menées par les services sur certains contrats, il avait eu "l'intime conviction" de l'existence de ces rétrocommissions. Dominique de Villepin, qui était lui alors secrétaire général de l'Élysée, a redit hier aussi qu'il
y avait des "soupçons" d'éventuels faits de corruption, même s'il n'en
avait pas de "preuve formelle".
Les dénégations d'Alain Juppé n'ont donc pas suffi hier à convaincre les familles. Elles entendent demander aujourd'hui à ce qu'il soit entendu comme témoin, par le juge Renaud Van Ruymbeke. Dominique de Villepin a affirmé lui hier soir avoir demandé à être entendu également par le juge, si possible cette semaine. Un Dominique de Villepin beaucoup plus mesuré et prudent dans cette affaire, qu'il ne l'avait été deux jours plus tôt.
"Exagération", "surinterprétation"
Un autre homme tient aussi ce matin à mettre un bémol, dans ce qui commence à prendre la tournure d'une affaire d'État : le témoin-clé, Michel Mazens, ex-cadre supérieur de l'armement, qui parle pour la première fois dans Libération.
Lui confirme l'existence de rétrocommissions, raconte leur arrêt en 1995, mais nie tout lien avec l'attentat de 2002. C'est pourtant ce qui a été conclu, hâtivement selon lui, de ses déclarations à la justice. Dans son PV d'audition, il parlait de crainte de "risques" sur les personnels de la DCNI à l'époque de l'arrêt des versements, dont Me Morice a déduit que la DCNI avait pris le risque de sacrifier des hommes.
Pour Michel Mazens, il y a là "surinterprétation". Les risques évoqués alors n'était "pas de cet ordre", précise-t-il, avant de rappeler que sept ans se sont écoulés entre l'arrêt des versements et l'attentat.
Cécile Quéguiner, avec agences
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