Enigmes, griffonnages et illumination... Ils vont "se creuser les méninges" pour déterrer un trésor de 50 000 euros caché en France
Cette chasse au trésor, organisée par une maison d'édition et calquée sur la mythique "Chouette d’or" lancée dans les années 1990, mènera le vainqueur à une statuette. Début des hostilités le 25 mars avec la sortie d'un livre.
Que quelqu'un "ooooose" toucher au carnet de notes de Juliette ! Le "tout petit", "celui en faux cuir" qu'elle emmène "presque partout". "C'est dedans que je vais griffonner tous mes indices, nous fait comprendre cette Lyonnaise de 31 ans. Il y aura des chiffres, des suites de lettres, des traductions... Ça ne ressemblera à rien, mais, moi, je sais à quoi tout ça correspond !" La jeune trentenaire, chercheuse indépendante en thanatologie dans la vraie vie, risque d'être "un peu moins joignable" à partir du jeudi 25 mars. "J'aurai chasse au trésor", explique-t-elle, en rigolant. Cette date correspond à la parution de L'Or de Sipán, un livre d'énigmes qui sert de support à une chasse au trésor organisée par Les Editions du trésor. Une "magnifique statuette en or massif aux yeux sertis d'émeraudes" d'une valeur de 50 000 euros a en effet été soigneusement cachée quelque part dans l'Hexagone.
"Je ne lâcherai rien !"
Mais où, bon sang ? Il y a quand même 552 000 km2 à ratisser, alors on s'est permis d'y aller au culot, l'air de rien, avec Julien Alvarez, le fondateur des Editions du trésor. "Plutôt au nord ou plutôt au sud ?" L'intéressé est une tombe : "Je ne vous lâcherai rien, même sous la torture !" Raté, il faudra faire comme tout le monde : attendre et éplucher le livre d'énigmes... Pour trouver cette fichue statuette, pas besoin de casser votre PEL pour acheter un bateau, un treillis, un chapeau fedora ou un détecteur de métaux : "Votre cerveau et un peu de chance suffiront largement pour aller au bout", promet Julien Alvarez.
Pas la peine d'aller donner des coups de pelle dans le jardin de votre voisin ! La statuette est cachée sur un terrain public, pas privé.
Julien Alvarez, fondateur des Editions du Trésorà franceinfo
Toute ressemblance avec un jeu ayant existé dans le passé ne serait pas purement fortuite. "Si ça rappelle à certains la mythique 'Chouette d'or', c'est tout à fait normal. On est dans la même lignée, confirme Julien Alvarez, lui-même "chouetteur" depuis "une vingtaine d'années".
"J'apprécie ce retour à l'enfance"
"Chouetteur" ? C'est ainsi que l'on appelle ces milliers de personnes qui se sont mis en tête, dès le début des années 1990, de retrouver une chouette en bronze d'une hauteur de 50 cm qu'un homme, qui se fait alors appeler Max Valentin (de son vrai nom Régis Hauser), a enterré là encore quelque part en France... dans la nuit du 23 au 24 avril 1993. Pour vous dire, à l'époque, les "chouetteurs" s'échangent même des informations sur feu le Minitel pour mettre la main sur le volatile.
Cette fois, avec L'Or de Sipán, internet sera un bien meilleur allié. Mais pas que : Gérard Simon, alias "Garp" dans le milieu, "'chouetteur' historique", feuillette aussi énormément ses dictionnaires, ses encyclopédies et les livres de mathématiques que cet ancien professeur a gardés. "Le fait d'avoir travaillé dans l'informatique m'aide beaucoup également", savoure le retraité de 68 ans, qui compte sur les doigts d'une main les casse-tête qui lui ont résisté. "Je suis capable de bosser sur une chasse au trésor pendant une demi-journée sans m'arrêter. Quand je me promène, il m'arrive de penser à un indice et je m'y remets."
Une fois, en prenant le RER à Paris, j'ai eu une illumination, un flash. J'ai sorti un bout de papier pour ne surtout pas oublier cette nouvelle piste possible.
Gérard Simon, "chouetteur"à franceinfo
Gérard Simon, qui va "inaugurer" sa quatrième chasse au trésor en se plongeant dans L'Or de Sipán, pense "faire plusieurs milliers de kilomètres par an", au volant de sa Renault Mégane, pour avancer ses enquêtes. Il peut "faire des détours" parce qu'il pense avoir trouvé quelque chose. "Je crois qu'il y a un retour à l'enfance et j'aime ça. On a tous lu 'L'Ile au trésor', 'Le Trésor de Rackham le rouge', eh bien voilà, c'est ça que j'apprécie", raconte, grand sourire dans la voix, celui qui est toujours aujourd'hui président de l'Association des chercheurs de la Chouette d'or (A2CO) et ses quelque 150 membres.
"Les gens ont envie de s'évader"
Juliette, la Lyonnaise, "tient ça" de son père. "Il me faisait des énigmes quand j'étais gamine. Ça m'a obligée à me creuser les méninges, et j'ai gardé ce truc-là..." Au point, "parfois" de prétexter un empêchement pour annuler un dîner... et se replonger dans une aventure "parce que je pense avoir découvert une piste".
Certains vont jusqu'à se constituer en groupes sur Facebook. L'un d'eux, intitulé "La Chouette d'or", compte 1 300 membres, dont cette internaute parisienne, intermittente du spectacle dans la vie, qui en profite pour "apprendre tout un tas de choses sur l'histoire de France, mais aussi les mathématiques, l'astronomie, la géo..."
J'ai l'impression d'être un chevalier de la table ronde à la recherche du Graal.
Une membre anonyme du groupe Facebook "La Chouette d'or"à franceinfo
Elle s'y est mise récemment, "avec le premier confinement", "pour m'évader un peu", raconte la femme de 24 ans. Et elle n'est pas la seule : "C'est dur de dire combien de participants on va avoir, on ne sait pas si ça va être 20 000, 30 000 ou 50 000, se permet d'intervenir Julien Alvarez. Mais une chose est sûre, avec la pandémie, on sent bien que les gens veulent s'évader."
Julien Alvarez estime qu'il y aura un gagnant, et que "ce sera dans les deux ans qui viennent". Attention à ne pas trop s'avancer : vingt-huit ans plus tard, la "Chouette d'or" de Régis Hauser est elle toujours portée disparue. Au moment de la sortie de L'Or de Sipán, cela fera précisément 10 197 jours qu'on cherche le mystérieux volatile. Ce qui en fait, à ce jour, la plus longue chasse au trésor encore en cours dans le monde.
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