Les koalas sont-ils sur le point de disparaître à cause des incendies qui ravagent l'Australie ?
L'Australian Koala Foundation alerte sur "l'extinction fonctionnelle" de l'espèce, à la suite des feux qui détruisent le bush dans lequel vivent les koalas. Cela ne signifie pas que l'espèce est éteinte.
"Nous pensons que les animaux ont été incinérés (…) Ils ont été réduits en cendres dans les arbres." Dans le quotidien Sydney Morning Herald*, la présidente du Centre australien de conservation du koala, Sue Ashton, annonçait mi-novembre qu'au moins 350 koalas avaient péri dans les incendies qui ravagent l'Australie. Des associations spécialisées dans la conservation d'espèces font état d'un chiffre beaucoup plus élevé, lundi 25 novembre. Environ 1 000 koalas ont été tués et les survivants sont menacés par la destruction de leur habitat, selon The Rescue Collective, cité par le site d'information australien News.com*.
En mai déjà, un organisme de protection de l'espèce affirmait que le koala était une espèce "fonctionnellement éteinte". Une expression inquiétante mise en avant dimanche 24 novembre par un nouvel article en ligne du magazine Forbes (qui a depuis changé son titre), massivement partagé sur les réseaux sociaux.
As Australia experiences record-breaking drought and bushfires, koala populations have dwindled along with their habitat, leaving them "functionally extinct" https://t.co/HS5dTE2skd pic.twitter.com/hbWGFwVl34
— Forbes (@Forbes) November 24, 2019
Cela signifie-t-il que ces marsupiaux sont voués à disparaître dans un futur proche ?
Les feux tuent les koalas et ravagent leur habitat
Dans les zones carbonisées, les sauveteurs découvrent des scènes de désolation. "Ils cherchent des traces de vie, mais n'en trouvent pas beaucoup. Dans neuf cas sur dix [les animaux retrouvés] doivent être euthanasiés", explique Nicole Blums, de The Rescue Collective, dans un bilan provisoire communiqué à la presse australienne lundi. L'organisation estime à 20% le taux de survie des marsupiaux secourus, tantôt brûlés, tantôt asphyxiés par les fumées. Ainsi, Lewis, le koala dont la vidéo du sauvetage à fait le tour du monde, a dû être euthanasié, annonce mardi 26 novembre le Koala Hospital de Port Maquerie, où il était soigné, sur sa page Facebook (en anglais).
Ceux qui survivent aux incendies ne sont pas pour autant tirés d'affaire. Ils risquent de mourir de faim ou de déshydratation, car il ne reste presque plus rien des forêts d'eucalyptus, dont les feuilles constituent le régime des koalas. La sécheresse, aggravée par le réchauffement climatique, nuit par ailleurs à la restauration de l'habitat du koala. Et pour cause, les arbres ont besoin de plusieurs années pour se remettre des incendies. Mission impossible quand un climat caniculaire laisse des millions d'hectares en proie aux flammes.
Chaque année, l'été austral apporte son lot d'incendies dans le bush australien, immense territoire de forêts et de broussailles. En 2019, ils sont particulièrement nombreux, précoces et violents. Alors que les incendies continuent de faire rage, lundi 25 novembre, l'agence de presse Australian Associated Press estime qu'environ 1,6 million d'hectares ont déjà été dévastés par les flammes, soit une surface plus grande que la Mongolie. Le 15 novembre, les autorités de l'Etat du Queensland estimaient déjà que les deux tiers de l'habitat des marsupiaux avaient été détruits, dans cette immense région de l'ouest australien, selon un article du Smithsonian Mag*.
Une population "vulnérable" et "en déclin"
En 2012, le Comité scientifique pour les espèces menacées a estimé que vivaient entre 347 000 et 518 000 koalas sur le sol australien (et donc dans le monde). Selon les sources, ces estimations varient : d'autres organisations tablaient, dès 2011, sur une population de moins de 100 000 individus. En mai 2019, l'Australian Koala Foundation (AKF), estimait que ce chiffre était tombé à 80 000. "Il se peut que le koala soit fonctionnellement éteint dans toute l'Australie", mettait-elle en garde dans un communiqué de presse, visant notamment à alerter la population et les politiques à l'approche des élections législatives.
On parle d'"extinction fonctionnelle" quand une population n'arrive plus à se renouveler et n'est plus capable d'assurer son rôle dans l'écosystème, explique le zoo de Beauval sur son site. "Il peut s'agir aussi bien d'un manque de reproduction ou de lieux de reproduction que d'un brassage génétique faible, menant petit à petit à la disparition de l'espèce." Ce terme a cependant plutôt vocation à alerter l'opinion publique. "Le koala n'est pas une espèce éteinte comme on peut le penser en découvrant ce terme", explique Florian Kirchner, chargé du programme "espèces menacées" à l'Union internationale pour la conservation de la nature* (UICN). "Les organisations qui parlent d'extinction fonctionnelle le font pour attirer l'attention sur une situation très préoccupante", nuance-t-il.
Oui, le koala se dirige vers l'extinction, mais il existe des milliers d'espèces beaucoup plus menacées dans l'immédiat.
Florian Kirchner, chargé du programme "espèces menacées" à l'UICNà franceinfo
L'UICN place le koala sur la liste rouge des espèces menacées et considère le marsupial comme "vulnérable". L'espèce n'est donc pas éteinte, ni considérée comme "en danger", "en danger critique" ou "éteinte dans la nature", selon la classification graduelle de l'organisme international. A titre d'exemple, Florian Kirchner cite le panda géant, dont la population tourne autour de 1 800 individus dans le monde.
Si les koalas sont plus nombreux, le fait qu'ils soient "vulnérables", mais aussi "en déclin", inquiète le spécialiste : "Une espèce dans cette situation ne peut pas se permettre de subir ce que les koalas subissent en ce moment." "Nous avons besoin de stabiliser cette population, insiste-t-il, car, plus les effectifs sont faibles, plus l'espèce est engagée dans une spirale qui risque de la mener à l'extinction".
Une espèce "parapluie"
Ces incendies posent un défi de taille pour la conservation du koala. L'enjeu de la survie de l'espèce réside ainsi dans "la préservation et la protection de son habitat", poursuit Florian Kirchner. "La lutte contre les feux, on le voit aussi en France, est très difficile", ajoute-t-il, mais il est possible de minimiser leur impact. "Il faut s'assurer que ces espèces vivent dans des aires protégées et prendre des mesures de prévention des feux, telles que le débroussaillement et une surveillance renforcée." Des précautions indispensables, alors que le réchauffement climatique entraîne des épisodes de sécheresse et de canicule propices aux incendies.
La chaleur est en partie responsable de la réduction des populations de koalas, mais elle n'est pas la seule. Progressivement, les vastes étendues de bush ont disparu au profit d'infrastructures humaines. Le bush est "divisé par des autoroutes, des zones industrielles, et des gens", explique Al Mucci, de la Dreamworld Wildlife Foundation, à la chaîne ABC. En isolant des plus petits groupes d'animaux, ce découpage affaiblit les populations existantes, contraintes à se reproduire entre membres d'une même famille. Ils s'en retrouvent plus faibles, sujets aux maladies (ils sont décimés par la chlamydia, une maladie sexuellement transmissible) et génétiquement peu variés. "Plus l'animal est faible, moins il a de chance de survivre à des événements" comme les incendies, a poursuivi Al Mucci.
L'enjeu est d'autant plus crucial que le koala est une espèce "parapluie", selon Florian Kirchner. "La protection du koala bénéficie en retour à toutes les espèces qui vivent dans les forêts d'eucalyptus." Les excréments du marsupial font office d'engrais pour aider au développement de ces arbres, et ainsi offrir un habitat à d'autres espèces.
* Les liens suivis d'un astérisque sont en anglais.
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