Dernière ligne droite pour l'enquête sur Jérôme Kerviel
Mauvaise surprise ce matin au petit-déjeuner pour Jérôme Kerviel. La journée ne s'annonçait déjà pas facile pour l'ex-trader de la Société Générale, accusé de malversations ayant abouti à la perte de 4,9 milliards d'euros. Il est mis en examen pour “abus de confiance, faux et intrusion informatique”.
_ Il la passe en effet en compagnie des juges du pôle financier, chargés de l'instruction de son affaire. En l'occurrence Renaud van Ruymbeke et Françoise Desset. Les magistrats espèrent bien qu'elle leur permettra de clore le dossier, alors que le trader déchu et ses avocats voudraient la voir durer.
C'est dire si la lecture du Parisien de ce matin a dû coincer. Jérôme Kerviel s'étale en pleine page sur la une du quotidien - façon Corto Maltese aux abois - avec un titre choc : “Kerviel parle”. Suivent trois pages, où l'on peut lire une compilation de propos du trader.
_ Problème : Jérôme Kerviel affirme ne pas avoir accordé d'interview au Parisien. “Le peu que j'en ai lu m'a fait bondir, je n'ai jamais donné d'interview. Ce sont des phrases sorties de leur contexte, des morceaux mis bout à bout. Ce qui est déclaré dans ce journal n'est pas ma vérité”, s'étrangle-t-il, joint au téléphone par un journaliste de l'AFP.
Instruction sponsorisée par la Société Générale (Kerviel)
Le journal précisait ce matin qu'il s'agissait de “plusieurs entretiens”, six exactement, réalisés une journaliste spécialisée, qui l'a rencontré “comme journaliste, avec son cahier ouvert devant elle et son stylo en main pour prendre des notes”, affirme le directeur adjoint de la rédaction, Dominique de Montvallon. Il estime que la polémique naît de ce que Jérôme Kerviel “aurait préféré contrôler les propos qui lui sont prêtés de bout en bout par le biais d'une interview relue par quinze personnes”.
_ L'intéressé maintient qu'il a été trahi, car pour lui, ces propos étaient “off”, c'est à dire non destinés à la publication, ou du moins sans que leur auteur soit nommément cité.
Alors qu'il rencontre les juges, peut-être pour la dernière fois, l'ex-trader estime que la publication de ces propos lui porte tort. Il s'en prend notamment au juge Van Ruymbeke, qu'il accuse de mener “une instruction sponsorisée par la Société Générale”. C'est elle qui fournit les pièces sur lesquelles s'appuie le juge Renaud Van Ruymbeke. “Les expertises indépendantes que nous réclamons sont refusées.”
Stratégie offensive
Depuis l'éviction de ses anciens avocats cet été, Jérôme Kerviel a adopté une stratégie plus offensive vis à vis de la Société Générale, cherchant à mettre en cause ses supérieurs hiérarchiques. Il a justement été une dernière fois confronté à son ex-chef direct, Eric Cordelle, ce matin.
_ Il affirme que compte-tenu des sommes qu'il a manipulé, la banque ne pouvait pas ignorer ses prises de positions de plus en plus risquées (en janvier 2008, elles atteignaient 50 milliards d'euros, pour une limite théorique fixée par la banque à 125 millions d'euros). Mais qu'elle a laissé faire, tant qu'il gagnait de l'argent.
L'enquête a révélé que 70 alertes ont été émises sur le comportement du trader. Mais les juges estiment que ces négligences de la banque ne constituent pas des fautes pénales.
Jérôme Kerviel n'est pas le seul poursuivi dans cette affaire. L'un de ses anciens assistants est soupçonné d'avoir trempé dans des manipulations.
Par ailleurs, un groupe d'avocats américains tente d'intenter une action de groupe (“class action”) contre la Société générale pour tenter d'obtenir des réparations financières au bénéfice de petits actionnaires, recrutés par ces avocats américains.
Grégoire Lecalot, avec agences
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