Criminels dangereux : le projet de loi devant les députés
Dans ce projet de loi à deux volets, la partie sur le maintien en rétention des pédophiles jugés les plus dangereux a suscité la polémique la plus vive. La rétention de sûreté s'appliquerait aux condamnés à 15 ans de réclusion ou plus pour un crime à caractère pédophile, et dont la "particulière dangerosité" en ferait de potentiels récidivistes à la fin de leur peine, selon le texte présenté en Conseil des ministres le 28 novembre. La dangerosité serait évaluée par une première commission, pluridisciplinaire (avec avis médical), et une seconde, formée de trois magistrats, déciderait de la rétention pour une durée d'un an renouvelable à volonté, dans un "centre socio-médico-judiciaire", sorte d'hôpital-prison.
Mais le texte passe très mal à gauche et dans de nombreux syndicats des mondes de la santé et de la justice. Trois organisations dont le Syndicat de la magistrature (SM, gauche) et le Genepi ont formé une entente appelant à refuser le texte, parfaite illustration selon elles de "législations de plus en plus attentatoires aux libertés publiques". L'ancien garde des Sceaux socialiste Robert Badinter a dénoncé "un changement profond d'orientation de notre justice". "Tout notre système judiciaire repose aujourd'hui sur un principe simple: il n'y a pas de prison sans infraction. Or, là c'est tout à fait autre chose, c'est après la peine que l'on maintient quelqu'un en prison, non pas au titre d'une infraction qu'on lui reproche, non pas au titre d'une infraction pour laquelle il a été condamné mais au titre d'une infraction virtuelle, d'un crime qu'il pourrait éventuellement commettre s'il était libre", a-t-il dénoncé.
Dans la partie sur l'irresponsabilité pénale - préparée après l'émotion suscitée par le non-lieu psychiatrique requis contre Romain Dupuy, meurtrier en 2004 de deux infirmières à Pau - le gouvernement envisageait initialement d'instaurer le principe de "culpabilité civile" des malades mentaux, ce qui a été rejeté par le Conseil d'Etat. L'audience publique devant la chambre de l'instruction existait déjà en cas d'appel d'un non-lieu psychiatrique et le texte "n'apportera rien de positif pour le justiciable", souligne Christophe Regnard, secrétaire national de l'Union syndicale des magistrats (USM, majoritaire).
Caroline Caldier avec agences
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