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RÉCIT FRANCE INFO. Plongée dans le quotidien des policiers d’une Brigade spécialisée de terrain

Comment travaillent les fonctionnaires de police des BST, particulièrement montrés du doigt depuis que l'affaire Théo a éclaté ? franceinfo s'est rendu à Metz, en Moselle, pour suivre, pendant une journée, l'une des 57 BST de France.

Article rédigé par franceinfo, David Di Giacomo - Edité par Cécile Mimaut
Radio France
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 4 min
Une patrouille de la BST de Metz sur le terrain. (RADIO FRANCE / DAVID DI GIACOMO)

Quatre policiers d'une Brigade spécialisée de terrain (BST) ont été mis en examen après l'interpellation musclée et le viol présumé de Théo Luhaka, au début du mois de février à Aulnay-sous-Bois, en Seine-Saint-Denis. franceinfo a voulu savoir comment travaillaient ces fonctionnaires de police montrés du doigt depuis que l'affaire a éclaté. Nous nous sommes rendus à Metz, en Moselle, pour suivre pendant une journée, l'une des 57 BST de France. Cette brigade messine est composée de 15 policiers et comme partout en France, tous sont volontaires. Nous accompagnons aujourd’hui Pierre-Yves, 31 ans, dans la police depuis neuf ans, Eléonore, 27 ans et huit mois de service, ainsi qu'Arnaud, 46 ans et une vingtaine d’années de police derrière lui.

Avant de sortir, la patrouille doit s’équiper. Chacun enfile un "gilet tactique, qui possède un certain nombre de poches et d’emplacements pour ranger les armes intermédiaires", nous indique Pierre-Yves. Les armes intermédiaires, ce sont le Taser, la matraque télescopique, les grenades de désencerclement ou encore la gazeuse. Aujourd'hui, c'est Pierre-Yves qui porte l'équipement, afin de laisser ses collègues "un petit peu plus légers pour éventuellement pouvoir d’adapter à d’autres situations", explique-t-il.

Reportage avec la BST de Metz, David Di Giacomo

La traque au petit trafic de drogue 

Direction Borny, un quartier sensible de l’agglomération messine. La patrouille de la BST sait qu’ici, un trafic est établi. Nous entrons dans une barre d’immeuble défraîchie. Un appartement servirait de point de deal. "On établit ce que l’on pensait", nous dit soudain Arnaud en découvrant avec ses collègues cinq à six grammes d’héroïne dans un sachet. Un jeune de 18 ans vient s’asseoir juste à côté de l’appartement, dans la cage d’escalier. Le jeune est "palpé" puis peut baisser les bras. "Vous pouvez faire doucement, par contre, au bras gauche et tout le côté gauche", demande-t-il aux policiers  sans opposer de résistance. "Pas de problème", répond Arnaud avant de demander au jeune homme ce qu’il vient faire ici. "Squatter", lui répond le jeune. La BST relève son identité. Impossible à ce stade de savoir si oui ou non il est impliqué dans le trafic.

La patrouille va devoir maintenant "faire de la surveillance", nous explique Arnaud de retour dans le véhicule de police. "Plus le contrôle se passe de façon un petit peu musclée, on va dire, plus la réponse va être identique. C’est un peu comme un miroir", explique-t-il. "Comme on intervient, on aura une réponse de l’autre côté", résume le policier. La lutte contre le petit trafic de drogue, c’est l’une des raisons d’être de cette police des quartiers sensibles.

Essuyer les plâtres de l'affaire Théo

L'affaire Théo et son viol présumé par un fonctionnaire de police est toujours un sujet très délicat pour les fonctionnaires des BST. Ils n’ont pas voulu évoquer le fond de l’affaire. En revanche, ils reconnaissent avoir été insultés. "C’est inévitable. On a eu le droit à ‘policier violeur’. Ça ne fait pas plaisir. Ça s’est calmé mais c’est quand même tendu", raconte Arnaud. "Il y a un besoin d’explications, renchérit Pierre-Yves. Il faut essayer de leur expliquer qu’on n’a pas forcément toutes les informations sur ces affaires-là, qu’il faut rester prudent en la matière et ne pas jeter des insultes comme ça, à la volée, sans trop réfléchir." Un travail qui demande "encore plus que d’habitude d’explications et de dialogue avec les jeunes", poursuit le fonctionnaire de 31 ans. 

Si leur quotidien n’est pas toujours évident, les policiers messins se rendent bien compte qu’ils ne vivent pas du tout la même chose qu’en région parisienne. "Quand j’étais à Paris... tu rentres à la maison, t’es usé, raconte Arnaud, 46 ans, qui a connu cela. Quand on fait un contrôle et que tout de suite, en face, c’est la confrontation… On ne peut pas comparer une BST de Paris et une BST de province. On fait le même travail, mais pas avec les mêmes personnes."

Au plus proche d'une population sensible

Les trois fonctionnaires que nous avons rencontrés connaissent en tout cas par cœur les jeunes au pied des immeubles. La BST, en tenue, est volontairement très visible, contrairement à la BAC, la brigade anti-criminalité, et elle se doit d’aller au-devant des habitants. C’est entre autres pour cette raison qu’Eléonore s’est portée volontaire. "Ce qui m’a plu dans les missions de la BST, ce sont les rapports avec la population, qu’on a plus le temps d’établir par rapport à la police-secours, et aussi le côté enquête. Même si le côté force physique est un peu plus difficile pour une femme, le côté sportif pour pouvoir toujours être au top sur les interventions était intéressant", explique-t-elle.    

Le quotidien, pour Eléonore et ses deux collègues, ce sont huit heures de terrain par jour, avec le risque qu’ "à tout moment ça peut partir", explique Arnaud. "Ça nous est arrivé il n’y a pas longtemps. On avait une interpellation, on était cinq ou six, ils étaient une bonne vingtaine", raconte-t-il. "On est tiraillé entre le fait de les repousser tout de suite ou le dialogue", explique-t-il. Finalement les policiers ont opté pour "le dialogue, très tendu, mais c’est passé", se félicite le policier. 

Deux motos de police viennent de se faire caillasser. C’est la dernière intervention de la journée. Les BST patrouillent sept jours sur sept. A leur création en 2010, le ministre de l’Intérieur de l’époque, Brice Hortefeux, avait résumé leur mission ainsi : "Le terrain, le terrain, et encore le terrain".

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