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Affaire Grégory : que change la décision du Conseil constitutionnel sur la garde à vue de Murielle Bolle en 1984 ?

Trois décennies après la mort du petit Grégory, les Sages ont jugé inconstitutionnelle la garde à vue de Murielle Bolle en 1984, durant laquelle elle avait accusé Bernard Laroche d'avoir enlevé l'enfant.

Article rédigé par franceinfo avec AFP
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Murielle Bolle, à la table d'une brasserie pour présenter son livre, à Paris, le 4 novembre 2018. (MAXPPP)

Plus de trente-quatre ans après le début de l'affaire Grégory, le Conseil constitutionnel a donné raison, vendredi 16 novembre, à Murielle Bolle, personnage-clé du dossier, en jugeant inconstitutionnelle sa garde à vue de 1984. Cette femme de 49 ans cherche à faire annuler cette garde à vue, au cours de laquelle elle avait accusé Bernard Laroche d'avoir enlevé l'enfant. Que change ce nouveau rebondissement dans cette affaire tentaculaire ?  

1Que s'est-il passé en 1984 ?

Placée en garde à vue les 2 et 3 novembre 1984, Murielle Bolle, alors âgée de 15 ans, avait accusé son beau-frère Bernard Laroche d'avoir enlevé en sa présence Grégory, 4 ans, retrouvé mort le 16 octobre, mains et pieds attachés, dans la Vologne, une rivière des Vosges. Elle avait répété ses propos devant le juge d'instruction, avant de se rétracter, assurant avoir été contrainte d'accuser Laroche. 

Selon elle, les conditions de garde à vue de l'époque ont permis aux gendarmes de faire pression sur elle. L'accusation considère au contraire qu'elle a dit la vérité aux gendarmes puis s'est rétractée sous la pression familiale.

2Que dit le Conseil constitutionnel ?

Saisi d'une question prioritaire de constitutionnalité (QPC) de Muriel Bolle, le Conseil constitutionnel, chargé de contrôler la conformité de la loi avec la Constitution, a censuré plusieurs dispositions de l'ordonnance de 1945 sur "l'enfance délinquante" telle qu'elle était écrite en 1984. Cette ordonnance, qui régissait à l'époque le traitement judiciaire des mineurs, ne prévoyait alors aucune mesure spécifique s'agissant de leur garde à vue : ni présence d'un avocat, ni notification du droit de se taire…

Murielle Bolle, qui s'était donc retrouvée seule face aux gendarmes à 15 ans, estimait que ses droits fondamentaux avaient été bafoués. Les Sages l'ont suivie en soulignant que l'ordonnance ne prévoyait alors pas les garanties suffisantes "propres à assurer le respect des droits des personnes placées en garde à vue, notamment lorsqu'elles sont mineures"

3Qu'est-ce que cela change pour l'affaire ?

Cette décision pourrait amener la justice pénale à rayer du dossier toute mention des déclarations cruciales de Murielle Bolle. "Il appartiendra au juge judiciaire [la Cour de cassation] d'apprécier les conséquences de cette censure dans le litige à l'origine de la QPC soulevée par Murielle Bolle", explique le Conseil constitutionnel. Pour l'heure, l'avis du Conseil constitutionnel reste un avis consultatif. C'est la cour de cassation, à l'origine saisie de cette QPC, qui avait demandé aux Sages leur opinion. Mais il semble toutefois peu probable que la plus haute juridiction dans l'ordre judiciaire français ne suive pas cette voix. 

Si la justice pénale choisissait d'annuler les déclarations de Murielle Bolle adolescente et de les rayer de tout acte de procédure qui les mentionnerait, cela affaiblirait encore un dossier déjà miné par d'innombrables errements des enquêteurs, sans toutefois mettre un terme à l'enquête. "Logiquement, les procès-verbaux de cette garde à vue de 1984 devraient être annulés. Mais cela n’empêche pas une nouvelle mise en examen de Murielle Bolle", explique Le Monde

Muriel Bolle avait été mise en examen en juin 2017 pour le rapt mortel de l'enfant, comme le couple Jacob, grand-oncle et grand-tante de Grégory. Annulées pour des questions de procédure, ces mises en examen devraient être de nouveau demandées par le parquet général une fois tous les recours purgés. L'accusation privilégie désormais la thèse d'un "acte collectif" avec Bernard Laroche, abattu en 1985 par le père de Grégory, Jean-Marie Villemin. "C'est un miracle, a déclaré Murielle Bolle au Parisien. Je l’espérais mais je n’osais pas y croire.  Il ne fallait pas me mettre en garde à vue, me jeter en prison. Peut-être, enfin, ma vie va changer."

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