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36 ans après la mort du petit Grégory, la stylométrie peut-elle permettre d’identifier le corbeau ?

Réalisée par un laboratoire suisse, l'expertise de stylométrie vise à démasquer le ou les corbeaux ayant rédigé plusieurs courriers anonymes manuscrits adressés aux parents de Grégory, dont la lettre de revendication de l'assassinat. 

Article rédigé par David Di Giacomo
Radio France
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 3min
Portrait du petit Grégory Villemin en 1984. (/NCY / MAXPPP)

"J'espère que tu mourras de chagrin le chef. Ce n'est pas l'argent qui pourra te redonner ton fils. Voilà ma vengeance." Cette lettre de revendication de l'assassinat du petit Grégory, mais aussi d'autres courriers du corbeau, ont été décortiqués. Leur syntaxe a été comparée à d'autres textes saisis chez plusieurs suspects dans cette affaire. "La stylométrie analyse les différentes caractéristiques du discours d'une personne. La richesse de son vocabulaire, la longueur des phrases, les mots qu'elle va employer", explique Florian Cafiero, ingénieur au CNRS et spécialiste français de la stylométrie, un outil utilisé depuis des décennies en littérature. "On peut faire de la stylométrie sur des emails personnels. On peut faire de la stylométrie sur des cartes postales, ou quoi que ce soit. Il y a toujours de la variabilité dans la manière dont on utilise la langue personnellement", poursuit-il.

"Dans cette affaire Grégory, c'est un espoir, bien sûr, d'avoir un indice qui va être versé au dossier pour retrouver le coupable."

Florian Cafiero, ingénieur au CNRS, spécialiste français de la stylométrie

à franceinfo

L'expert précise : "La stylométrie a de bonnes chances de donner des indices très intéressants dans les affaires judiciaires, et dans cette affaire Grégory. Il est certain qu’il est toujours plus facile d’attribuer un texte long qu’un texte court. Peut-être qu’étudier aussi les conversations téléphoniques, les enregistrements du corbeau (les appels téléphoniques anonymes passés avant l’assassinat, dont certains ont été enregistrés), ça pourrait être intéressant. Même si c’est une conversation, on pourrait tout de même observer beaucoup de choses de la langue de la personne."

Des algorithmes pour aider l'enquête

Un espoir, certes, mais qui a aussi ses limites en raison de la petite quantité de textes à comparer. "En dessous de 5 000, voire de 3 000 mots, on a des analyses qui sont nettement moins fiables. Plus les textes sont courts, moins les analyses sont fiables, explique Jean-Baptiste Camps, maître de conférences à l'École nationale des chartes. Malgré tout, il y a quand même pas mal de cas d'application sur des textes courts, notamment sur des tweets qui font quelques centaines de caractères où on peut avoir un peu de fiabilité, même si on n'aura pas le même niveau que pour des textes plus longs, naturellement." 

"Ces marqueurs que sont les mots-outils, ce sont eux qui sont les moins conscients et qui vont permettre d’attribuer des textes, de reconnaître la plume ou l’individualité d’une personne."

Jean-Baptiste Camps

à franceinfo

C'est une start-up suisse qui a été chargée d'analyser les lettres du corbeau. Elle s'appuie sur des algorithmes. Claude-Alain Roten est le cofondateur d'Orphanalytics. Sans dévoiler le résultat, il assure que sa méthode est très sérieuse. "On comprend bien que ça puisse interpeller, que dans certains cas on arrive même à épingler la personne qui a produit une lettre de menaces de 50 caractères. Mais ce sont des conditions particulières, des conditions criminelles dans lesquelles les gens mettent beaucoup d'eux-mêmes quand ils produisent ce type de document", souligne-t-il.

La stylométrie n'avait encore jamais été utilisée en France dans un dossier judiciaire. Plus développée aux États-Unis, cette technique a déjà permis de résoudre plusieurs affaires criminelles.

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